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Etude clinique et mycologique des otomycoses

II. Aspects épidémiologiques

2. Les facteurs prédisposants :

Les facteurs prédisposants sont ceux des otites externes, les otomycoses étant souvent associées à une infection initialement bactérienne, à laquelle s’ajoutent certains facteurs spécifiques favorisant le développement des champignons. C’est le plus souvent l’association de plusieurs facteurs prédisposants qui entraîne l’apparition d’une otomycose [4].

2.1. Le nettoyage auriculaire excessif :

La manipulation obsessionnelle de l'oreille externe par des cotons tiges voire des objets durs tels que des bâtons de bois pour nettoyer l'oreille ou soulager des démangeaisons entraine :

Un manque de cérumen qui peut conduire à un assèchement du stratum corneum (ou couche cornée), qui peut contribuer à l’apparition d’une inflammation du conduit auditif ; la sécheresse occasionnée est un facteur essentiel dans l’otite externe récurrente ou chronique. Ce manque de cérumen peut aussi entrainer une alcalinisation du pH du canal auditif externe (CAE), pouvant favoriser la croissance fongique.

Des microtraumatismes sur la peau du conduit auditif externe et le dépôt de conidies fongiques dans la plaie conduisant à une infection fongique. Les cotons tiges enlèvent d'abord la barrière protectrice de cérumen puis entraînent l'abrasion de la peau du canal auditif externe (CAE), laissant la porte ouverte aux agents pathogènes. Ils peuvent être à l’origine d’un traumatisme grave, facteur de prédisposition aux otites externes [55,56,57].

Ce paramètre a été retrouvé au Nigeria avec un taux de 82,54% sur le total des patients atteints d’otomycose. En effet selon l’étude menée dans le sud de l'Inde, la prévalence de

l'histoire d'auto-nettoyage était significativement plus élevée dans le groupe d’otomycose par rapport au groupe contrôle (32% versus 20%), aussi ce facteur a été statistiquement associé à une otomycose selon l’étude menée par Yavo et al en Côte d’Ivoire[21, 34, 41]. Dans notre série, 22 patients positifs avaient pour habitude courante le nettoyage quotidien des oreilles par des cotons tiges ou même des allumettes soit une prévalence de 56,4 %.

2.2. Macérations cutanées

La macération cutanée résulte d’une forte chaleur et d’une humidité élevée au sein du canal auditif externe (CAE) pouvant être dues au port d’un couvre-chef. La chaleur et l’humidité, en saturant la couche cornée de la peau du conduit auditif externe, peuvent occasionner un œdème intracellulaire, une occlusion des unités pilosébacées, et finalement une otite [55, 57].

a. Les baignades fréquentes :

Les baignades représentent un facteur de risque évident pour les otites externes, elles diminuent l’acidité de la peau du conduit auditif externe et altèrent le film cérumineux protecteur.

Ozcan et al, Paulose et al, Aneja et al, Fasunla et al et Bineshian et al ont révélé que la natation était pratiquée chez 5% des patients tandis que d'autres ont signalé des taux plus élevés et ont considéré la piscine comme un facteur prédisposant à l’otomycose [33, 41, 43, 45].

En effet, Garcia-Martos et Coll, dans leur étude, ont montré que 90% des otomycoses étaient liées à la baignade en mer. En Turquie, 27% des patients atteints d’otomycoses se baignaient fréquemment dans la piscine ou la mer et 23% fréquentaient les bains thermaux. En Côte d’Ivoire, 63% des patients avaient pour habitude de se baigner fréquemment dans les réservoirs d’eaux naturelles. Dans notre étude,46,1% des otomycoses étaient liées à la baignade fréquente surtout dans les bains thermaux [21, 33, 58].

b. Port d’un couvre-chef :

Il favorise la stagnation de l'eau ou la transpiration du canal auditif externe (CAE), qui font macérer la peau et élever son pH qui est normalement acide. Des études antérieures dans

des zones chaudes et humides avaient considéré que porter un couvre-chef est un facteur prédisposant aux otomycoses [32, 33, 45, 59].

En Turquie, les otomycoses sont plus fréquentes chez les femmes (80,5%), ce qui peut être lié au fait qu’une grande majorité d’entre elles (74,7%) portent un couvre-chef [33].

En Inde, les otomycoses sont plus fréquentes chez les hommes habitués à porter le turban[24].

2.3. L’usage de produits irritants :

En particulier des substances alcalinisantes, comme le savon, les bains moussants, pétrole, détergent et instillation d'huile, qui détruisent l’enduit graisseux et la couche cornée superficielle. En effet, selon l’étude menée en Inde, la prévalence d'instillation d'huile dans l'oreille était significativement plus élevée dans le groupe d’otomycose par rapport au groupe contrôle (42% versus 23%)[34].

2.4. L’usage de gouttes auriculaires :

A savoir une antibiothérapie et/ou une corticothérapie locale. L’utilisation d’une antibiothérapie locale déséquilibre la flore du canal auditif externe (CAE) au profit de micromycètes ainsi que l’utilisation de corticoïdes locaux (associés ou non aux antibiotiques) [58].

