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Section II : le fondement théorique de “ Ressource Based View “

II- Les fondements de l’approche basée sur les ressources

1- Nature de ressources contribuant à la détention d’un avantage concurrentiel :

Par son article de 1984 Berger Wernerfelt est reconnu comme le fondateur du courant de la RBV. Ensuite ses travaux ont été développés par d’autres auteurs Bernay (1986, 1991), Dierickx et Cool (1989), Peteraf (1993) et bien d’autres dont chacun a mis en avant ses propres arguments concernant les caractéristiques des ressources conduisant à l’avantage concurrentiel. Mais en réalité, en 1958, Demsetz s’est rattaché à définir quelques conditions que devraient remplir les ressources afin d’être stratégiques. Cet auteur suggère qu’elles doivent être hétérogènes, leur imitabilité imparfaite, maintenues à long terme et enfin la firme devra les avoir accumulées la première (avant ces concurrents potentiels)27. Dans cette perspective, très souvent que la littérature fait référence aux travaux de Barney (1986, 1991). Mais aussi à Wernerfelt (1984) quant à son principe de ressources attractives.

26 Cette durabilité a fait un large débat, tenant compte de la rapidité des évolutions (nous revenons sur cette question plus tard).

1-1- Ressources attractives :

Partant du constat de l’hétérogénéité des performances des firmes au sein d’un même secteur, l’objectif principal de B Wernerfelt (1984) était une réaction critique aux travaux de Porter (1980) sur la théorie de l’économie industrielle. En premier lieu il s’est attaché à souligner les insuffisances en proposant une approche alternative. Il trouve que ces inerties sur une longue durée sont issues, non pas à l’occupation d’une position dominante sur le marché mais dans la possession de ressources attractives. Ces dernières créent une barrière de position en ressources (J L Arrègle et al). Plus explicitement, cette barrière est possible de se construire seulement si l’entreprise peut s’approprier d’une ressource rare et idiosyncratique avant les concurrents. Le décalage du temps bénéficié par l’entreprise propriétaire d’une part et les caractéristiques spécifiques que possèdent ces ressources de l’autre, mentionnés sous le principe "First move advantage" sont pour cet auteur les principales raisons d’avoir des inerties entre les entreprises dans un même secteur.

Ce type de ressources entraîne pour les concurrents des coûts supérieurs à ceux déjà encourus par la firme pionnière dans leur création et utilisation. Soit nous parlons de coûts par rapport aux concurrents soit de rentes par rapport à l’entreprise devancière. Il faut souligner que le temps dans cette approche est considéré comme l’une des variables déterminantes dans l’adéquation du succès de l’entreprise.

Peteraf (1993) explique que le contrôle d’une ressource rare entraîne pour la firme des coûts moyens inférieurs à ses concurrents qui ne la possèdent ou qui n’y accèdent pas. Ainsi ces derniers doivent assumer des coûts plus importants s’ils veulent obtenir les mêmes résultats que la précédente. Cette dimension temporelle qui renvoie à l’effet d’accumulation a été plus expliquée dans les travaux développés par la suite. Or, pour les attributs des ressources, nous trouvons plus de développements dans les travaux de Barney.

1-2- Ressources VRIN :

Barney (1991) entreprend de compléter l’approche de Wernerfelt en définissant plus précisément les ressources stratégiques de la firme. Il les considère comme “ tous les actif, capacités, processus organisationnels, attributs de la firme, informations, savoirs, etc., contrôlés par une firme qui lui permettent de concevoir et de mettre en œuvre des stratégies susceptibles d’accroître son efficacité et son efficience “28 . Cet auteur était plus explicite

28 Source : J L Arrègle, 2000, p 22.

concernant les conditions des ressources contribuant à l’obtention d’un avantage concurrentiel, d’ailleurs ce sont les plus répondus dans la littérature par l’acronyme VRIN :

V : ont de la Valeur R : sont Rares

I : ne sont pas Imitables N : Non-Substituables

a. Ressources ont de la valeur : qui peuvent être utilisées pour exploiter des

opportunités ou neutraliser des menaces (R Sanchez, 2000). Ce sont des ressources pertinentes qui s’intègrent dans la formation d’une stratégie susceptible de garantir à l’entreprise une valeur ajoutée dans son environnement. Tout simplement elles contribuent à la réalisation du produit final émanant une valeur client sur le marché.

b. Ressources rares : sont possédées que par la firme ou au moins un nombre

limité de concurrents, surtout les potentiels, donc difficilement accessibles.

