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4. CONTEXTE LÉGAL ET ADMINISTRATIF

4.3 Les instruments d’action en participation publique au Québec

Constatant que le choix du gouvernement du Québec de s’orienter vers des mécanismes plus participatifs définis dans diverses lois et dispositions réglementaires, il importe de se tourner vers les instruments d’action mis en œuvre afin de traduire cette volonté d’ouverture par une participation du public à l’élaboration, au développement et à l’évaluation des projets énergétiques afin d’en favoriser l’acceptabilité sociale.

4.3.1 Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement

Créé il y a maintenant plus de 30 ans, le BAPE est le principal instrument d’action institutionnalisant la participation publique au Québec. Il bénéficie d’ailleurs d’une réputation enviable à l’échelle internationale, fort d’une expertise comprenant la production de plus de 275 rapports d’enquête, dont plus de 200 rapports d’enquête et d’audiences publiques, ayant vu défiler plus de 100 000 personnes aux séances d’audience (Gauthier et Simard, 2011).

Relevant du MDDEFP, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement est un organisme public, neutre et autonome qui vise à éclairer la prise de décision gouvernementale en examinant les projets qui lui sont soumis sous une variété d’angles, biophysiques, sociales, économiques et culturelles. Arguant la prise en compte des préoccupations et des opinions de la population dans

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ses rapports afin que l’expertise citoyenne soit mise à profit dans la bonification de projets et l’enrichissement du processus décisionnel, le BAPE représente depuis 1980 l’apogée des pratiques québécoises de participation publique, agissant comme catalyseur de la participation citoyenne dans la prise de décision gouvernementale (MDDEP, 2013). La légitimité du modèle proposé par le BAPE s’enracine dans la fixation de règles précises qui, imposant un décorum à la procédure, assoie la crédibilité de l’organisme, dans un rapport de force qui l’oppose aux principaux promoteurs et au gouvernement. (Gauthier et Simard, 2011).

Sur requête du ministre, le BAPE informe et consulte la population ou encore mène des enquêtes sur des projets ou des questions relatives à la qualité de l'environnement afin de rendre compte des préoccupations citoyennes quant aux projets étudiés, de rapporter ses observations et recommandations dans le but d’orienter la prise de décision ministérielle. Le BAPE est par conséquent un organisme gouvernemental consultatif et non décisionnel (BAPE, 2013a).

Tel que brièvement expliqué à la section 3.3.3, le cheminement d’un projet avant le BAPE est encadré par le REEIE. Les audiences publiques sont une tribune constituée de deux phases, permettant aux citoyens de s’informer sur le projet et de formuler leurs commentaires et recommandations. La phase de participation du public est lancée par une période d’information et de consultation du dossier consistant à rendre publique l’étude d’impact et les autres documents relatifs au projet. Cette phase est d’une durée réglementaire de 45 jours. À la suite de celle-ci, toute personne ou groupe a alors la possibilité de requérir qu’une audience publique soit tenue sur le projet. Le mandat d’enquête et d’audiences publiques se déroule en deux parties, échelonnées sur une période de quatre mois. Une commission d’enquête est alors formée par le président du BAPE afin de disposer d’une expertise pertinente en regard des éléments et des enjeux spécifiques au projet. La première partie de l’audience vise l’information du public. En ce sens, la commission d’enquête tient des séances publiques dans la région concernée par le projet afin que le promoteur du projet ainsi que des personnes ressources des ministères puissent répondre aux questions du public et de la commission (BAPE, 2013b). Cette première partie est d’autant plus intéressante en ce qui a trait à la délibération puisqu’elle favorise, par des échanges entre la commission, le public, le promoteur et les personnes ressources, une meilleure compréhension des enjeux en présence (Gauthier et Simard, 2011). Pour ce qui est de la deuxième partie de l’audience, celle-ci veut permettre à la population d'exposer ses préoccupations quant au projet et à ses impacts appréhendés, mais favorise très peu les échanges entre acteurs. À la suite de ces audiences, le BAPE a la responsabilité de faire état de ses constatations et de son analyse de l’acceptabilité socio-environnementale du dossier. Le mandat confié au BAPE pour tenir l’audience et rédiger son rapport a une durée d’au plus quatre mois. Le ministre rend public le rapport dans les 60 jours suivant sa réception.

