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Les facteurs d'insécurité juridique imputables à l'administration

Le premier facteur d’insécurité qui part cependant d’une démarche légitime est celui du paradoxe de l’attractivité du territoire. Attirer l'investissement étranger direct (IED) est depuis longtemps un problème majeur pour les Etats. Ces derniers doivent être aussi efficaces que possible pour faire face à une forte concurrence. L'IED doit accroître les exportations, créer des emplois, transférer des technologies, participer à une planification spatiale plus harmonieuse et contribuer au développement de l'industrie. Pour atteindre ces objectifs, des mesures spécifiques ont été introduites et certains contribuables ont pu payer moins d'impôts grâce à des avantages fiscaux, appelés «niches fiscaux». Il existe différentes catégories d'incitations fiscales, par exemple: des crédits ou des réductions d’impôts au titre d’investissements dans certains portefeuilles187; les dépenses fiscales immobilières188; le système fiscal pour les zones

franches189 et les niches fiscales pour les investissements dans les territoires d'outre-mer190.

Il s'avère que, dans certains cas, ces mesures peuvent avoir été détournées de leur objectif initial (économique, social ou environnemental) par une utilisation non prévue par le législateur. La frontière d'une optimisation fiscale potentiellement abusive peut alors être franchie. Par exemple, en ce qui concerne le régime fiscal des zones franches, il arrive fréquemment qu'à la fin de la période d'exonération, l'entreprise en question ait disparu après avoir réalisé des bénéfices non taxés.

L’économiste P. KRUGMAN avait émis des réserves quant à l’appliquer ce concept aux économies nationales. Selon lui, la concurrence entre les Etats ne se fait pas de la même manière entre les entreprises, « A country is not a company191».

187 Souscription au capital d’entreprises ou de PME, de parts de Fonds commun de placement dans l’innovation (FCPI), Fonds d’investissement de proximité (FIP), au capital d’une société pour le financement du cinéma et de l’audiovisuel, intérêts d’emprunt pour la reprise d’une PME. Un autre exemple est le Crédit d’impôt recherche (CIR) ayant pour vocation d’octroyer un crédit imputable sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise, en fonction des dépenses de recherche fondamentale, développement et innovation.

188 Afin redynamiser l’immobilier et en particulier le locatif (notamment dans le secteur touristique). En France, dans le cadre de la loi Pinel, le taux de réduction d’impôt varie de 12% à 21%, répartie de manière linéaire sur toute la durée de la location.

189 Afin d’attirer les entreprises dans le but d’y développer l’activité, ce régime procure une économie d’impôt aux entreprises. Soit des exonérations et/ou d’allègements fiscaux, en matière d’impôt sur les bénéfices, de droits d’enregistrement, de taxe foncière sur les propriétés bâties, de contribution économique territoriale, voire de cotisations sociales.

190 Le but est d’encourager l’investissement dans les territoires ultramarins.

191 KRUGMAN (P), «A country is not a company», Harvard Business Review, vol.74, Issue 1, January- February, 1996.

Page | 34 Un tout autre domaine, un autre facteur d’insécurité : la corruption. La définition retenue par les organisations internationales désigne la corruption comme tout abus de prérogatives publiques à des fins d’enrichissement personnel192. Concernant les fonctionnaires, le

Vocabulaire Juridique de Cornu qualifie la corruption de « détournement ou trafic de fonction [...] commis par une personne ou à l’égard d’une personne investie d’une parcelle de l’autorité publique ou agissant à l’occasion de ses fonctions193». Il reprend la distinction opérée par le

code pénal français entre corruption passive et active selon que l’on se place du côté du corrupteur ou du corrompu194. Quant au code pénal tunisien, il propose une définition générique

et désigne comme corrompu tout fonctionnaire public ayant « agréé, sans droit, directement ou indirectement, soit pour lui-même, soit pour autrui, des dons, promesses, présents ou avantages de quelque nature que ce soit pour accomplir un acte lié à sa fonction, même juste, mais non sujet à contrepartie ou pour faciliter l‘accomplissement d‘un acte en rapport avec les attributions de sa fonction, ou pour s‘abstenir d‘accomplir un acte de sa fonction195 ».

Bien que certaines pratiques de corruption puissent n’engager que des acteurs privés, nous nous focaliserons dans ce mémoire exclusivement sur les comportements qui impliquent des prérogatives publiques. Ne seront donc examinées que les atteintes à l’intégrité commises dans le cadre d’une fonction publique, d’une administration ou impliquant un agent de l’Etat ou décideur politique. Il n’en demeure pas moins que le terme « corruption » intègre un large éventail d’infractions aux différences subtiles allant du népotisme au pot de vin en passant par le trafic d’influence, la concussion et la prise illégale d’intérêts.

La corruption revêt des formes multiples allant de l’insignifiant au monumental. Elle soulève une distinction qui est généralement faite entre corruption politique et corruption administrative ou plus vulgairement, grande et petite corruption (plus répandue et acquiert une dimension collective). Cette dernière dite « administrative » est une corruption « quotidienne » qui se passe au niveau de la mise en œuvre administrative des politiques publiques et de l’application des réglementations, là où les fonctionnaires rencontrent les usagers. La grande corruption touche quant à elle les plus hauts niveaux de la fonction publique et se déroule à l’échelle de la direction, là où les politiques et règlements sont élaborés et où des décisions engageant des sommes d’argent élevées sont prises196. Les conséquences de cette corruption son bien connues

: elle ralenti le développement économique, creuse les inégalités sociales, sape la confiance des citoyens dans leurs institutions et désintègre ainsi le pacte social fondé sur la solidarité et l’égalité de tous devant la loi.

Quelle que soit les motivations du « contribuable-fraudeur », la réalisation de l’acte de fraude découle tout d’abord de l’existence d’une opportunité. Le contexte de mondialisation des échanges économiques illustre bien cette idée.

192 OCDE, Glossaire OCDE : Corruption. Glossaire des normes pénales internationales, 2008, P. 24. 193 CORNU (G), Vocabulaire Juridique, 10ème édition, PUF, P. 277.

194 Art. 433-1 et 433-2 du Code pénal français. 195 Art. 83, du Code pénal Tunisien.

196 ATCP, La petite corruption : le danger banalisé : étude exploratoire sur la perception de la petite corruption

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Paragraphe 2. L'environnement international, source d’insécurité juridique pour