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3. Les Dinoflagellés

5.4 Les HAB dans les lagunes méditerranéennes

L’ensemble les côtes françaises est concerné par la problématique des efflorescences microalguales toxiques. Cent douze zones font l’objet d’une surveillance dans le cadre du REPHY (Ifremer), dont 39 sont sur les côtes méditerranéennes. Cela représente, sur l’ensemble du territoire métropolitain, 189 points de prélèvements distincts échantillonnés régulièrement toute l'année avec une fréquence de prélèvement de mensuelle à hebdomadaire définie en fonction de la zone. A ces points de surveillance régulière, 244 points supplémentaires sont identifiés pour être activés en cas d’alertes. En 2014, cela représentait 3188 analyses d’échantillons d’eau. Ce réseau de surveillance, mis en place en 1984 après un épisode d’empoisonnement à DSP en Bretagne, permet de détecter rapidement les zones contaminées qui, si la contamination par les biotoxines dépasse le seuil sanitaire, peuvent alors faire l’objet d’une suspension de la commercialisation des coquillages, prononcée par l'Administration (Préfecture de Département) sous la forme d'arrêtés préfectoraux. Ces suspensions concernent la vente des coquillages exploités, mais peuvent aussi, dans certains cas, interdire leur ramassage sur les gisements naturels. Les durées de fermeture de ces zones d’exploitation ou de pêche, sont variables et dépendent de la dynamique des efflorescences et de la décontamination naturelle des coquillages. Les suspensions sont levées par arrêté préfectoral, quand les résultats montrent l’absence de risque pour le consommateur. Au cours de ces dix dernières années, les restrictions de commercialisation ont, en majorité, concerné les toxines lipophiles (anciennement dénommées diarrhéiques-DSP). L'étang de Salses-Leucate en Languedoc-Roussillon et les étangs de Diana et Urbino en Corse, ont été les principaux secteurs méditerranéens français impactés. En ce qui concerne les toxines paralysantes (PSP), l’étang de Thau est la zone méditerranéenne principalement concernée par cette contamination. L’étang de Leucate a connu un bref épisode à Alexandrium minutum toxique en 2007 mais la toxicité mesurée à toujours été inférieure au seuil de sécurité sanitaire.

Dans les lagunes méditerranéennes françaises, l’existence d’espèces potentiellement toxiques est connue depuis de très nombreuses années. Plus récemment, il a été constaté que certaines

espèces de dinoflagellés ont été responsables d’efflorescences importantes dans certaines lagunes du Languedoc-Roussillon. L’étang de Thau est la seule zone sur le littoral méditerranéen français à être régulièrement confrontée à des proliférations de l’espèce A.

catenella (toxines paralysantes PST). Cette espèce peut synthétiser jusqu’à six toxines

différentes (Laabir et al., 2013a). Ces développements apparaissent principalement en période printanière et automnale (Laanaia et al., 2013) (Figure 27). La première efflorescence d’A.

catenella/tamarense s’est produite en 1998 bien qu’un bloom d’une espèce d’Alexandrium ait

été observé dans l’étang de Thau en 1995. Aucun test n’avait été réalisé car cette efflorescence (environ 20000 cellules/L) avait été attribuée à Alexandrium tamarense réputé non toxique à l’époque (C. Chiantella, com. pers.). En 1999 et 2000, les contaminations par les toxines PST ont été faibles. En novembre 2001, cette espèce a de nouveau provoqué, comme en 1998, une crise importante. Les concentrations en toxines PST ont été importantes, de l’ordre de 5000 µg équivalent saxitoxine/kg de chair dans les palourdes, et pour la première fois, elles ont dépassé le seuil autorisé dans les huîtres creuses d’élevages. Par ailleurs, aucune contamination n’a été mise en évidence entre 2000 et 2002. En 2003 le niveau de contamination des huîtres a doublé par rapport à celui de 2001, tandis qu’en 2004, malgré un niveau élevé de contamination des moules, les huîtres élevées sur tables n’ont pas dépassé un maximum de 520 µg équivalent saxitoxine/kg de chair au point REPHY Bouzigues (Figure 28).

Figure 27 : Vue aérienne d’une prolifération massive d’Alexandrium catenella (automne 2004) ayant entraîné une coloration rouge de l’eau de surface de la crique de l’Angle dans la lagune de Thau. Photo A. Vaquer 2004.

Figure 28 : Localisation des points de suivi REPHY dans l’étang de Thau

En octobre 2005, le début d’un bloom automnal a été observé mais en raison des conditions météorologiques qui se sont dégradées, il n’y a pas eu d’efflorescence nuisible pour l’activité conchylicole. Les genres toxiques Dinophysis et Pseudo-nitszchia sont également présents dans les lagunes. Si aucune toxicité ASP (toxines amnésiantes) n'a été détectée jusqu'à aujourd'hui dans les milieux naturels, une toxicité DSP (toxines diarrhéiques) a été observée pour la première fois dans l’étang de Thau sur des moules en octobre 2005. Les principaux taxons accompagnants (en abondances dominantes) sont les diatomées des genres

Chaetoceros, Skeletonema, Leptocylindrus, Nitzschia, Thalassiosira, Coscinodiscus, Thalassionema, Rhizosolenia, Pseudo-nitszchia. Les principaux dinoflagellés accompagnants

sont Scrippsiella, Prorocentrum sp., Gymnodinium, Gonyaulax et Peridinium. Depuis peu, d’autres espèces (i.e. Prorocentrum rhathymum et Coolia monotis), encore faiblement abondantes, sont observées de plus en plus fréquemment.

L’étang de Thau est la plus importante zone conchylicole du sud de la France : 20 % de la surface de l’étang sont ainsi concernés par l’élevage d’un stock d’huîtres estimés à environ 25000 tonnes (Souchu et al., 2001). On estime qu’environ 2000 emplois directs sont

concernés par la conchyliculture dans le département de l’Hérault. En 2012, la production ostréicole méditerranéenne française était évaluée à 6044 tonnes et la production mytilicole à environ 17000 tonnes, le tout pour un chiffre d’affaire (HT) d’environ 61 millions d’euros. La conchyliculture représente aussi un héritage culturel important, qui contribue à la définition d’une identité locale forte directement liée à l’attrait touristique de la région. L’étang de Thau est par ailleurs un haut site de conservation de la biodiversité marine : on y rencontre 100 des 500 mollusques méditerranéens, et de très nombreuses espèces de macrophytes autochtones (163 espèces) et également 36 espèces exotiques (Verlaque, 2001). Tous ces éléments (valeur économique, écologique, patrimoniale, etc.) démontrent l’importance des mesures de conservation et de gestion que les autorités locales mettent en place et animent. Depuis le début des années 2000, près de 4 M€ sont ainsi investis annuellement.

Ainsi les travaux entrepris dans ce projet de thèse sont axés sur l’amélioration des connaissances d’une espèce toxique émergente dont les impacts sur ces lagunes méditerranéennes pourraient être importants dans les années à venir.

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