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Du dépistage au traitement

51/111 3 Etude de la réfraction [23] [33] [34] [35]

2- Les différents moyens de traitement [6] [37] [41]

Afin de répondre à l’ensemble de ces critères, plusieurs outils s’offrent à nous pour conduire un traitement de qualité.

a) Importance de la correction optique totale [33]

La 1ère étape du traitement consistera en la prescription de la correction optique totale, déterminée sous cycloplégique, afin d’amener optiquement l’image sur les fovéas des deux yeux sans effort (ramener le parcours accommodatif à sa position initiale).

Toute amblyopie, et de même tout trouble oculomoteur, est à l’origine d’un dérèglement accommodatif. La mise à plat de ce déséquilibre exige de connaitre la valeur du défaut optique de chaque œil. Celle-ci est déterminée par un procédé objectif (skiascopie manuelle ou réfractomètre automatique), l’accommodation étant paralysée grâce à l’instillation d’un cycloplégique (cyclopentolate ou atropine). Ainsi, aucune sous-correction n’est effectuée. L’utilisation de tels collyres sera nécessaire tant que l’accommodation sera présente et significative, et d’autant plus s’il existe un trouble oculomoteur ou des signes fonctionnels de gêne visuelle associés.

La correction optique totale va limiter les perversions accommodatives et jouer le rôle d’un cycloplégique permanent. Elle devra être renouvelée et prescrite durant toute la durée de la prise en charge, et portée de façon permanente tout le temps d’éveil du patient, sans aucune exception. Il s’agit de la pierre angulaire du traitement, seule cette correction peut assurer la qualité de l’image requise à la rééducation.

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Il est nécessaire d’expliquer, à l’enfant et aux parents, l’importance de la correction optique totale et son rôle majeur dans le traitement de la pathologie. Souvent, le refus inconscient des lunettes par les parents contribue à la difficulté du port des lunettes par l’enfant. Le dialogue est indispensable, enfant et parents doivent comprendre la nécessité de cette correction pour en accepter le port.

Le port de lunettes chez l’enfant exige de respecter certaines particularités dans le choix de la monture. Des montures mal adaptées entravent l’utilisation de la correction par l’enfant. Il est donc conseillé de choisir, en accord avec l’enfant, une paire de lunettes adaptée et plaisante. Il est important de privilégier une monture en plastique avec un support nasal en silicone, en résulte une meilleure adaptation à la morphologie du visage et une bonne tenue de la monture sans risque de glissement (avec éventuellement un élastique permettant de maintenir la lunette bien en place), et des verres incassables, de forme ovales ou arrondies afin de couvrir l’ensemble du champ visuel du jeune patient qui a tendance à regarder vers le haut.

b) L’occlusion [42] [43]

Le but de l’occlusion est d’obliger l’œil dominé à prendre la fixation et d’empêcher toute vision simultanée. L’occlusion doit supprimer toute afférence lumineuse dans l’œil dominant et doit empêcher la compétition entre les deux yeux et donc les phénomènes de neutralisation. Il s’agit de lutter contre l’amblyopie, la dominance oculaire anormale et les relations binoculaires anormales.

Elle est la méthode de référence, bien souvent indispensable à la cure de la plupart des amblyopies.

Afin de garantir un résultat positif, l’occlusion (moyen, technique et durée) devra être adaptée au contexte sensori-moteur du patient, mais surtout acceptée par le patient et son entourage. En effet il s’agit d’un traitement contraignant qui crée, de façon temporaire, un handicap (proportionnel à la profondeur de l’amblyopie initiale), auquel s’ajoute le désagrément esthétique. Enfants, mais surtout parents doivent être convaincus de l’absolue nécessité de ce traitement.

Les moyens d’occlusion  L’occlusion sur peau

Elle est réalisée grâce à un pansement opaque collé sur la peau, le plus souvent Opticlude® ou Ortopad® (deux principales formes commercialisées).

Ce pansement autocollant, de forme plus ou moins ovale et à usage unique, permet une obturation totale de l’œil équipé. Une fois appliqué sur le pourtour orbitaire, il est difficile à enlever par l’enfant lui-même.

Non content de présenter une bonne tolérance cutanée (chez la plupart des enfants), il a l’avantage de permettre le port de la correction optique totale, celle-ci servant uniquement l’œil sans cache.

Le pansement occlusif devra être parfaitement collé et changé à chaque fois qu’il est abimé pour ne laisser passer aucune afférence lumineuse.

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L’occlusion sur peau est le traitement de référence, elle s’avère indispensable dans la prise en charge des amblyopies profondes et moyennes (notamment en traitement d’attaque, phase initiale de la prise en charge).

