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5. Méthodologie et pratiques de terrain

5.3. La collecte de données

5.3.1 Les entrevues semi-dirigées

Une démarche indispensable à la méthodologie de cette recherche a été la réalisation d’entrevues semi-dirigées. Réalisées notamment en ville, elles m’ont permis de rencontrer des anthropologues, des membres de la FUNAI, mais aussi d’autres personnes du CTI travaillant à São Paulo ou d’autres villes du Brésil. Concrètement, j’ai interviewé des anthropologues qui ont réalisé des recherches amazoniennes et qui font partie du Département d’anthropologie de l’Université de Brasilia. Ce sont des chercheurs qui disposent de connaissances approfondies sur les indigènes d’Amazonie brésilienne. Ils ne travaillent pas directement avec la FUNAI, mais collaborent avec le gouvernement dans certains projets.

Ces rencontres ont été très importantes pour différentes raisons. D’un côté, elles m’ont permis de mieux contextualiser la situation des peuples isolés. Par « contextualiser », j’entends tout ce qui a trait aux enjeux politiques liés aux situations des indigènes isolés. Ces entrevues m’ont permis d’avoir accès à leurs expériences passées, en particulier durant la période de l’aile « progressiste » de la FUNAI, celle qui consistait à forcer le contact avec les peuples indigènes dans la société nationale. Leur vision et surtout l’évolution de leurs réflexions m’ont permis de construire un sens un peu plus concret des politiques instaurées par le Brésil concernant les peuples isolés, ainsi que ceux qui sont déjà intégrés à la société nationale.

Ensuite, j’ai pu interviewer des personnes qui travaillent au sein du CTI, mais aussi des personnes qui agissaient dans d’autres organismes. J’ai pu ainsi me faire une idée un peu plus claire de ce qui se passe présentement en Amazonie. En ce qui concerne les représentants d’autres organisations avec qui j’ai eu l’occasion de discuter, je note principalement deux représentants: un membre de l’Instituto Socioambiental (ISA), mais aussi des membres du CIMI (Conseil Missionnaire

Indigéniste). J’ai rencontré la première personne à Brasilia puisqu’elle est basée dans le même immeuble que le CTI. Par la suite, j’ai été plus en contact avec le CIMI lors de mon séjour en Amazonie, notamment dans le cadre d’un atelier organisé par la FUNAI sur les isolés Hi-Merimã de la région du Moyen-Purus et avec les autres peuples indigènes déjà contactés partageant le même territoire. Lors de mon analyse, j’ai décidé de séparer les écrits ethnographiques en fonction des deux sites de mon terrain : les villes (Brasilia et Rio de Janeiro, surtout) et l’Amazonie brésilienne (notamment la région du Moyen-Purus).

En ce qui concerne les entrevues réalisées dans la région du Moyen-Purus, il est important de parler des indigènes déjà contactés que j’ai rencontrés. Parmi ces derniers, je note les deux principaux pour la poursuite du travail : les Banawá et les Jamamadi. La région du Moyen-Purus est habitée par des peuples qui parlent une langue appartenant à l’Arawá, tronc linguistique partagé entre les collectifs de la région. Il s’agit des Indiens Banawá, Jamamadi, Jarawara, Deni, Jarawara, Apurinã, Paumari et Suruwahá (voir la figure 2 à la page 41). Ces groupes habitent le long de la rivière Purus et interagissent régulièrement avec les sociétés non indigènes depuis le début du 20e siècle. Pour la plupart d’entre eux, le contact a été établi à cause de l’exploitation du caoutchouc et l’appropriation des territoires par les jará (les « blancs » en Banawá). Je n’ai pas rendu visite ou contacté tous les groupes de la région car la période de terrain était courte et il m’aurait fallu plus de temps pour les rencontrer. C’est un regret pour la compréhension de la réalité de cette région spécifique en Amazonie, mais ce sont des limites et contraintes qui composent mon projet. Dans la Figure 2, je propose un arbre de parenté des Arawá, les habitants du Moyen-Purus afin de mieux situer ces peuples les uns vis-à-vis d’autres.

