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3. Résultats

4.1. Les facteurs de différence et améliorations envisageables

Sur la base de nos résultats et de connaissances expertes nous avons identifié plusieurs causes permettant d’expliquer, en partie, les divergences entre les modèles développés au niveau local (projet ESNET) et les modèles développés au niveau Européen (projet VOLANTE).

Chapitre II

La différence initiale de résolution spatiale entre les modèles ESNET et les modèles VOLANTE est très importante ; elle a potentiellement un fort impact sur le niveau de similarité des résultats. Les mosaïques paysagères complexes regroupant des surfaces agricoles, des milieux forestiers et des zones artificialisées sont très présentes sur la région de Grenoble. Il est probable que, pour ces paysages fortement mosaïqués, la résolution spatiale kilométrique utilisée dans les modèles VOLANTE ne permette pas d’évaluer correctement la fourniture de certains SE. Par exemple pour le SE de production agricole, le modèle VOLANTE a tendance à minimiser la production dans la vallée du Grésivaudan le Y grenoblois et le Trièves (voir aussi Chapitre 3). En considérant une résolution spatiale de 1km ces trois zones correspondent à un enchevêtrement complexe d’occupation des sols.

Deux facteurs principaux conditionnent le compromis entre l’étendue spatiale étudiée et la résolution des cartes de SE : la disponibilité des données (Malinga et al. 2015) et les capacités de calculs. Dans la situation où la résolution spatiale est uniquement limitée par les capacités de calculs nous recommandons l’utilisation de modèles pouvant intégrer des données d’entrée représentatives de la diversité spatiale. Deux possibilités sont envisageables si nous prenons l’exemple d’un modèle qui utilise les données Corine Land Cover (CLC) pour cartographier à large échelle les SE à une résolution de 1km. La première possibilité est que le modèle intègre l’information CLC en considérant l’occupation du sol majoritaire sur chaque pixel de 1km ce qui conduit à de forte approximations dans les zones de mosaïques spatiales complexes. Cependant dans cet exemple les données initiales d’occupation des sols sont largement dégradées car les données CLC identifient tous les éléments paysagers d’une superficie supérieure à 25ha. La solution alternative consiste à calculer un indice de diversité de l’occupation des sols (ou bien d’utiliser la proportion de chaque occupation des sols) pour chaque pixels de 1km (Crouzat et al. 2015). Cette deuxième approche exploite mieux les données d’occupation du sol disponibles dans la base de données CLC. Nous pensons que cette approche permettrait de représenter plus fidèlement les espaces complexes sans changer la résolution spatiale des cartes. Le choix entre ces deux approches est particulièrement exacerbé pour prendre en compte des éléments linéaires dans les modèles. Du fait de la faible couverture spatiale de ces éléments leur intégration dans les processus de cartographie nécessite soit d’utiliser une résolution spatiale très fine soit une information synthétique sur la densité de ces éléments par unité de surface. Cette information de densité existe à la résolution de 1km au niveau Européen (van der Zanden et al. 2013).

Chapitre II

Par ailleurs la validation des cartes est un travail nécessaire pour limiter les risques d’incohérence entre les projets menés à différentes échelles (Seppelt et al. 2011; Lavorel et al. 2017). La validation des cartes de SE permettrait de différencier les secteurs géographiques en fonction de la précision des estimations de fourniture de SE. Par conséquent cette information serait très précieuse pour déterminer les zones où les modélisations à large échelle ne représentent pas fidèlement la fourniture de SE (Schulp et al. 2014). Malheureusement cette étape de validation est rarement effectuée (Pagella and Sinclair 2014; Lautenbach et al. 2015). Les grilles spatiales utilisées pour cartographier les SE sont un autre aspect de la résolution spatiale qui impacte directement notre capacité à comparer les cartes de SE entre projets. Dans de nombreux cas les données spatiales sont disponibles sur format raster. Les formats raster correspondent à un découpage de l’espace suivant une grille arbitraire. La taille des cellules de cette grille définit la résolution spatiale des cartes. Hors en fonction des projets il est fréquent que les grilles spatiales utilisées ne se superposent pas. Dans cette situation il est nécessaire de corriger les grilles spatiales pour forcer la superposition. Dans notre étude nous avons utilisé un ré-échantillonnage cubique pour transformer la grille initiale du projet ESNET (résolution de 15m) en une grille de 20m de résolution superposable avec celle utilisée dans le projet VOLANTE. Ce type de traitement est couramment utilisé pour harmoniser des données spatiales provenant de sources variées. Cependant cette transformation induit un niveau supplémentaire d’incertitude. Pour limiter ce problème nous proposons d’utiliser dans la mesure du possible la grille spatiale officielle pour l’union Européenne10. Cette dernière est proposée à 1km et peut, naturellement, être déclinée dans tous les multiples de 10.