 L’occlusion sur verre

L’occlusion sur verre doit-être réservée aux amblyopies légères à modérées, lorsque le déficit entre l’œil dominé et l’œil dominant reste inférieur à 4/10ème. Plusieurs procédés tels des adhésifs (opaques mais discrets) ou l’utilisation d’un « plastique anti-reflets » permettront ce type d’occlusion (brouillent la vision). Par ailleurs, elle n’est efficace que lorsque des conditions drastiques sont respectées.

Elle nécessite une monture adaptée à la technique (en port constant) et surtout la coopération de l’enfant qui ne devra pas regarder par-dessus ses lunettes (ce qui semble difficile à faire respecter à un jeune enfant). Laissant libre un champ de vision périphérique, elle est proscrite du traitement d’attaque par la majorité des professionnels.

Les techniques d’occlusion

L’ensemble des techniques d’occlusion obéissent aux règles classiques, définies en amont, qui consistent à obliger l’œil dominé à prendre la fixation et à empêcher toute vision simultanée des deux yeux.

On distingue l’occlusion sauvage utilisée dans le traitement d’attaque, l’occlusion alternée et enfin l’occlusion intermittente, cette dernière étant plutôt réservée au traitement d’entretien.

 L’occlusion sauvage ou totale (monolatérale)

Elle est systématiquement instituée en début de traitement, c’est la seule façon d’amorcer la guérison de l’amblyopie. Elle consiste en une occlusion permanente, jour et nuit, de l’œil sain (l’enfant devra « oublier » la vision de son bon œil).

Son caractère permanent entraine un risque d’amblyopie à bascule, défavorisant l’œil, auparavant, dominant. C’est pourquoi elle exige une surveillance rigoureuse, les contrôles doivent être rapprochés, et ce d’autant plus que l’enfant est jeune et que l’amblyopie est profonde.

Pansement opaque de type Ortopad®, permettant l’obturation complète de l’œil équipé

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La durée de l’occlusion sauvage est variable et va être fonction de l’âge du patient, de la profondeur de l’amblyopie mais aussi du respect des consignes instituées par l’orthoptiste et l’ophtalmologiste. Initialement, elle est d’une semaine par année d’âge en traitement d’attaque avant le premier contrôle.

Cette occlusion sera ensuite poursuivie jusqu’à obtention de l’isoacuité. La durée de l’occlusion totale n’a pas de limite fixe a priori, elle dépendra de la récupération et devra être maintenue tant que le projet de soins n’est pas atteint.

Il existe cependant quelques contre-indications à l’occlusion sauvage :

 En cas d’amblyopie par anisométropie faible, l’occlusion totale est à proscrire car elle constitue une entrave à la vision binoculaire, qui dans ce cas est un facteur de récupération de l’amblyopie. Une occlusion intermittente de plusieurs heures par jour sera plus adaptée.

 Avant l’âge de 1 an, il est classique de débuter par une occlusion d’une heure par jour et par mois de vie (par exemple à l’âge de 6 mois, une occlusion de 6h/jour pendant les temps d’éveil sera préconisée), en raison de la plasticité cérébrale à cet âge et du risque d’amblyopie à bascule.

 Enfin, la troisième situation clinique délicate sera l’âge avancé de l’enfant. Le traitement doit être d’autant plus prolongé et agressif qu’il a été institué tard, cependant il est d’autant plus difficile de le faire accepter quand l’enfant grandit (scolarité, moqueries). Il faut alors essayer d’adapter le traitement ; soit en commençant l’occlusion totale pendant la période de vacances scolaires en cas d’amblyopie profonde, soit en réduisant le traitement en une occlusion maximale hors des temps d’école en cas d’amblyopie modérée.

 L’occlusion alternée (ou alternante)

Elle est indiquée chaque fois que l’on veut éviter une vision simultanée des deux yeux ; après restauration de l’acuité visuelle de l’œil initialement amblyope (lorsque l’isoacuité est atteinte), mais aussi avant la phase chirurgicale d’un strabisme (contrôle du temps de fixation de chaque œil). Elle présente l’avantage de minimiser les perversions sensorielles binoculaires ainsi que leurs conséquences motrices (atténuer les conséquences des relations binoculaires anormales).

Les protocoles varient selon les auteurs et sont à adapter au cas par cas.  L’occlusion intermittente

L’occlusion intermittente serait à réserver au stade de postcure de l’amblyopie, c’est- à-dire à la prophylaxie de sa récidive. En effet, leur maniement délicat (quelques heures par jour à un certain moment de la journée) exige une certaine rigueur et n’est possible pour toutes les familles. Chez le nouveau-né, une occlusion intermittente de quelques heures sur peau nécessite une surveillance étroite. Chez l’enfant plus âgé, elle se révèle souvent insuffisante.