Figure 2 : L’arbre de parenté des peuples Arawá, les habitants du Moyen-Purus

Par la méthode de l’entretien, la chercheuse accède à l’univers qu’elle entend analyser. Dans la mesure où l’entretien doit demeurer un instrument de découverte, la grille d’entrevue doit être un fil conducteur permettant à la chercheuse de mener à bien sa recherche sans se fermer à d’autres trajectoires possibles. J’ai donc privilégié l’entrevue semi-dirigée, en raison de sa flexibilité en ce qui concerne la collecte des données. Bien que la chercheuse s’appuie généralement sur une grille d’entretien prédéterminée, elle n’est pas tenue, selon ce format, de s’y restreindre. Il est en effet possible de poser des questions supplémentaires, ce qui permet d’obtenir parfois des informations assez riches et nouvelles. La chercheuse est donc soumise à de moins grandes contraintes que dans l’entrevue dirigée, où il faut a priori s’en tenir strictement aux questions déjà formulées (Patton, 1990).

La grille d’entretien que j’ai mobilisée était ainsi composée de cinq thèmes : 1. Présentation de l’enquêté (nom, fonction, parcours)

2. Liens et expériences avec les problématiques indigènes

1. Dans les situations en dehors du terrain (administration, académique, etc.)

2. Sur le terrain

3. Situations de contact avec des tribus isolées ? (Situation vécue ou connue ?

Documentée ?)

1. Moyens d’entrer en contact avec les isolés : passé et présent ? 2. Dispositifs / objets ?

3. Contact et non-rencontre : dispositifs de gestion et protection ?

4. Représentations des sociétés extérieures et indigènes dans les manières de rentrer en contact avec les isolés

5. Visions des acteurs qui constituent l’univers des indigènes (FUNAI, ONG, autres nations sud-américaines, entreprises privées, etc.)

1. Retour au passé (politique assimilationniste) 2. Politiques actuelles (politique protectionniste) 3. Avenir de l’isolement et politiques publiques

Le premier thème m’a permis de situer l’enquêté dans la recherche, mais aussi de briser un peu la glace avec lui. Le deuxième thème portait sur les expériences que possédait l’interlocuteur vis-à-vis des indigènes, contactés ou non contactés. L’idée était de dresser le portrait rapide de l’interlocuteur et de ses expériences avec mon sujet, avant de rentrer dans le vif de la recherche. Toujours dans ce second thème, j’ai pu aborder les différents types d’expérience sur le terrain et au « siège » afin d’avoir la vision la plus globale possible du vécu de la personne. Par le truchement du troisième thème, j’ai pu aborder mon sujet de recherche en détail, en interrogeant les enquêtés au sujet des situations de contact ou de non-rencontre, connues directement ou indirectement. Ce troisième thème abordait en profondeur le phénomène à l’étude et était donc le plus important. Les sous-thèmes n’ont pas été systématiquement évoqués avec l’enquêté. Ils m’ont permis de guider mes pensées et questionnements pendant l’entretien si nécessaire.

Le quatrième thème portait, quant à lui, sur les représentations que se sont construites les enquêtés au sujet des indigènes et sociétés extérieures et ce à travers

les manières d’entrer en contact avec les isolés ou, au contraire, de les protéger. Ce thème m’a permis d’apporter des éléments de réponses à l’une de mes questions de recherche. Pour rappel, il s’agit de la question qui traite de la manière dont les objets et autres dispositifs permettent de faire parler les peuples isolés par et pour les organisations qui les observent et les étudient. Je reviendrai plus amplement sur cette question lors de l’analyse même. L’objectif était, d’abord, d’interroger l’existence d’une représentation par des objets ou échanges entre les isolés et les sociétés extérieures. Par la suite, j’ai pu comprendre comment ces différentes sociétés sont représentées aux yeux d’autrui.

Pour conclure, le cinquième thème avait pour objectif d’interroger l’interlocuteur sur les acteurs qui évoluent au sein des politiques indigénistes, publiques ou privées. Face à une multitude d’organisations ayant des points divergents sur le contact avec les tribus isolées, il m’a semblé important de questionner mes informateurs sur leurs opinions vis-à-vis des autres acteurs tentant d’entrer en contact avec les indigènes.

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