CHAPITRE I : CONTEXTE ET OBJECTIF S DE L’ETUDE
I. 2.3.1.2 Les espèces de croissance et de gravure
Le procédé de dépôt CVD doit favoriser la formation et la croissance de la phase
diamant aux dépens des phases non-diamant. Le mélange gazeux utilisé doit donc procurer
des espèces influant sur les cinétiques de croissance des différentes phases, en éliminant
préférentiellement les contributions non-diamant des films synthétisés. Ces espèces sont
produites dans la phase gazeuse activée contenant en plus de la source de carbone, une source
d'agents gravant, qui dans le cas de la CVD utilisant le mélange gazeux conventionnel
(H2/CH4) est l’hydrogène, et gravent préférentiellement les phases graphitiques ou empêchent
leur formation au sein du film. Ceci conduit à la croissance prédominante d'un film de
diamant dans lequel subsistent cependant d'autres phases.
Produit dans le milieu réactionnel, l'hydrogène atomique réagit fortement avec le
graphite et beaucoup moins avec le diamant en surface en tant qu'espèce de gravure pour
former des composés volatiles. Il favorise donc la croissance d'un film de diamant en
supprimant en grande partie les phases non-diamant de la surface du film. Des travaux ont
montré que la gravure par l'hydrogène atomique des phases non-diamant est 10 fois plus
efficace pour le graphite et jusqu'à 1000 fois supérieure pour le carbone amorphe hydrogéné
(a-CH) par rapport à la gravure du diamant [57].
L’interaction entre les espèces gazeuses et la surface est gouvernée par des processus
d'adsorption/désorption. La chimisorption d'atomes d'hydrogène à la surface paraît être un des
facteurs déterminants pour la croissance de diamant et conduit à plusieurs effets cruciaux.
Ainsi, au niveau de la surface en croissance, les atomes d'hydrogène [58] (i) gravent
préférentiellement les phases non-diamant (graphite, carbone amorphe) comme nous l’avons
déjà évoqué; (ii) stabilisent la surface de diamant en croissance en saturant ses liaisons
pendantes. Des sites de croissance de type sp
3plutôt que sp
2sont alors formés et participent à
l'élaboration du squelette carboné du diamant ; (iii) génèrent des sites vacants à la surface du
diamant en croissance.
L'identification des espèces carbonées présentes dans la phase gazeuse et responsables
de la croissance de diamant a fait l'objet de nombreux travaux. La plupart des mécanismes
proposés pour la croissance font intervenir des espèces radicalaires du type CHx [59, 60] ou
C2Hy [61, 62]. Ces espèces seraient dans un premier temps chimisorbées à la surface du
diamant, puis elles subiraient une série de transformations par transfert de charges ou
Contexte et objectifs de l’étude
32
d'atomes d'hydrogène qui permettrait l'édification du squelette carboné du diamant. Il semble
que des travaux plus récents s'accordent à considérer les radicaux CHx (x = 0, 1, 2, 3) [9]
comme les espèces carbonées prépondérantes pour la croissance de diamant dans les
conditions conventionnelles. Depuis les années 1990, le radical CH3 est reconnu comme étant
l’espèce majoritaire menant à la croissance du DMC et du DPC [63].
I.2.3.2 Synthèse en cavité résonnante
Le système utilisé de longue date pour le dépôt de films de diamant au laboratoire est un
réacteur à cavité de type « bell-jar ». Bien que des systèmes clé en main existent, notamment
commercialisé par ASTeX, Seki Diamond System ou encore Plassys, le réacteur de dépôt
présenté sur la Figure I-6 a été développé dans les années 1990 au LSPM puis optimisé dans
les années 2000 [8]. Le réacteur de type « Bell Jar » utilise une cavité métallique permettant
de favoriser un mode de résonnance transverse du champ électromagnétique afin d’obtenir
des plasmas axisymétriques. Tout d’abord, le choix du couplage électrique par une antenne
permet d’exciter le mode de résonnance de la cavité et de transférer l’énergie micro-onde à la
charge plasma. Puis, le design de la géométrie de la cavité et de son contenu diélectrique
permet d’exciter un mode particulier à la fréquence de 2,45 GHz. Enfin, le choix de
l’emplacement de la cloche en silice dans la cavité, où est confiné le mélange gazeux à
pression réduite, permet de d’obtenir un seul maximum de champ électrique juste au-dessus
du porte échantillon afin qu’un seul plasma soit amorcé dans l’enceinte. Dans les réacteurs à
cavité, la taille du plasma est limitée par la fréquence des micro-ondes. Ainsi, dans le réacteur
« Bell Jar » fonctionnant à 2,45 GHz, la taille du plasma est limitée à 2 pouces de diamètre (≈
5 cm). La limitation de la dimension de la surface traitée constitue ainsi un verrou
technologique pour une grande partie des applications industrielles potentielles.
Dans le réacteur « Bell Jar », avec le mélange gazeux H2/CH4, des monocristaux
possédant une grande pureté peuvent être élaborés sur des substrats de diamant HPHT de
plusieurs dizaines de mm² avec des vitesse de dépôt atteignant 2 à 4 µm.h
-1[64]. De plus, ce
système offre la possibilité de réaliser des monocristaux dopés au bore [26, 28]. Ce type de
mélange gazeux permet aussi la synthèse de film de diamant polycristallin sur des substrats de
silicium de 2 pouces à des vitesses de croissance de 2 µm.h
-1[7, 47].
Contexte et objectifs de l’étude
33
Figure I-6: Réacteur de dépôt de diamant type "bell-jar" développé au LSPM dans les années 1990 [7].
