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Les gérants de bornes-fontaines (petits centres)

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Grandes villes

4.9. Les gérants de bornes-fontaines (petits centres)

4.9.1. Des acteurs liés par contrat avec l’entreprise publique

Nous nous sommes intéressés aux individus qui assurent la revente de l’eau au niveau des bornes-fontaines, à la suite d’un contrat passé généralement avec l’entreprise publique chargée de la distribution d’eau (SBEE, SONELEC, SDE, ONEA, EDM...). Il s’agit de petits commerçants (et de leurs employés), dont l’activité est rémunérée par la marge réalisée sur le prix de vente. Par contre, nous nous sommes relativement peu intéressés aux « fontainiers », parfois salariés, mis en place par des comités de gestion pour distribuer l’eau au niveau des bornes-fontaines, comme on en rencontre de nombreux exemples au Sénégal. En effet, ces

« fontainiers » ne relèvent pas vraiment du secteur de l’entreprise privée.

Gérant de borne-fontaine est l’un des rares métiers relativement formels, puisque les gérants passent un contrat avec l’entreprise de distribution d’eau. Dans certaines villes, ils sont même astreints au paiement de taxes municipales, de type patente.

Mais, par son caractère formel, cette activité n’est pas complètement concurrentielle.

Le nombre de bornes-fontaines est strictement limité et soumis aux décisions des municipalités ou de entreprises de distribution d’eau. Là où il n’y en a pas assez, les bornes peuvent alors devenir des sources de profit importantes et donc des objets de convoitise. L’attribution des bornes se fait alors souvent au sein de la parentèle des élus locaux sans aucune justification précise en termes de compétences techniques ou commerciales. En contrepartie de leur choix, les gérants sont tenus à certaines obligations plus ou moins explicites, qui peuvent être très pénalisantes (reprise des dettes du gérant précédent, petits cadeaux pour obtenir la gérance, service gratuit de certaines familles...).

Les gérants de bornes fontaines rencontrés au Mali, en Mauritanie (Nouakchott), au Burkina Faso et au Bénin ont tous une relation contractuelle forte avec l’entreprise publique de distribution d’eau (EDM, ONEA, SBEE). Ils sont titulaires d’un abonnement et paient tous les mois une facture basée sur la lecture d’un compteur d’eau. Le tarif qui leur est appliqué est généralement un tarif préférentiel, aligné sur la tranche la plus basse (« tranche sociale ») des barèmes. Ces opérateurs sont

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totalement intégrés au système de distribution publique, même si leur activité reste souvent défiscalisée (pas de patente, pas de taxe sur le chiffre d’affaires).

Un petit centre au Burkina, l’exemple de Niangologo (12 000 habitants)

Le réseau de distribution de Niangologo est exploité par l’ONEA. Un tiers de l’eau est distribuée au travers de 94 branchements particuliers, et deux tiers de l’eau sont distribués au travers de 12

bornes-fontaines, qui alimentent en eau 90 % de la population de la ville.

Les fonctions de fontainiers sont occupées par des revendeurs d’eau indépendants, parfois fort jeunes (certains ont moins de 20 ans). Ils s’agit donc de petits commerçants, bien intégrés au système par l’ONEA auprès de laquelle ils ont souscrit un abonnement. Ces fontainiers achètent l’eau

à 179 F CFA par m3 et la revendent au détail (à 10 FCFA la bassine de 30 l, soit 330 CFA le m3) et aussi en gros, à des charretiers. Le revenu moyen d’un fontainiers indépendant est de l’ordre de 20

000 F CFA par mois.

4.9.2. Un métier de notable et des revenus confortables

Le métier de gérant de borne fontaine est un métier respectable, souvent réservé à des gens honorablement connus dans le quartier et qui peuvent présenter des garanties (notamment immobilières)1. Ce n’est pas vraiment étonnant. Les entreprises publiques de distribution d’eau souhaitent se protéger contre les risques d’impayés et elles ne passent donc de contrats qu’avec des gérants fiables. La gérance des bornes est d’ailleurs une activité qui peut être très rentable et elle fait donc parfois l’objet d’une compétition entre les commerçants du quartier.

L’exemple de Kayes est révélateur. Il s’agit d’un centre secondaire du Mali (54 000 habitants) alimenté en eau par un réseau relativement dense, puisqu’il comprend 2400 branchements particuliers et 85 bornes-fontaines. Une analyse très détaillée du service apporté par ces bornes-fontaines et de leur histoire a été réalisée par une autre équipe, dans le cadre du même programme thématique (voir MOREL A L’HUIISSIER et VERDEIL, 1997). Dans le cadre de la présente étude (VALFREY, 1997), nous nous sommes principalement intéressés à la personnalité des fontainiers, leur histoire et leur revenus.