c. Ressources difficilement imitables : elles doivent être contrôlées et protégées

de toute tentation d’imitation. En effet, la réalité est plus complexe que de l’expliquer en un simple mot. Car cette caractéristique, particulièrement, est concordée avec d’autres phénomènes excessivement importants tels que les conditions historiques uniques et l’ambiguïté causale29 (J L Arrègle et al, 2000). Cette condition nécessite que la ressource ne fasse pas l’objet d’identification par les concurrents.

d. Ressources Non-substituables : c’est-à-dire qu’il ne faut pas avoir d’autres

ressources qui peuvent substituer celles qui sont de valeur, rares et difficilement imitables du point de vue stratégique. Ce test est le plus délicat du fait que tout acte de substitution peut neutraliser l’originalité des ressources dans la création de l’avantage concurrentiel. Ces quatre conditions ont été regroupées par Bernay dans le schéma illustratif ci-dessous :

Figure 3: La contribution des ressources à la détention d’un avantage concurrentiel d’après Bernay (1991, p 106)

Source : S Fauvy, 2011, p 25.

29 Nous revenons à ces deux concepts dans le prochain chapitre.

Avantage concurrentiel soutenable Hétérogénéité et immobilité des ressources - Valeur - Rareté - Faible substituabilité - Résistance à l’imitation

Restant dans la même ligne, une autre condition s’avère importante :

e. Ressources difficilement transférables : cette condition a été ajoutée par D

Puthod et C Thévenard aux premières pour renforcer le principe de l’immobilité des ressources. Ils trouvent que les ressources ne sont stratégiques que parc qu’elles sont idiosyncratiques et difficilement redéployables dans d’autres contextes rendant leur transfère problématique (D Puthode et al, p 4). Ils ajoutent qu’un contrôle suffisamment exercé par l’entreprise (en interne) et l’existence d’un marché des ressources imparfait et incomplet (en externe) renforcent cette condition.

A cet égard, pour qu’une ressource puisse être une véritable source de l’obtention d’un avantage concurrentiel soutenable doit y avoir une forte valeur stratégique alors que ceci dépend de son évaluation par les cinq tests comme suit :

Figure 4 : Les tests d’évaluation de la valeur stratégique des ressources

Source : D Puthod et C Thévenard, p 5.

Ces deux derniers auteurs ont mis l’accent sur les mécanismes de marché de ressources incomplet et imparfait qui peuvent participer véritablement à la protection des ressources stratégiques de l’entreprise des risques d’imitation et de mobilité. Cette protection doit garantir donc la durabilité de l’avantage concurrentiel obtenu. Dans ce sens plusieurs auteurs ont employé cet argument pour expliquer certains phénomènes endogènes.

Non Non Non Oui Oui Oui Oui Non imitables Non transférables Non substituables V al eu r s tr at ég iq u e d es r es so u rc es De valeur Rares Forte Faible Oui Non Non V al eu r s tr at ég iq u e d es re ss o u rc es o u c o m p ét en ce s

2- Les conditions du marché contribuant à la durabilité de l’avantage concurrentiel :

“ L’approche basée sur les ressources repose sur l’idée que la performance supérieure de la firme s’explique par la présence des ressources possédant des propriétés particulières, puisqu’elles sont soumises à des ruptures de marché “ (L Renard et al, P 13). Ces deux principes sont étroitement associés, où le premier influence positivement le deuxième et vise versa.

2-1- Propriété particulière :

En exploitant l’hypothèse des marchés imparfaits des ressources, Dierickx et Cool (1989) examinent les manières dont « le potentiel de rentabilité des ressources » dépend des propriétés de leur stock30. Ce dernier détenu et contrôlé par la firme n’est réellement que l’accumulation des ressources disponibles à travers le temps. La source de différenciation réside justement et surtout dans ce processus. C’est par le biais des conditions historiques, des décisions prises et de la nature des ressources que le stock prend une certaine particularité pour chaque entreprise. Ces éléments conditionnent par la suite la trajectoire de l’entreprise et donc son futur. Par une même dotation initiale deux entreprises peuvent ne pas avoir les mêmes performances à long terme. C’est la propriété dynamique d’accumulation qui sous-tend la question de l’obtention de l’avantage concurrentiel.