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Une analyse de l’évolution du BAPE comme outil d’action public est proposée par Gauthier et Simard (2011) qui soulèvent plusieurs constats intéressants à son endroit, notamment quant aux conflits d’échelle territoriale émergeant des pratiques de participation publique. Ils observent d’abord que cette pratique telle que promue par le BAPE se confine « dans une perspective de projet au détriment d’une perspective territoriale et intégrée, ce qui nous renvoie à des enjeux de cohérence de l’action publique » (Gauthier et Simard, 2011, p.40). La pratique québécoise en matière d’audiences génériques, s’attardant plus spécifiquement aux questions de la justification des projets et des politiques desquelles ils découlent, continue d’être ponctuelle et ne se systématise pas, de la même façon que l’évaluation environnementale stratégique (ÉES) demeure l’exception plutôt que la norme (Gauthier et Simard, 2011).

4.3.2 La Régie de l’énergie

La création de la Régie de l’énergie en 1996 est au cœur des transformations majeures des modes de régulation du secteur québécois de l’électricité (Simard, 2010). Son énoncé de mission consiste à

« assurer la conciliation entre l’intérêt public, la protection des consommateurs et un traitement équitable du transporteur d’électricité et des distributeurs. Elle favorise la satisfaction des besoins énergétiques dans une perspective de développement durable et d’équité au plan individuel comme au plan collectif » (Régie de l’énergie, 2010).

S’inscrivant dans un désir d’accroissement de la participation des instances locales et régionales dans l’exploitation énergétique québécoise au cœur de la politique énergétique québécoise d’alors, la Régie se voulait une « agence indépendante et experte axée sur la consultation des intéressés » (Simard, 2010, p. 54).

La Régie de l’énergie devient une instance décisionnelle, un tribunal quasi judiciaire dont le rôle se veut complémentaire à celui du BAPE, puisque l’on prévoit l’intervention de celui-ci en amont de celle de la Régie. Afin de sortir des zones grises entourant les mandats respectifs du BAPE et de la Régie, la stratégie énergétique 2006-2015 propose une définition des processus d’analyse des projets énergétiques. Baril (2006) explique que l’approche intégrative véhiculée par le développement durable et le droit international de l’environnement y sont alors abandonnées, au profit d’une vision de l’environnement qui dissocie l’analyse environnementale des projets énergétiques, compétence attribuée au BAPE, de l’aspect économique, compétence exclusive de la Régie, qui renvoie également à l’analyse de la justification énergétique des projets.

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Alors que sa création participait d’une volonté de permettre une réelle participation du public, la Loi sur la Régie de l’énergie entrainera plutôt un « confinement de la participation publique » (Simard, 2010, p. 64-65) à des audiences concernant les demandes d’ajustement de tarifs ne favorisant qu’une participation très restreinte des acteurs de la société civile.

Institutionnalisant l’action publique dans le domaine de l’évaluation environnementale des projets et de la planification territoriale, les cadres légaux et administratifs viennent baliser le rapport de la collectivité québécoise à son développement et à la gestion de ses ressources, en y intégrant une composante de participation des publics afin d’en accroitre l’acceptabilité sociale, une notion désormais « mobilisée par les acteurs des milieux décisionnels centraux pour penser, évaluer et infléchir les projets d’aménagement » (Fortin et Fournis, 2011, p.3). L’acceptabilité sociale devient le dénominateur que l’on considère afin de conforter notre rapport aux ressources, d’en légitimer les modes de gestion (Blain, 2013). Malheureusement, les instruments d’action publique ne permettent pas aux acteurs de se positionner quant au niveau de « souhaitabilité » ou de « désirabilité » d’un projet pour une collectivité, puisqu’ils s’intéressent uniquement à la question de l’atténuation des impacts au sein des milieux, occultant la justification intrinsèque de ces projets d’aménagement.

Voyons maintenant de quelle façon ces éléments s’imbriquent à la lumière d’un projet spécifique, celui de la mise en valeur hydroélectrique de la rivière Ouiatchouan à Val-Jalbert.

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