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Chapitre 2 – Revue de littérature

2.7 Les initiatives alimentaires alternatives

Les systèmes alimentaires alternatifs (SAA) pourraient donc s’avérer être une solution prometteuse pour améliorer l’environnement alimentaire, particulièrement pour les individus vivant en situation de pauvreté. Les SAA proposent des solutions qui visent à favoriser un accès plus équitable aux aliments sains, peu transformés et souvent biologiques, ainsi qu’à stimuler l’économie locale et à promouvoir le développement durable (Haynes-Maslow et al., 2015; Jonason, 2017; Wegener et Hanning, 2010; White et al., 2018). De cette façon, les produits alimentaires issus des systèmes alimentaires alternatifs proviennent de circuits courts, limitant ainsi les intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs (Wegener et Hanning, 2010).

En plus, les produits alimentaires issus des SAA sont reconnus pour être variés, de bonne qualité, frais et très goûteux. Ces caractéristiques favorisent l’intérêt à l’égard des SAA et la consommation d’aliments frais (Izumi et al., 2011; Jonason, 2017; Misyak et al., 2014; Pascucci et al., 2016; Sadler, 2016).

2.7.1 Les systèmes alimentaires alternatifs au Canada, au Québec et à

Montréal en pleine émergence

Les SAA regroupent une multitude d’initiatives, comme les marchés de quartier, les projets d'agriculture soutenue par la communauté (ASC), l'agriculture urbaine (jardins communautaires et collectifs) et l'éducation nutritionnelle communautaire (Brisebois, 2017; Pothukuchi, 2016). Ces interventions connaissent un réel engouement et reçoivent une attention soutenue de la part d’instances locales, provinciales et nationales (Minaker et al., 2016). Certaines initiatives de SAA seront détaillées ci-après.

Les marchés de quartier misent sur des initiatives favorisant l’approvisionnement alimentaire de proximité. Les petits magasins d’alimentation communautaires, sous forme de coopératives ou d’entreprises d’économie sociale, sont également inclus dans cette catégorie. L’agriculture soutenue par la communauté (ASC) permet de s’approvisionner directement des producteurs via la réception de boîtes d’aliments livrés aux domiciles des clients ou à des points de chute. Enfin, les jardins communautaires sont des espaces gérés par des ménages qui ont chacun accès à une parcelle de terre. Chaque famille est responsable de l’entretien, de la plantation et de la récolte des aliments qu’elle produit (Brisebois, 2017).

Au Canada, plusieurs projets de SAA sont en cours, tels que le Toronto Food Strategy, le Vancouver

Neighbourhood Food Networks, l’Ottawa Food Action Plan, le Food Matters Manitoba, le Calgary Food Action Plan. Au Québec, la Politique bioalimentaire 2018-2025 souligne le besoin

d’améliorer la promotion des aliments frais, locaux et nutritifs de même que le transfert d’information portant sur l’alimentation (MAPAQ, 2018). De même, le PAGIEPS (Plan d’action gouvernemental pour l’inclusion économique et la participation sociale) comprend des mesures pour appuyer des initiatives visant à augmenter la quantité des fruits et de légumes frais pour les personnes à faible revenu, ainsi qu’améliorer les connaissances sur la conservation des aliments

du personnel des organismes d’aide alimentaire (MTESS, 2017). À Montréal, plusieurs initiatives de SAA ont été mises sur pied depuis plusieurs années comme des initiatives de marchés publiques, d’épiceries communautaires, de kiosques maraîchers, de cafés de quartier et des projets d’agriculture urbaine (Audet et al., 2015; Brisebois, 2017). Actuellement, vingt-cinq de ces initiatives sont soutenues par le Programme de soutien à l’amélioration de l’accès aux fruits et légumes de la Direction régionale de santé publique de Montréal (DRSPM), financées par le PAGIEPS. Afin de favoriser la concertation et les actions en matière d’alimentation, un réseau d’acteurs œuvrant à rendre le système alimentaire montréalais plus durable s’est formé sous le nom du Système alimentaire montréalais (SAM) (SAM, s. d.).

En outre, dans l’Est de Montréal, un partenariat entre l’UQAM et le CIUSSS l’Est-de-l'île-de- Montréal s’est développé pour mener des travaux dans les quartiers défavorisés afin d’améliorer le système alimentaire dans l’Est. À cet égard, trois travaux importants se démarquent. Premièrement, les travaux de la Chaire de recherche sur la transition écologique de l’UQAM sur la démarche d’innovation des marchés de quartiers de Montréal et la transition socioécologique du système agroalimentaire local ont permis de contribuer à l’avancement des connaissances du milieu agroalimentaire montréalais. Deuxièmement, les démarches pour cartographier le territoire du CIUSSS de l’Est de l'Île-de-Montréal ont grandement amélioré l’état des connaissances de l’offre alimentaire et des initiatives alimentaires alternatives dans cette région (Florent, 2017). Troisièmement, la création d’un organisme à but non lucratif, le Réseau alimentaire de l’Est de Montréal (RAEM) a été mis sur pied afin de revitaliser le système alimentaire dans l’Est de Montréal, en créant une chaîne d’approvisionnement d’aliments frais pour rendre les fruits et les légumes plus accessibles aux résidents. Cette chaîne d’approvisionnement inclut des producteurs de la région périurbaine, des projets de jardins collectifs, des supermarchés, des dépanneurs et des organismes communautaires (RAEM, s. d.). C’est en continuité de ces travaux que l’étude « Bien Manger dans son quartier » a été développée. Celle-ci vise l’amélioration du système alimentaire spécifiquement dans l’Est de l’île de Montréal.