Il y a eu une augmentation de la prévalence d’otomycose ces dernières années en raison de l'utilisation excessive de gouttes auriculaires antibiotiques. Jackman et al ont trouvé que tous les patients inclus dans leur étude avaient utilisé des antibiotiques ototopiques, à savoir l'ofloxacine dans tous les cas [61].

Pradhan et al, dans leur étude, ont trouvé que l’usage de gouttes auriculaires augmentait l’incidence des mycoses du canal auditif externe (CAE). L’usage d’antibiotiques représentait 36% (principalement de la gentamicine et de la ciprofloxacine) alors que l’usage de stéroïdes représentait 10% des oreilles atteintes d’otomycoses [42].

Yavo et al, dans leur étude, ont trouvé que le risque de contracter une otomycose était 9 fois plus élevé chez les patients qui utilisaient de façon abusive de tels traitements auriculaires. Chandra Prasad et al, dans leur étude, ont montré également que la prévalence de l'utilisation de

gouttes pour les oreilles était significativement plus élevée dans le groupe d’otomycoses par rapport au groupe contrôle (20% versus 9%) [21, 24].

Aboulmakarim et al , dans leur étude, ont trouvé que l’utilisation d’un traitement auriculaire à base d’antibiotiques a été associée dans 90 % à la survenue d’otomycoses, dans l’étude de Garcia-Marto et al, ce chiffre n’est que de 40% [25, 58].

Dans notre étude,62,2% des patients atteints d’otomycose ont utilisé préalablement une antibiothérapie locale, cette prévalence rejoint les données de la littérature.

2.5. Terrain

a. Statut immunitaire

Chez des patients qui sont immunodéprimés soit par : une greffe de moelle osseuse, leucémie, cancer, virus d’immunodéficience humaine, diabète, sous traitement immunosuppresseur, faisant l’objet de dialyse, les épisodes d’otomycoses sont plus fréquents avec aussi une grande fréquence d’envahissement de l’oreille moyenne et l’oreille interne, ceci pouvant aboutir à une méningite voire même une mastoïdite [62, 63].

Le diabète : Le diabète semble favoriser la survenue d'otomycoses et probablement leur gravité comme les otites externes dues à Pseudomonas aeruginosa. Puisque la flore commensale du CAE des patients diabétiques est normale, le risque accru d'otomycose est probablement dû à d'autres facteurs tel qu’un déséquilibre de la flore locale [64].

Au Nigeria, 6% des patients atteints d'otomycoses avaient un diabète sucré associé [41]. Dans notre série, 4 cas positifs avaient un diabète sucré, soit une prévalence de 10,2

%. Ce qui est proche d’une étude menée à Burkina Faso, dont la prévalence du diabète était de 19,57% [65].

b. Les dermatoses du conduit auditif externe :

(Dermite séborrhéique, eczéma) : En premier, la dermite séborrhéique qui peut intéresser l'oreille externe est liée à la présence d'un champignon, Malassezia.sp. De plus, la plupart des dermites du conduit quelles que soient leurs étiologies paraissent favoriser la survenue

d'otomycoses du fait de la macération des débris épidermiques dans le CAE et éventuellement par les traitements antibio-corticoïdes successifs qui ont pu être prescrits [55, 57]. Ce lien peut expliquer la récidive des épisodes d'otomycoses chez certains patients, voire le passage à la chronicité. Enfin des auteurs ont évoqué la possibilité d'une auto contamination de l'oreille externe à partir d'autre territoires cutanés déjà atteints. Dans notre étude, 6 patients avaient un eczéma du conduit auditif externe traité par corticothérapie locale soit une prévalence de 15,3%. Alors qu’en Burkina Faso, l’examen otologique a détecté des lésions eczématiformes du conduit auditif externe chez 2 patients sur un total de 46 cas positifs.Le nettoyage auriculaire fréquent est intimement lié à ce facteur (eczéma), ce qui fait entrer le patient dans un cycle vicieux. Cet eczéma provoque le prurit qui à son tour amène le patient à l’utilisation abusive du coton tige.

Figure 13 : Dermite séborrhéique du conduit auditif externe

2.6. Chirurgie otologique et tympanoplastie

Les données semblent appuyer que des procédures otologiques antérieures, comme une tympanoplastie et surtout une mastoïdectomie, présentent un facteur de risque potentiel pour les otomycoses. La chirurgie otologique associe plusieurs facteurs de risque tels que les

traumatismes, les pansements occlusifs (favorisant la macération et la croissance de microorganismes), et l’utilisation de topiques antibio-corticoïdes (favorisant le développement des champignons aux dépens des bactéries) mais aussi elle entraine une modification de l'anatomie du canal à l’origine d’un changement dans la production de cérumen ou à l’origine d’une humidité relative qui favorisent la croissance fongique [55, 57, 66].

2.7. Corps étrangers :

Chez les personnes âgées, le bouchon de cire impacté ou le port d'embout auriculaire, de prothèse auditive mal adaptée sont aussi des causes fréquentes de traumatisme de la peau ce qui facilite la pénétration de champignons [60].

Dans notre étude, le port de prothèse auditive présentait une prévalence de 1% dans le groupe d’otomycoses.

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