Cette technique permet de conserver l’acquis du traitement médical précédemment entrepris. Dans ce cas, leur prescription sera parfois de très longue durée et ceci d’autant plus, que la prise en charge a été tardive. Enfin, dans le cadre d’une amblyopie sans strabisme, l’occlusion intermittente permettra de préserver la vision binoculaire.

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 L’occlusion indirecte ou inverse

L’occlusion monolatérale inverse est exceptionnellement prescrite, elle a une seule indication ; l’amblyopie à fixation excentrique négligée. Elle consiste à occlure l’œil amblyope pendant quelques jours voire quelques semaines en fonction de l’âge de l’enfant, le but étant de faire perdre la fixation excentrique à l’œil amblyope, avant de passer à l’occlusion directe de l’œil fixateur. Cependant, les résultats rapportés ne sont guère significatifs.

c) Les pénalisations optiques [44] [45]

Il s’agit d’une technique de correction optique ayant pour but de désavantager la vision d’un œil à l’aide d’une correction optique volontairement inexacte à laquelle on peut, au besoin, associer une cycloplégie. Le traitement par pénalisation optique impose, au même titre que le traitement par occlusion, quelques préalables :

 Une connaissance exacte de la réfraction du sujet et de son évolution, ce qui nécessite des contrôles cycloplégiques réguliers,

 La prescription de la réfraction skiascopique totale,  Et enfin, le port permanant de la correction optique totale.

Actuellement elle se limite aux surcorrections hypermétropiques. On distingue la pénalisation de loin de la pénalisation légère.

 La pénalisation de loin

Elle peut être appliquée de façon monoculaire en portant toujours sur le même œil ou au contraire de façon alternée. L’objectif dans les deux cas étant l’obtention d’une dissociation sensorielle.

En monoculaire, une surcorrection optique positive de +3.00 dioptries en moyenne (pouvant aller jusqu’à 5 dioptries) est placée devant l’œil sain (non amblyope), l’œil amblyope étant uniquement équipé de la correction optique totale déterminée sous cycloplégique.

Cette pénalisation permet d’assurer en permanence la fixation préférentielle de l’œil amblyope en vision de loin, la vision de l’œil dominant étant brouillée par l’addition de +3.00 dioptries. Ainsi, l’activité qui est censée être la plus stimulante pour l’œil amblyope est privilégiée, sans possibilité de tricher sur la distance de travail.

Lorsqu’on constate une alternance spontanée d’œil fixateur en fonction de la distance de fixation, la fixation doit être obtenue de près par l’œil pénalisé (œil dominant), et à plus de deux mètres par l’œil non pénalisé ; on dit qu’il existe une balance spatiale positive. Dans ce cas, l’efficacité du traitement est réelle et la pénalisation se suffit à elle-même.

En revanche, si l’œil dominant conserve la fixation en vision de loin malgré l’addition, il sera nécessaire d’ajouter un cycloplégique qui permettra de supprimer la compensation accommodative de cet œil sans pour autant perturber la vision de près.

La pénalisation positive unilatérale permet également de lutter contre le facteur accommodatif puisqu’en vision de près, la fixation est prise généralement par l’œil dominant pénalisé dont l’accommodation n’est plus sollicitée.

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Une surcorrection positive placée alternativement devant un œil puis l’autre, provoque une prise de fixation alternée en vision de loin et en vision de près.

Cette pénalisation alternée nécessite la prescription de deux paires de lunettes. Une première paire permettant la fixation préférentielle de l’œil droit en vision de loin par addition d’une surcorrection positive sur l’œil gauche, les deux yeux étant équipés de la correction optique totale ; et une deuxième paire assurant à l’œil gauche la fixation en vision de loin, grâce à la surcorrection positive appliquée sur le verre correcteur droit.

L’alternance des deux paires pourra être symétrique, en changeant d’œil fixateur chaque jour (1jour/1 jour) ou asymétrique, un jour sur deux ou un jour contre plusieurs jours en fonction du degré de l’amblyopie initiale.

La pénalisation de loin est indiquée en traitement d’entretien, elle a pour but de maintenir une isoacuité spontanée ou acquise et de prévenir la récidive. Elle est cependant contre-indiquée en traitement d’attaque.

En cas d’amblyopie non encore constituée ou diagnostiquée et devant des facteurs de risque bien définis, la pénalisation de loin alternante semble l’indication optimale à la prévention.

 La pénalisation légère

La pénalisation légère est une technique de réassociation bi-oculaire ou binoculaire selon l’état sensoriel présent. Elle a pour but de favoriser l’association binoculaire en freinant la dominance. L’œil dominé reçoit la correction optique totale tandis qu’une surcorrection optique modérée de 0.5 à 1 dioptrie est appliquée sur l’œil dominant.

