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PARTIE 3 : QUEL EST LE BUT D’UNE RESTITUTION ?

III.3. R ESULTATS DE L ’ ETUDE DU CHAPITEAU

III.3.2. I NTERPRETATIONS DES DONNEES

III.3.1.1. Les données historiques

Nous savons que le chapiteau a un style corinthisant, un style dérivé du corinthien. Ce style, d’après l’étude comparative semble uniquement répandu durant l’Antiquité tardive. L’étude des autres villae semble montrer que le style corinthisant apparait dans les

villae au IVème siècle au moment où celles-ci s’agrandissent. Pourquoi au IVème siècle ? Ce développement montre des formes architecturales assez riches qui présentent notamment des absidioles, par exemple dans la villa d’Armérina, qui se distinguent des modèles classiques de l’architecture romaine. En plus de cela, l’utilisation du marbre exprime une certaine richesse. Il est fort possible que le style corinthisant soit en lien avec cette volonté de montrer la prospérité des propriétaires. Mais cela ne répond pas à la question : pourquoi utilise-t-on uniquement le corinthien au IVème siècle alors qu’il est utilisé sur des édifices publics dès le début de l’Empire ?

Le style corinthisant est un dérivé du corinthien qui prend racine à Rome et est largement utilisé et diffusé par l’Empire au travers des édifices publics en Italie et en Gaule. L’exemple de l’utilisation du corinthien sur la Maison Carrée de Nîmes nous démontre que ce style est réellement employé pour marquer la puissance et la domination de l’Empire. Il modifie le paysage avec des édifices répondant à la mode impériale. En effet, sur la place du forum on utilise le corinthien. Nous remarquons que l’ordre corinthien est d’abord présent dans les bâtiments publics gallo-romains et ensuite dans les villae. Pour quelle(s) raison(s) a-t-on cette différence ? Nous pouvons en compter deux qui sont la politique et les différents statuts des édifices privés et publics. Nous aborderons par la suite la raison politique. Les hommes de pouvoir privilégient la puissance de l’Empire. On emploie donc un ordre qui peut rendre cette image. Si nous utilisons la même symbolique, nous ne créons plus la différence entre le pouvoir et le peuple. Le contexte politique pourrait donner des explications sur l’emploi du style corinthisant dans les villae.

Au IIIème et IVème siècle, l’Empire connait des heures dures dûes aux invasions barbares et aux pillages. Dans l’ouvrage d’Yves Modéran, « L’Empire romain tardif, 235-

96 395 ap. J.-C »121 l’auteur nous livre notamment le contexte politique durant ces deux siècles décisifs. L’Empereur en charge prend des décisions afin de maintenir l’Empire. Le pouvoir est toujours représenté par les bâtiments et espaces publics comme les forums avec leur style corinthien. Puis au IVème siècle, cela va légèrement changer. En premier point, les villae se construisent en plusieurs phases de construction qui leur permettent d’agrandir leur surface. Ces expansions embellissent les édifices tout comme leur style architectural. Certaines villae prennent des dimensions démesurées et deviennent de véritables « palais ». Mais pour quelle(s) raison(s) ces bâtiments voient-ils leur surface s’étendre ? Le deuxième point est que les édifices publics ne sont plus les seuls monuments par lesquels le pouvoir est magnifié à cause du contexte politique changeant.

Durant le IIIème siècle commence une crise qui est liée à la présence des Barbares et aux pillages. L’Empereur fait face à ces guerres et parvint à maintenir l’Empire. Mais suit une autre crise qui s’intensifie et affaiblit de nouveau le pouvoir impérial. Ces troubles se ressentent dans les provinces avec le déplacement du pouvoir public dans les villae. Ce transfert se fait progressivement car les villae commencent leur expansion à cette période jusqu’au IVème

/ Vème siècle. Durant cette phase, les aristocrates ou les notables qui sont les propriétaires des villae prennent de plus en plus de pouvoir et d’importance et l’expriment à travers l’agrandissement de leur habitation. Il faut attendre le début du IVème

siècle où Constantin (306-337) est nommé Empereur. Durant son règne, il modifia le système de l’Empire, établi depuis plusieurs années, ce qui améliora la situation dans l’ensemble du territoire. La grande modification est également le changement de religion qui semble avoir un impact dans les villae de par leurs formes divergentes représentées par les absidioles. En effet, Constantin se convertit au christianisme vers 310. Malgré cela, il dut faire face à de nombreux troubles auxquels il y mit fin et réunifia l’Empire vers 324.