Conner (1991) souligne que c’est le fait que les firmes soient constituées différemment qui explique leur hétérogénéité. C’est principalement autour de cette considération que l’approche basée sur les ressources distingue entre l’entreprise et le marché. Ce dernier dispose de ressources individuelles et c’est à l’entreprise d’assurer une coordination spécifique à elle (J L Arrègle et al, 2000). C’est par les mécanismes d’intégration, de configuration et d’accumulation que l’entreprise est aperçue comme un répertoire de ressource dont le but est de tirer le maximum de profit de ses ressources. Dans ce sens où la RBV stipule que par la manière dont l’entreprise coordonne, exploite et imbrique ses ressources dans des systèmes idiosyncratiques, décide ordinairement le niveau de leur appropriation qui serve à distancier l’entreprise de ses concurrents potentiels.

Cette instrumentation est expliquée par J L Arrègle et al (2000) par le fait qu’“ un actif peut être propriété de la firme X plutôt que la firme Y, car il est mieux combiné dans les actifs de la firme X que dans ceux de la firme Y “. Ceci dit que par le même actif (en termes

de coût) la première entreprise peut avoir une rente supérieure à la deuxième. Cet écart bénéficié par la firme X (dans notre exemple) dite meilleure utilisatrice est appelé Quasi-rente.

Ainsi, la configuration de ressources crée l’originalité à chaque firme à travers le temps. Ce patrimoine qui désigne un processus contenu de recombinaison renvoie à quatre propriétés dynamiques selon Dierickx et Cool (1989) qui permettent à différencier véritablement chaque entreprise de l’autre dans un même secteur :

a. Les déséconomies liées au temps31 :

Tout concurrent tentera de dupliquer le stock d’actifs d’une autre firme rapidement, doit encourir un coût beaucoup plus élevé en augmentant le flux de ressources allouées à la construction de son stock. C’est-à-dire ces économies d’accumulation génèrent des avantages au premier servi qui ne peuvent pas être copiés aux mêmes coûts par les retardataires. Ceci demande des investissements financiers plus importants (K Cool, 2000). Certains auteurs trouvent alors qu’il n’est pas évident par tous les moyens de rattraper ce genre de retard32. Le temps coute cher.

b. Les avantages liés à la masse d’actifs :

Une firme avoir un stock d’actifs important elle peut aisément l’augmenter par rapport à ceux qui possèdent un niveau faible. La différence entre les deux s’amplifie à travers le temps. La raison est que l’accumulation est exponentielle, expliquent Dierickx et Cool.

c. L’interconnexion entre actifs :

Lorsqu’il s’agit d’une relation d’interdépendance entre les actifs, l’accumulation de ces derniers se fait en combinaison, étant donné que l’augmentation de niveau du stock de chaque actif dépend des autres. Cette interconnexion engendre une véritable propriété particulière à la firme le fait qu’elle engendre certains phénomènes contribuant à l’originalité des sources de succès :

d. L’ambiguïté causale :

Ce concept est employé par Barney (1986) pour expliquer la difficulté des concurrents à soulever la relation de causalité des ressources qui sont à l’origine de succès de l’entreprise.

31 Pour savoir plus, il est conseillé de voir Karl COOL "La durabilité des ressources uniques", 2000, p (127-154).

32 Dans l’avancement de notre analyse nous verrons qu’il s’agit des entreprises par des manipulations stratégiques peuvent non seulement rattraper le retard mais devancer le leader en modifiant les règles du jeu concurrentiel.

Plus la combinaison des actifs est complexe, plus cette ambiguïté est importante, parfois même pour le dirigeant.

Il ressort de ces travaux que l’entreprise peut forger un avantage concurrentiel durable et de se distinguer de ses concurrents à traves l’accumulation dynamique de ses ressources. Mais les imperfections de marché peuvent aussi à leur côté assurer une certaine durabilité des inerties entre les entreprises.

2-2- Marché de ressources imparfait et incomplet :

Plusieurs auteurs trouvent que l’approche basée sur les ressources constitue une nouvelle théorie de la firme. Elle différencie cette dernière du marché par les processus de coordination de ressource qui sont au cœur de la réflexion stratégique de l’entreprise. Il est important de rappeler que les ressources elles-mêmes peuvent être à l’origine de l’avantage concurrentiel Wernerflet (1984), Barney (1986,1991). Et l’accumulation et l’interaction de ces ressources dans un réseau complexe renforcent leur propriété particulière qui rendent par la suite leur imitabilité et transférabilité difficiles (Dierickx et Cool (1989)). A ces deux dimensions internes, Pétéraf (1993) ajoute deux autres externes liées aux caractéristiques du marché. Il affirme que la réunion des ces quatre conditions assure la durabilité de l’avantage concurrentiel :

a- Conditions liées à la firme (en interne):

L’hétérogénéité des ressources : les firmes ne possèdent pas les mêmes ressources.