4.1.2. Les spécificités locales

Les projets à large échelle, tel que le projet VOLANTE, englobent une vaste diversité de territoires. Intégrer les spécificités locales de ces territoires n’est pas une tâche aisée. Cependant, pour certains SE, les approximations dues à une mauvaise prise en compte des spécificités du territoire peuvent être importante. Ce risque d’approximation est d’autant plus fort lorsque l’évaluation des SE prend en compte la demande car les spécificités locales sur cette facette des SE ont tendance à être très marquées et difficiles à identifier (Wolff et al. 2015). Le SE de récréation fait partie des services pour lesquels les spécificités locales peuvent avoir un fort impact sur la précision des résultats. Nos résultats pour le SE de récréation montrent en effet que les modèles VOLANTE identifient des valeurs de récréation

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Chapitre II

ouverts à proximité de l’agglomération grenobloise. Ces décalages entre modèles sont très certainement causés par des différences dans les hypothèses utilisées pour évaluer les préférences des utilisateurs du SE de récréation. En particulier le projet VOLANTE considère que les espaces forestiers contribuent largement au SE de récréation (Paracchini et al. 2014). Cette hypothèse est probablement juste pour certaines parties de l’Europe. En revanche la région de Grenoble est marquée par son relief montagneux et les milieux ouverts ont tendance à être préférés aux espaces forestiers en raison des points de vue qu’ils offrent (Schirpke et al. 2016). Dans notre étude, les préférences locales ont donc potentiellement de fortes conséquences sur la concordance des cartes de SE de récréation entre les deux modèles.

La cartographie de SE, comme tous les exercices de modélisation, est une représentation simplifiée de la réalité. D’une part cette simplification est inévitable en raison de la complexité des processus qui dirigent la fourniture de SE. D’autre part cette simplification est souhaitable pour acquérir une compréhension généralisable de la fourniture des SE. Dès lors l’objectif n’est pas de prendre en compte systématiquement toutes les spécificités des territoires étudiés mais d’être capable de différencier les spécificités importantes de celles qui peuvent être négligées. Parmi les solutions envisageables, l’implication d’acteurs ou d’experts locaux lors de l’élaboration des hypothèses utilisées dans les modèles de SE permet de limiter à moindre coût les approximations dues aux spécificités locales.

4.1.3. La nature des indicateurs

Chaque SE peut être évalué par plusieurs indicateurs, souvent diversifiés en termes de domaines d’information. Par ailleurs, l’indicateur final utilisé pour cartographier les SE peut représenter des facettes différentes de la fourniture de SE – fourniture potentielle, demande, fourniture réelle (Villamagna et al. 2013; Schröter et al. 2014). La diversité des indicateurs utilisés pour évaluer les SE peut avoir de fortes conséquences sur notre capacité à mettre en regard les cartes produites par différents projets (Egoh et al. 2012). Dans notre étude les SE de production de bois, de régulation des crues et de régulation de climat sont cartographiés à partir d’indicateurs différents entre les deux projets. Par exemple dans le projet ESNET le SE de régulation du climat est évalué par une estimation du carbone stocké dans les écosystèmes. Dans le projet VOLANTE, ce même SE est évalué par la capacité des écosystèmes à séquestrer chaque année du carbone (cette mesure correspond à une synthèse des flux de carbone sur une année). La comparaison des cartes du SE de régulation du climat montre que

Chapitre II

le projet ESNET présente des estimations largement supérieures au projet VOLANTE dans les forêts d’altitude sur les 3 massifs de la zone d’étude. Ces forêts correspondent à un climax forestier de résineux et stocke, par conséquent, une grande quantité de carbone. En parallèle ces milieux sont également très stables et produisent peu de nouvelle biomasse. En conséquence la séquestration annuelle de carbone de ces milieux forestiers est faible. Pour ces secteurs les différences entre les deux cartes peuvent être expliquées par la définition variable de l’indicateur utilisé pour cartographier le SE de régulation du climat

La grande diversité d’indicateurs utilisés pour cartographier les SE a fait l’objet de nombreux débats. En réponse d’importants travaux ont été conduits pour classer est harmoniser les indicateurs utilisés pour cartographier les SE (Haines-Young and Potschin 2013; Maes et al. 2016). Nous recommandons d’utiliser les indicateurs identifiés par ces travaux dans le cas de projets visant explicitement à établir des comparaisons entre sites ou entre échelles. Cependant, la comparaison de SE modélisés par des approches différentes permet de faire des validations croisées entre projet et d’évaluer la robustesse des modélisations (Bagstad et al. 2013; Lavorel et al. 2017).

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