De nombreux travaux menés au LSPM ont porté sur la croissance de films de diamant
nanocristallin dans ce type de réacteur, obtenus par l’ajout majoritaire d’argon (> λ4%) dans
le mélange H2/CH4, notamment ces dernières années [10, 65]. Dans ces conditions, des films
de DNC de bonne qualité avec des vitesses de croissance de quelques µm.h
-1ont pu être
élaborés sur des substrats de 2 pouces à la température de 850 °C [48, 66-70].
I.2.4 Mécanismes de croissance
I.2.4.1 Croissance des cristaux et chimie de surface
Les mécanismes de croissance qui sont présentés dans cette partie ainsi que les réactions
chimiques menant à la croissance des cristaux de diamant dans les trois dimensions,
s’appliquent au diamant mono-, poly- et nanocristallin.
Goodwin et al en 1993 [63], ont proposé un schéma réactionnel conduisant à la
croissance du diamant qui met en jeu l’hydrogène atomique et le radical méthyl (équation
(I-1) à (I-6)).
En raison de la forte proportion d’hydrogène dans le mélange gazeux pendant la
croissance, les atomes de carbone présents à la surface du diamant (C
d) sont presque
entièrement saturés d'hydrogène (C
dH).
Contexte et objectifs de l’étude
34
Cela limite le nombre de sites où les espèces hydrocarbonées de croissance peuvent
s’adsorber et stabiliser les liaisons pendantes une fois qu'elles sont incorporées.
C
dH + H
⋅→ C
d⋅+ H (I-1)
C
d⋅+ H
⋅C
dH (I-2)
C
d⋅+ CH → C
dM (I-3)
C
dM → C
d⋅+ CH (I-4)
C
dM + H → C
dM
⋅+ H (I-5)
C
dM
⋅+ H → C
dH + C
d+ H (I-6)
La présence d’hydrogène atomique (H) dans le plasma peut favoriser la réaction (I-1)
conduisant à la création d’un site réactif à la surface (C
d⋅). Ce site réactif peut être stabilisé par
un H (réaction (I-2)). Néanmoins, un CH3 peut aussi se lier à un site réactif (réaction (I-3))
conduisant à un CH3 chimisorbé (C
dM). Une désorption thermique peut mener au retour en
phase gaz du CH3 adsorbé (réaction (I-4). Ensuite, les réactions (I-5) et (I-6) conduisent à
l’incorporation de CH
3 chimisorbé dans le réseau de diamant (C
d) et à la présence d’un
carbone saturé d’hydrogène (C
dH) au-dessus. Un mécanisme de croissance simplifié, mettant
en jeu uniquement CH3 et H, permettant de rendre compte des phénomènes chimiques à la
surface d’un diamant en croissance est montré Figure I-7 [6].
Contexte et objectifs de l’étude
35
Un atome d’hydrogène de la phase gaz extrait un hydrogène de la surface pour former
une molécule de H2 dans le gaz, créant ainsi un site de surface réactif (étape (1) Figure I-7,
réaction (I-1)). L’évènement le plus probable pour ce site de surface est qu'il réagisse avec un
autre H voisin, renvoyant la surface à sa situation stable antérieure (réaction (I-2)).
Cependant, un radical CH3 en phase gazeuse peut aussi réagir avec le site de surface (étape 2,
réaction (I-3)), incorporant un carbone au réseau. Ce processus d'abstraction d’un H et
d'absorption de méthyle peut alors se produire sur un site adjacent au méthyle attaché (étape 3
et 4). Un autre processus d'abstraction d’un H sur l'un des groupes CH3 chimisorbés crée un
radical CH2 (étape 5, réaction (I-5)) qui réagit avec l'autre groupe carboné à proximité (étape
6, réaction (I-6)) pour ainsi compléter la structure, en verrouillant les deux atomes de carbone
dans le réseau de diamant (étape 7). Ceci constitue le schéma de croissance par addition
successive d’atomes de carbone au réseau de diamant existant exposé à un plasma contenant
des espèces CH3 et H. La présence d’une espèce, dans ce cas H, capable de créer des sites
réactifs au niveau de la surface est donc nécessaire pour initier la croissance des cristaux mais
aussi pour la faire perdurer.
Nous avons décrit dans cette partie les mécanismes de croissance menant à
l’incorporation successive d’atome de carbone au réseau de diamant, valable pour les trois
formes de diamant synthétique élaboré par MWPACV.
Nous présentons dans la partie suivante les processus menant spécifiquement à la
croissance des films de diamant poly- et nanocristallin.
I.2.4.2 Croissance de films poly- et nanocristallins
La formation de diamant CVD sur des substrats non-diamant s'effectue selon un mode
de croissance par îlot de type Volmer-Weber, détaillé dans certains travaux [71]. Le diamant
germe de manière hétérogène et ponctuelle sur le substrat ce qui conduit à la formation d'amas
de carbone. La croissance tridimensionnelle de ces germes se fait alors jusqu'à une taille
critique à partir de laquelle ils peuvent être assimilés à des cristaux nanométriques qui
continuent à se développer indépendamment les uns des autres. Cette croissance conduit au
processus de grossissement des grains. Néanmoins, le développement normal des grains peut
être interrompu par différents processus et conduire à la création de défauts sur la surface. Ces
derniers peuvent être le siège de la germination de nouvelles cristallites menant à la formation
d’agglomérats composés de nanograins. Si la densité de germes est suffisante, la croissance
Contexte et objectifs de l’étude