Ces bouleversements se ressentent sur les monuments publics mais aussi sur les édifices privés. Les lieux de pouvoir sont « transférés » dans les espaces privés. Les propriétaires mettent en place des habitations qui reflètent le pouvoir romain. C’est peut- être pour cette raison que l’ordre corinthien apparait dans les villae : pour faire référence au pouvoir romain représenté sur des bâtiments publics et donner davantage d’importance aux villae. Les propriétaires font de leur villa un lieu important reflétant le pouvoir romain. Nous pouvons en déduire que les campagnes prennent de plus en plus d’importances face

97 aux villes à travers ce changement. C’est donc un transfert du symbolisme entre deux types d’édifices qui passe par le changement de style architectural. En Italie, nous retrouvons ce même processus mais présenté différemment avec les domus. Elles représentent un édifice de statut social mais ne présentent pas forcément les décorations aussi luxueuses que dans les villae italiennes ou gallo-romaines en raison de la présence des boutiques en façade. Alors nous retrouvons cette richesse à l’intérieur et par l’agencement des espaces qui signifie cette fonction de statut social. Les villae gallo-romaines commencent avec une vocation agraire et finissent par ressembler aux domus italiennes du point de vue fonctionnel.

En étudiant les villae gallo-romaines, nous remarquons que l’ordre corinthien semble être présent uniquement dans les espaces recevant du public tels que les entrées d’apparats, les lieux de réceptions et l’atrium. En prenant l’exemple de la villa de Montmaurin, nous retrouvons des chapiteaux corinthisants notamment sur le portique et dans l’atrium qui sont des lieux publics. Cette villa est occupée pendant plusieurs siècles et connait un abandon causé par un incendie au IVème siècle. Elle garde malgré tout des chapiteaux d’ordre différents, tout comme la villa de Lalonquette qui comprend l’ordre corinthien, ionique et toscan. Il se pourrait donc que le style corinthien soit utilisé dans des espaces recevant du public dans le but de donner la même impression que les bâtiments publics. Cette hypothèse n’est pas confirmée car il faudrait réaliser des recherches sur un ensemble de villae afin de pouvoir affirmer ou réfuter cette hypothèse. Mais d’après les exemples exploités, nous pouvons supposer que l’ordre corinthien est utilisé au IVème

siècle pour des raisons sociales et politiques dans des espaces considérés comme publics.

L’ensemble de ces éléments nous confirme que le chapiteau date du IVème siècle car les caractéristiques de la villa et de celui-ci correspondent aux conclusions émises ci- dessus.

III.3.2. Interprétations des données

Une fois que nous avons proposé une hypothèse de restitution formelle du chapiteau et une interprétation des données historiques, il est intéressant d’aller plus loin : connaître ses possibles dimensions et donner une interprétation. L’étude d’un élément

98 comme le chapiteau est composée de plusieurs étapes. Comme nous l’avons expliqué dans les parties précédentes, ces étapes sont au nombre de trois.

- D’abord l’étude : elle consiste à collecter un grand nombre d’informations relatives à l’objet afin de nous permettre de le comprendre. C’est une étape importante car elle représente la base de la recherche.

- Ensuite, la restitution. Cette étape est composée de trois parties : l’observation, l’étude comparative et les hypothèses de restitution

- Enfin, pour terminer, l’interprétation des résultats. Il est important d’interpréter et de conclure le bilan déduit.

Nous allons donc aborder dans cette sous-partie les résultats et ce que nous pouvons en conclure.