2.7.2 L’accès aux ressources alimentaires alternatives

Parmi l’ensemble des études concernant les Initiatives alimentaires alternatives (IAA), celles portant plus spécifiquement sur les marchés montrent que les participants aiment les fréquenter en raison de la qualité et la fraîcheur des produits (Dodds et al., 2014; Freedman et al., 2016; Hsiao et al., 2019; Mack et Tong, 2015; McNeill et Hale, 2016; Misyak et al., 2014; Ylitalo et al., 2019; Young et al., 2011; Yu et al., 2017; Zepeda, 2009). En outre, l’interaction sociale lors des visites aux marchés constitue un facteur contribuant à leur fréquentation (Buman et al., 2015; Byker et al., 2012; Dodds et al., 2014; Hsiao et al., 2019; McNeill et Hale, 2016). Cependant, les accès insuffisants par transport, les longues distances à parcourir, le temps de transport et les heures d’ouverture limitées sont les principaux obstacles notés (Cotter et al., 2017; Dodds et al., 2014; Freedman et al., 2016; Hsiao et al., 2019; Misyak et al., 2014; Savoie-Roskos et al., 2016; Wetherill et Gray, 2015). En outre, d’autres études soulignent aussi que le prix des aliments offerts n’est pas abordable (Cotter et al., 2017; Dodds et al., 2014; Freedman et al., 2016; Hsiao et al., 2019; Ruelas et al., 2012). En effet, les marchés sont davantage fréquentés par les individus plus nantis, diplômés de l'université, mariés et s'identifiant comme « Blancs » (Dodds et al., 2014). Aux États-Unis, les individus à faible revenu fréquenteraient plus souvent les marchés lorsque le prix des aliments est considéré abordable (Freedman et al., 2016; Gorham et al., 2015; Hsiao et al., 2019; Young et al., 2011; Zepeda, 2009).

Plus près de nous, des travaux réalisés à Montréal montrent que la portée de ces initiatives, leur influence sur l’alimentation et leur impact sur la sécurité alimentaire ne sont pas clairs (Chaput et al., 2018; Drisdelle et al., 2020; Rebouillat et al., 2019). Afin de les rendre plus accessibles, de plus en plus de marchés aux États-Unis se munissent de terminaux électroniques pour accepter les coupons du programme d'assistance nutritionnelle supplémentaire (SNAP) et du programme spécial de nutrition supplémentaire pour les femmes, les nourrissons et les enfants (WIC) (Wetherill et Gray, 2015).

Concernant la participation aux initiatives de jardins communautaires, le désir de nouer des contacts sociaux et l’accès à des produits abordables sont soulignés comme des éléments facilitateurs (Haynes-Maslow et al., 2015; Kingsley et al., 2019; Roncarolo et al., 2015). Cependant, le manque de temps, les infrastructures insuffisantes, la distance à parcourir, le

nombre de terrains disponibles limité, voire nul, et les obstacles à l’accessibilité pour les personnes aux prises avec un handicap sont les barrières à la fréquentation des jardins communautaires les plus souvent rapportées. (Haynes-Maslow et al., 2015; Kingsley et al., 2019; Roncarolo et al., 2015). Le profil sociodémographique des participants aux jardins communautaires révèle que ce type d’initiative semble rejoindre davantage des individus plus scolarisés et mieux nantis (Roncarolo et al., 2015).

Parmi les études s’intéressant aux projets d’ASC, plusieurs éléments contribuant à la participation ont été soulignés. Ce type de projets favorise le développement des valeurs environnementales et de communauté, l’interaction directe avec les producteurs ainsi que la consommation d’aliments de saison, locaux et biologiques (Cox et al., 2008; Pole, 2015; Pole et Gray, 2013; Vassalos et al., 2017). Cependant, le fait de ne pouvoir choisir soi-même le contenu de son panier, l’obligation de paiements anticipés, les frais d’adhésion sont les principales barrières rencontrées par les populations défavorisées (Loopstra et Tarasuk, 2013a; Markow et al., 2016; Vassalos et al., 2017).

Finalement, les fruiteries et les épiceries communautaires pourraient également améliorer l’accès aux aliments en comblant le manque de supermarchés de grande surface. Une étude s’intéressant à l’implantation d’un nouveau marché alimentaire à but non lucratif a révélé que celui-ci avait un impact positif sur la communauté et qu’il était apprécié de ses utilisateurs pour sa commodité, ses services offerts ainsi que la qualité et le prix des aliments (Yao et al., 2019) .

À la lumière de ces résultats, il appert que les initiatives et les ressources alimentaires alternatives peuvent avoir des effets positifs sur l’accès aux aliments sains. Ceux-ci se manifestent davantage lorsque les initiatives répondent aux critères d'accessibilité financière, de commodité et d'inclusivité (c’est-à-dire des produits disponibles qui sont culturellement souhaitables) visés par les MFR (Jonason, 2017).