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VIII. Annexes 50 Annexe 1 : Courrier électronique d’appel à participation

2. Analyse thématique

4.2 Biais liés aux entretiens

4.2.2 Les entretiens

Les entretiens étaient réalisés par téléphone ce qui ne permettait pas à l’enquêteur de capter la communication non verbale, exceptés les rires et les soupirs. Les gestes suggérant la réflexion ou le doute auraient pu être intéressants à analyser.

Le médecin diabétique devait confier à un « inconnu », au téléphone, une part de son intimité en lui parlant de son vécu de la maladie.

D’un autre point de vue, sans face à face, par cette écoute téléphonique quelque part anonyme, la confidence pouvait aussi être plus facile avec peut- être moins de retenue.

Pour leur permettre de se livrer plus facilement, le thème touchant à leur intimité était abordé dans un second temps.

Trois entretiens ont eu lieu alors que les médecins interrogés étaient à leur cabinet et accordaient le temps d’une ou deux consultations à l’enquêteur. L’environnement de travail, ne permettant pas à l’interviewé d’avoir l’esprit enclin à se livrer, a pu limiter l’émergence de certaines idées plus intimes.

V.

Conclusion

Le diabète touche plus de 5 millions de personnes en France, dont 87% de diabétiques de type 2 qui seraient suivis uniquement par leur omnipraticien. Cette maladie chronique affecte la vie quotidienne et psychologique de ses porteurs qui pourraient parfois ressentir un certain manque d’empathie et d’écoute de la part de leurs médecins généralistes. Ces qualités sont essentielles dans la relation médecin-malade et d’autant plus lorsque le patient est atteint d’une maladie chronique.

Dans ce travail, nous avons exploré la relation entre des médecins généralistes diabétiques et leurs patients diabétiques. Porteurs de la même maladie chronique, il nous a semblé légitime de supposer que ce colloque singulier médecin – patient était alors modifié. Le médecin utilise-t-il son expérience personnelle ? Si oui, comment et pourquoi ? Que lui apporte- t-elle ? Le rend-elle plus humain ou encore meilleur soignant ?

Pour cela, nous avons réalisé une étude qualitative par entretiens téléphoniques semi- dirigés auprès de onze médecins généralistes diabétiques, ayant un mode d’exercice libéral et installés en France. Le recrutement de cet échantillon s’est essentiellement fait par des méthodes d’accès indirects. Comme par l’envoi de courriers électroniques d’appel à participation sur des listes de diffusion de médecins, de publication Facebook® sur des groupes d’internes en médecine, ou par effet « boule de neige » dans l’entourage professionnel et personnel de l’enquêteur. Le recrutement a été arrêté lorsqu’il y a eu saturation théorique des données.

Pour des raisons éthiques, l’enquêteur n’a jamais pris contact directement avec un médecin généraliste diabétique sans avoir eu son accord au préalable.

Après retranscription des entretiens en verbatims, l’analyse des données s’est faite grâce à un codage ouvert par l’enquêteur principal et un second investigateur, en aveugle l’un de l’autre, ayant permis une triangulation des données après mise en commun et unification des codes. Sur les 11 médecins généralistes diabétiques recrutés, 9 étaient de sexe masculin et 7 étaient installés depuis plus de 10 ans. Concernant leurs âges, 4 étaient âgés de plus de 60 ans alors que 2 avaient entre 50 et 60 ans, 2 entre 40 et 50 ans et 3 entre 30 ans 40 ans.

Dans un premier temps, les médecins généralistes interrogés étaient amenés à nous parler de la relation qu’ils entretenaient avec leurs patients de manière générale pour permettre

une première approche de leur pratique. Globalement, ils entretenaient une relation de proximité avec leurs patients, parfois même qualifiée d’amicale ou sympathique. Ils accordaient une place primordiale à l’écoute active afin d’obtenir une alliance thérapeutique dans laquelle le malade était acteur de sa santé. Ils se considéraient donc loin du paternalisme et étaient fiers de parfois réussir à soigner leur patient par leur simple présence, réassurance ou écoute.

Parmi les médecins diabétiques interrogés, huit sur onze (72,7%) étaient de type 1 alors qu’ils représentent environ 10% des diabétiques dans la population générale. La différence de relation qu’ils entretenaient avec les diabétiques de type 1 ou de type 2 était rapidement évoquée. Ils considéraient même, pour certains, qu’il ne s’agissait pas de la même maladie. Ils étaient ainsi huit traités par insuline qui, aux yeux des patients, est un traitement lourd, contraignant et inquiétant. Leur propre insulinothérapie leur avait permis d’acquérir un savoir expérientiel important facilitant l’initiation d’un tel traitement, à l’inverse des médecins généralistes non diabétiques qu’ils jugeaient comme plus en difficulté face à de telles situations. Ce savoir « du vécu » leur permettait de conseiller leurs patients quant aux techniques d’injections, de contrôle glycémique ou encore quant à la gestion d’une hypoglycémie.