Elle est prescrite comme une pénalisation atténuée mais suffisante pour conserver la fixation de l’œil initialement amblyope dans le cas d’une amblyopie avec correspondance rétinienne normale.

Elle aura un intérêt en relais d’une pénalisation de loin, pour la conservation prolongée d’un traitement anti-dominance et sera utilisée comme préparation sensorielle avant le passage à la correction optique totale seule.

Le traitement par pénalisation nécessite, au même titre que les autres méthodes de traitement, une surveillance afin de s’assurer de son bon fonctionnement et de sa qualité. Cette surveillance repose sur l’examen sensoriel mais aussi l’examen moteur (le critère d’acuité visuelle seul n’est pas suffisant).

Sur le plan sensoriel on s’attache à relever le niveau d’acuité visuelle. Enfin sur le plan moteur, il s’agit de s’assurer de la réalité de la balance spatiale, qu’elle soit spontanée ou aidée par l’examen au cover test. De près, la fixation est obtenue et maintenue par l’œil pénalisé ; enfin de loin, la fixation est assuré par l’œil non pénalisé.

Le traitement par pénalisation optique sera à maintenir jusqu’à obtention durable de l’isoacuité et contrôle de la dominance oculaire. Elle devra être poursuivie :

 Jusqu’à l’âge de 7-8 ans en cas de bonne isoacuité avec prescription de la correction optique totale seule par la suite

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d) Les filtres Ryser (occlusion calibrée) [46]

Il s’agit d’un film plastique translucide granité (la face granité comporte la trame d’occlusion) collé sur la face interne du verre correcteur de l’œil sain (non amblyope). L'intérêt de ce filtre réside dans la capacité à quantifier le handicap nécessaire à imposer à l'œil bénéficiant de la meilleure vision afin que la fixation puisse être assurée et maintenue par l'œil à rééduquer. Ils sont gradués en fonction de l’acuité visuelle permise malgré le filtre (ils entrainent une réduction plus ou moins importante de l’acuité visuelle). Ils permettent donc une occlusion relative graduelle de l’œil fixateur dans la perspective d’une meilleure utilisation de l’œil amblyope.

La détermination théorique de l’intensité du filtre se fait à partir des données du bilan du patient. L’œil pénalisé doit voir entre 2 et 4/10ème de moins que l’œil amblyope afin de rendre ce dernier fixateur. Avant la prescription du filtre, il importe de s'assurer que la graduation retenue apporte bien les effets souhaités. Il convient donc de vérifier l'acuité visuelle ainsi obtenue, et de s’assurer de la prise de fixation par l’œil amblyope. Des ajustements d’intensité sont souvent nécessaires en cours de suivi.

Indiqués en traitement d’entretien, ils présentent de nombreux avantages dont celui d’être discret et esthétique et donc tolérable par le jeune patient. De plus ils permettent une union ou une vision binoculaire dans les cas où l’état sensoriel est préservé.

e) La pénalisation à l’atropine [47]

Cette pénalisation pharmacologique consiste à paralyser l’accommodation de l’œil dominant en instillant quotidiennement une goutte d’atropine 1%. Outre son action sur le muscle ciliaire, l’atropine entraîne également une mydriase aréactive qui participe déjà à la dégradation visuelle de l’œil sain, qui devient plus sensible aux aberrations optiques et aux phénomènes d’éblouissement (il existe un certain degré de pénalisation de cet œil dominant à toute distance). L’œil dominé, devenant fixateur, développe sa vision, préférentiellement de près, puis de loin.

Plusieurs études ont montré que l’efficacité de l’atropinisation serait globalement comparable à celle des techniques d’occlusion (pour des amblyopies modérées). De plus, elle présente l’avantage d’être tolérée lorsqu’aucune compliance au port du pansement occlusif n’a pu être obtenue. Il s’agit d’un traitement moins contraignant, n’entrainant pas de préjudice esthétique, permettant une bonne tolérance et une bonne observance. Aucun système de compensation n’étant possible, l’enfant ne peut tricher, ce qui permet au traitement d’être efficace. Bien entendue, il nécessite, au même titre que le traitement par occlusion, l’approbation des parents qui seront en charge de l’instillation du collyre et donc en grande partie responsable du bon déroulement de la prise en charge.

Cependant en cas d’amblyopie très profonde, l’instillation d’atropine ne suffit pas à obtenir la balance de fixation. Le patient maintient la fixation avec l’œil sain en dépit du trouble visuel induit par l’atropine, le traitement devient donc inefficace, voire potentiellement dangereux puisqu’il vient perturber la vision de l’œil sain qui reste fixateur. Dans ce cas, l’occlusion totale de l’œil sain reste le seul moyen efficace à la cure de l’amblyopie.

Enfin, elle peut être associée à une pénalisation optique en vue d’un meilleur résultat.

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