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Les fonds de suivi de tendance

Les fonds de suivi de tendance, class´es dans la cat´egorie des Commodity

Trading Advisors (CTA), ou Managed Futures, sont des strat´egies hedge

funds particuli`eres qui g´en`erent des questions sp´ecifiques. La grande majo-rit´e des fonds CTA g`erent leurs portefeuilles au travers de produits futures. Les futures sont des produits `a terme standardis´es, impliquant pour l’ache-teur une obligation d’acheter le sous-ja¸cent `a un prix donn´e `a une date fix´ee. Certains d’entre eux sont adoss´es `a un indice, comme ceux des march´es ac-tions et obligaac-tions, ou `a un taux de change. D’autres permettent d’acc´eder aux march´es de mati`eres premi`eres. Les suiveurs de tendance fondent essen-tiellement leur strat´egie sur la pr´esence de tendances sur les prix des actifs financiers. Or, cela va `a l’encontre de l’hypoth`ese de marche al´eatoire. Le mod`ele implicite des suiveurs de tendance implique que, sur une p´eriode de temps relativement longue, les rendements futurs soient de mˆeme signe que les rendements des tendances pass´ees. Les mod`eles d´evelopp´es pour mesurer la performance des hedge funds au sens large se rev`elent de moindre qualit´e lorsqu’on les applique aux fonds du style CTA.

Le rationnel ´economique justifiant la pr´esence de tendances se trouve dans la th´eorie comportementale, propos´ee notamment par Kahneman et Tversky (1979) [64]. Le principe fondamental de cette th´eorie est de consid´erer que les participants de march´e ne sont pas en tout temps rationnels, et prennent des d´ecisions allant `a l’encontre du principe de maximisation de l’utilit´e esp´er´ee. Grˆace `a une importante recherche en sociologie, on sait d´esormais que les investisseurs souffrent de biais comportementaux, par exemple l’an-crage, le panurgisme ou la surr´eaction. Moskowitz, Ooi et Pedersen (2012) [82] r´ecapitulent ces biais et associent `a chacun un impact sur les prix. Ces biais ont pour cons´equence d’´eloigner le prix de sa valeur fondamentale : une

opposition a lieu entre limite d’arbitrage et forces comportementales. Bar-beris, Shleifer et Vishny (1998) [20] montrent que des ´ecarts de valorisation perdurent du fait de ces limites. Lo (2004) [75] effectue un parall`ele avec la biologie en comparant les diff´erents acteurs ´economiques et financiers `a des ”esp`eces” qui ont pour objectif de survivre. La strat´egie de suivi de tendance dispose donc d’un socle acad´emique solide et qui prend de plus en plus d’am-pleur.

Moskowitz, Ooi et Pedersen (2012) [82] et Hurst, Ooi et Pedersen (2013) [57] sont les premiers `a ´etudier les caract´eristiques empiriques des rende-ments issus des strat´egies de suivi de tendance. Ils montrent la pr´esence d’autocorr´elation dans les rendements ajust´es du risque de nombreux actifs financiers, r´epartis sur l’ensemble des classes d’actifs. De plus, ils observent la persistance de la performance de la strat´egie de suivi de tendance. A la suite de ces travaux, une importante litt´erature issue du monde de la gestion d’actifs s’est d´evelopp´ee. Elle vise `a analyser la performance et ´etablir les caract´eristiques de cette strat´egie. On peut citer par exemple Elaut et Erdos (2016) [41], Baltas et Kosowski (2012) [17], Hutchinson et O’Brien (2014) [60]. Cˆot´e acad´emique, les mod`eles classiques de la litt´erature `a savoir ceux de Fung et Hsieh (2001) [46] et Agarwal et Naik (2004) [5], int`egrent des fac-teurs dynamiques visant `a expliquer cette strat´egie. Ils consid`erent comme facteurs dynamiques des portefeuilles contenant des options exotiques (look-back straddles) visant `a capter la variation maximale de prix subie par un actif sur une p´eriode pr´e-d´etermin´ee. La raison est qu’un suiveur de ten-dance qui se placerait de fa¸con optimale (pr´ediction parfaite des changements de tendance) aurait donc ce profit. Cependant, ceci est remis en cause par deux ´el´ements. Le premier est empirique. Le coˆut de l’option, appel´ee prime, r´eduit la performance globale. Le second est plus th´eorique. Les suiveurs de tendance ne cherchent pas `a pr´edire le changement de tendance. De plus,

une r´eallocation mensuelle du portefeuille paraˆıt peu fr´equente au regard de la libert´e et la facilit´e d’ex´ecution de ces hedge funds, notamment ceux intervenant sur les march´es de futures. Il apparaˆıt donc logique que leurs performances diff`erent de celles du portefeuille optionnel.

Au mˆeme titre, les mod`eles d’allocation classiques doivent ˆetre adapt´es `

a ce nouveau cadre. La th´eorie moderne du portefeuille s’attache `a d´efinir un portefeuille optimal. Pour un niveau de risque donn´e, il est caract´eris´e par celui ayant le rendement esp´er´e maximal. Cette th´eorie s’appuie sur la mod´elisation des comportements individuels et joints des actifs. L’hypoth`ese de normalit´e des rendements rend cette mod´elisation relativement simple, puisque seules moyennes et covariances sont `a estimer. La remise en cause de cette hypoth`ese d’´evolution des prix met en d´efaut les bases usuelles de construction de portefeuilles optimaux.

La dimension de coˆut d’ex´ecution doit ´egalement ˆetre revue. Deux CTA employant la mˆeme strat´egie sur le mˆeme univers d’investissement mais `a un niveau de risque diff´erent ont des positions ´egales, `a un facteur multiplicatif pr`es. Il existe ´egalement une relation de proportionnalit´e des positions avec la taille du fonds, mesur´e par le montant d’actifs sous gestion. La mesure de turnover doit donc tenir compte de ces sp´ecifications pour ˆetre un bon proxy de l’intensit´e `a laquelle le g´erant ex´ecute des transactions. La question de la liquidit´e se pose diff´eremment de celle dans un cadre actions, puisque les leviers individuel et global sont `a discr´etion du manager et doivent donc ˆetre pris en compte dans la mesure du coˆut d’ex´ecution. La strat´egie de mo-mentum mise en oeuvre sur les actions g´en`ere un important turnover, bien sup´erieur aux autres facteurs tels que value ou size, comme le montrent Bar-roso et Santa-Clara (2015) [22]. Lesmond, Schill et Zhou (2004) [70] montrent que le turnover important g´en`ere des coˆuts de trading annulant les gains po-tentiels li´es `a l’anomalie. La construction de la strat´egie de suivi de tendance

est certes diff´erente car rel`eve d’une approche directionnelle en time-series et non cross-sectional comme le facteur momentum classique, mais est fond´e sur la mˆeme anomalie de momentum. Ainsi, le turnover attendu de cette strat´egie est important. La question de l’impl´ementation est donc impor-tante dans l’analyse de la performance de la strat´egie. Les sp´ecificit´es des fonds CTA, portant sur le mod`ele implicite des actifs financiers et sur les sp´ecificit´es d’ordre op´erationnel, sont autant d’arguments suppl´ementaires pour une analyse de performance sp´ecifique de cette strat´egie.

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