A cela s’ajoute le principe qu’il s’agit des ressources plus stratégiques que d’autres. Cette valeur stratégique joue le rôle différenciateur en permettant à la firme de réaliser une rente supérieure, dit rente Ricardienne.

Concurrence limitée ex ante : les configurations complexes des ressources

engendrent des systèmes inédits qui sont, a priori, non connaissables par les concurrents potentiels. Cette ambiguïté causale contribue à la singularisation de la firme et à l’exclusivité d’une quasi-rente.

b- Conditions liées au marché (en externe) :

Concurrence limitée ex poste : Rumelt (1984) évoque qu’il s’agit des "mécanismes

isolants" qui empêchent, a posteriori, les concurrents de reproduire la même stratégie gagnante ou d’en éliminer les gains. Il considère que la rente générée par ce biais n’est pas compensable par des coûts.

Mobilité imparfait : il s’agit des ressources (surtout intangibles ou complexes) qui ne

font pas l’objet d’échange dans un marché (ex : réputation). Cette condition permet à l’entreprise de garantir une certaine durabilité de son avantage concurrentiel.

Par la figure suivante Pétéraf (1993) illustre la contribution des ressources à la détention d’un avantage concurrentiel sous la réunion des quatre conditions :

Figure 5 : Ressources et détention d’un avantage concurrentiel d’après Pétéraf (1993)

Source : S Fauvy, 2011, p 24.

Il est clair que l’approche basée sur les ressources aborde la construction d’un avantage concurrentiel sous un double ancrage. A l’intérieur de la firme, tout ce qui concerne les attributs stratégiques des ressources et leur configuration particulière plus à d’autres propriétés dynamiques d’accumulation. Et à l’extérieur de la firme, par l’incapacité des entreprises rivales à dupliquer les éléments de succès de l’entreprise pour raison de l’ambiguïté causale et l’imperfection du marché. En effet ces deux options constituent deux faces d’une même pièce. Plus l’ambiguïté causale est importante plus la mobilité des ressources est imparfaite.

En guise de synthèse, l’approche basée sur les ressources s’appuie sur l’originalité des ressources pour expliquer l’obtention d’un avantage concurrentiel (la raison d’être de cette approche). C’est-à-dire que plus ces ressources ont une valeur stratégique importante (rares, de valeur, inimitables, non substituables et non transférables) plus l’entreprise aura la possibilité de créer et préserver ses rentes. Au même moment la persistance de ce différentiel entre les entreprises dépend de l’existence d’imperfections sur le marché des ressources, que Barney (1986) définit comme « marché des facteurs stratégiques ». L’entreprise peut

Rentes monopolistiques Rentes soutenues à l’intérieur ou ricardiennes de la firme

Rentes non compensables Rentes maintenues en par des coûts environnement externe

Hétérogénéité des ressources Mobilité imparfaite Avantage concurrentiel Concurrence limitée ex-poste Concurrence limitée ex-ante

s’approprier donc à travers l’utilisation de ses ressources de différents types de rentes (F Prévot et al, 2010) :

- Ricardiennes : elles proviennent d’une qualité supérieure des ressources impliquées

dans le processus de production et de la rareté de ces ressources.

- Monopolistiques : elles reposent sur la possibilité de proposer une offre différenciée, d’ériger des barrières à l’entrée dans l’industrie ou de profiter d’un avantage au premier entrant (First Move Advantage).

- Quasi-rentes : elles proviennent de la différence entre la valeur d’acquisition d’une

ressource et la valeur générée par son utilisation.

- Schumpeteriennes : elles sont liées au développement de nouvelles ressources ou à

leur utilisation sous de nouvelles formes.

Revenons à notre question de recherche, ce mode de réflexion avance des considérations excessivement significatives quant à la mise en exergue d’une relation de cause à effet entre les ressources interne et l’avantage concurrentiel. A savoir qu’une combinaison spécifique de ressources rares et idiosyncratiques peut faire la différence. En fait, les travaux qui viennent d’être recensés forment “ le noyau dur des contributions constituant le socle original de l’approche RBV qualifiée de « classique » “ (Acedo et al, 2006 ; Newbert, 2007). L’utilité de la présentation de ces travaux est d’expliquer l’importance stratégique des ressources internes et leurs capacités à créer des différences entre les entreprises. Ceci en tenant compte de leurs qualités comme aussi par une judicieuse combinaison dans un système productif. C’est-à-dire cette approche nous accorde un véritable apport théorique pour répondre à notre question. Ceci nous pouvons le résumer en trois principes.