Ces éléments font partie de l’Education Thérapeutique du Patient (ETP), principalement des compétences d’autosoins décrits par la Haute Autorité de Santé (HAS). Les médecins généralistes diabétiques semblaient plus aptes à aider les patients à les acquérir.

Les médecins diabétiques de notre étude vivaient assez bien leur maladie, malgré des périodes de « ras-le-bol » fréquemment rapportés. Ils menaient leurs vies professionnelle et personnelle en « faisant avec », en ayant pour objectif d’avoir une « vie normale ». Ces vécus du diabète, positifs comme négatifs, leur apportaient une compréhension plus grande de leurs patients. Leur vécu pouvait être commun avec celui du patient et ils pouvaient alors même surpasser l’empathie puisqu’ils connaissaient personnellement ces situations. Pour faire preuve d’empathie, ils ne se projetaient pas dans l’hypothétique mais faisaient appel à leur vécu.

Pour certains, cette réciprocité de la maladie les mettait face à leur propre maladie ou à d’éventuelles complications. Ces situations, potentiellement angoissantes, étaient en général contrôlées par leur auto réassurance grâce à leur équilibre diabétique et l’absence de complication en cours. On pouvait également supposer la mise en œuvre de mécanismes de défense inconscients à type d’identification projective, particulièrement retrouvée chez les soignants.

A l’inverse, cette fonction « miroir » se retrouvait lorsque les médecins se posaient en tant qu’exemple face à leurs patients. Cette situation se présentait souvent avec les jeunes

diabétiques, permettant ainsi leur réassurance quant aux traitements en cours et à leur avenir. Ils leur assuraient qu’ils pourraient avoir une « vie normale », se prenant alors comme modèle. Concernant les enfants, cette manière de pratiquer est sujette à discussion face aux éventuelles conséquences sur son vécu de la maladie en cas de changement de comportement du médecin ou de son éventuel remplacement.

Concernant les diabétiques adultes, les médecins se référaient à leurs propres expériences pour participer à l’éducation thérapeutique des patients en les conseillant sur le traitement médicamenteux, la diététique ou l’activité physique.

La confidence du diabète à leurs patients présentait plusieurs avantages :

- rassurer face à l’angoisse de l’avenir ou aux « ras-le-bol » de cette maladie chronique. - dédramatiser certaines situations comme le passage à l’insulinothérapie, marqueur important de l’évolution du diabète et vécu de manière très inquiétante par les patients.

- améliorer l’adhésion du patient au traitement.

- favoriser une relation de confiance avec le patient diabétique qui se sentait alors compris. Face à cela, les patients pouvaient être plus exigeants sur les compétences en diabétologie de leur médecin qui se trouvait alors dans une position délicate : restait-il médecin ou devenait-il un patient-expert ? Cette question a été évoquée, mais ils semblaient bien porter cette « double

casquette » en complétant leur savoir universitaire médical par leur savoir expérientiel.

Cependant, plusieurs médecins gardaient une discrétion quasiment complète sur leur maladie, estimant qu’il s’agissait de leur vie privée. D’autres préféraient ne pas modifier leur image de médecin traitant et alléguaient que cette information n’aurait pas d’intérêt pour leurs patients.

Avec le temps et l’expérience de la maladie diabétique, certains médecins sont devenus plus tolérants quant aux aléas du traitement médicamenteux et de la diététique de leurs patients, alors que certains ont majoré leurs exigences. Ces deux attitudes étaient systématiquement expliquées par le propre vécu de la maladie du soignant.

De manière unanime, les médecins généralistes interrogés estimaient que leur diabète constituait un avantage dans leur relation avec le patient et aussi dans la prise en charge médicamenteuse pour une grande majorité d’entre eux. Ce ressenti pourrait être objectivable par une étude comparative de l’hémoglobine glyquée et de la qualité de vie des patients suivis par des médecins généralistes diabétiques versusceux suivis par des médecins non diabétiques.

Il apparaît que l’expérience de la maladie diabétique par les médecins eux-mêmes leur donne un « outil » thérapeutique supplémentaire. Ils exprimaient bien que cette compétence était à mettre en lien direct avec le vécu de leur pathologie mais qu’ils n’étaient pas « médecin- expert » face aux autres maladies chroniques.

Les profils des médecins interviewés mettent en évidence des caractéristiques hétérogènes (sexe, âge, date d'entrée dans la maladie, durée d'exercice), et, malgré des pratiques qui diffèrent, il apparait une certaine unanimité dans le partage avec leurs patients de leur savoir expérientiel.