La plupart des bornes sont gérées par des gens qui bénéficient d’une forte reconnaissance sociale dans le quartier, installés à Kayes depuis plus de 10 ans. Il s’agit donc plutôt de notables et l’exploitation d’une borne-fontaine (rarement deux) leur assure un revenu non négligeable (de 20 000 à 100 000 CFA par mois). La gérance des bornes a d’ailleurs souvent été attribuée à des membres du parti au pouvoir ou de la famille des dirigeants municipaux.

1 La ville de Bobo Dioulasso semble faire exception à cette règle, puisque l’enquête réalisée auprès des gérants (Dakouré, 1997) a permis de rencontrer de nombreux jeunes gérants. Peut-être cela tient-il à une politique propre à l’ONEA, visant à favoriser l’emploi des jeunes.

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L’intérêt commercial de la gérance d’une borne-fontaine est d’autant plus grand que l’investissement en matériel à réaliser par l’exploitant est très limité (un robinet, un bout de tuyau en plastique). Cependant, celui-ci doit souscrire un abonnement auprès de l’entreprise de distribution d’eau, et cela peut revenir assez cher quand celle-ci exige qu’il apure au préalable les dettes souvent laissées par l’exploitant précédent. Il s’agit bien entendu d’une pratique abusive, mais extrêmement répandue.

Moussa SIDIBE, fontainier à Légal Ségou

Moussa SIDIBE, menuisier de formation, est né en 1932. Fontainier indépendant depuis 1991.

Témoignage : « La vente d’eau est un métier noble. Beaucoup de prophètes l’ont fait. Avant les événements de mars 1991 [chute de Moussa TRAORE], il y avait une borne-fontaine devant ma maison et on m’en avait confié la surveillance. Je ne gardais pas l’argent, j’avais un cahier où je notais tous les volumes vendus. A l’époque, l’argent était versé à la Section de l’UDPM. Un jour j’ai été interpellé par la Mairie pour verser l’argent, j’ai répondu que je n’avais rien. C’est alors le Secrétaire Général de l’UDPM (à qui je versais l’argent) qui est venu à mon secours en disant qu’il allait régler toutes les factures depuis 2 ans. Après enquête j’ai trouvé que l’affaire s’était réglée entre les politiciens, l’EDM et la Mairie. Surviennent alors les événements du 26 mars 1991, les politiciens sont partis, et j’ai alors fait une demande pour rouvrir la borne-fontaine. Mais j’ai eu des problèmes avec l’EDM, car bien qu’il s’agisse d’une borne-fontaine publique on me vendait l’eau au tarif des particuliers [doublement du prix pour une consommation mensuelle supérieure à 20 m3]. L’eau était trop chère pour que j’y trouve mon compte. Renseignement pris auprès des autres fontainiers, je suis allé me plaindre et ma situation a été finalement régularisée. (...) Je ne gagne pas trop mal ma vie, chaque semaine je puise 2000 FCFA pour payer les condiments. Ensuite, après paiement de la facture à l’EDM, j’ai une moyenne de 12 000 FCFA [par mois], de quoi acheter un sac de mil et combler ma pension de retraite. Je vis bien ainsi. »

C’est la même situation que nous avions rencontrée dans le Nord du Bénin (Malanville, Djougou), où les bornes-fontaines sont généralement prises en gérance par des commerçants qui souscrivent un abonnement auprès de la SBE et confient la vente à des jeunes employés (il s’agit d’ailleurs souvent d’immigrés du Nigéria).

4.9.3. Des revenus qui varient dans le temps et dans l’espace

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L’activité des gérants de bornes-fontaines varie fortement entre la saison sèche et la saison des pluies (voir par exemple LITRICO, 1994). En effet, les usagers des bornes-fontaines, au contraire de ceux qui ont un branchement particulier (voir figure ci-après), réalisent chaque jour un arbitrage entre plusieurs sources d’approvisionne-ment en eau. Durant la saison des pluies, ils délaissent les bornes-fontaines (où l’eau est relativement chère) pour les puits privés, où l’eau est moins chère, ou pour les rivières, où elle est gratuite.

Il y a également une variabilité à long terme, qui suit l’évolution de l’urbanisation et du réseau de distribution d’eau. La gérance d’une borne fontaine constitue un source de revenus importants dans les quartiers nouveaux, où il n’y a pas encore de nombreux raccordements privés. Son intérêt diminue ensuite régulièrement, au fur et à mesure de l’équipement du quartier. Seules les bornes-fontaines situées à proximité des marchés constituent des centres de profit durable.

Enfin, les gérants ont parfois des frais de personnel assez élevés, puisqu’ils n’assurent pas la vente eux-mêmes, mais confient cette tâche à un proche (mal rémunéré) ou à un salarié (ce dernier cas étant particulièrement fréquent quand le gérant s’est fait concéder plusieurs bornes-fontaines, une pratique assez courante au Bénin, au Mali...

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Branch.part.

Bornes

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