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Les différentes phases de l’histoire de l’autopartage

CHAPITRE 2 REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.1 L’autopartage

2.1.2 Les différentes phases de l’histoire de l’autopartage

Shaheen, Cohen et Chung (2009) proposent une revue de l’historique du développement de l’autopartage en Amérique du Nord, de son introduction initiale jusqu’à sa commercialisation à plus grande échelle. Ils proposent trois phases distinctes qui couvrent les années 1994 jusqu’à 2009. Cette section établit les faits marquants de ces phases.

2.1.2.1 Phase 1 – Entrée dans le marché et expérimentation

Cette phase se déroule entre les années 1994 et 2002. Durant cette phase les premiers acteurs rentrent dans le marché, dont notamment Communauto au Canada et CarSharing Portland aux États-Unis en 1998. Cette entrée dans le marché nord-américain a été principalement motivée par le succès, en Europe, d’opérateurs à la fin des années 80 et début 90. C’est surtout le

développement du modèle résidentiel qu’on a observé durant cette phase auprès des différents opérateurs (Shaheen, Schwartz et Wipyewski, 2004). Plus tard au début des années 2000, d’autres créneaux de marché sont investigués; on pense notamment aux marchés où l’on retrouve une forte densité d’emplois, de transport en commun et de nouveaux développements résidentiels (Leuty, 2002). La technologie présente dans les véhicules ainsi que pour effectuer les réservations n’était pas aussi développée qu’aujourd’hui. Ainsi, seulement la moitié des opérateurs disposaient d’un service de réservation par téléphone automatisé et des systèmes de cartes à puce dans les véhicules (Shaheen et Meyn, 2002). Au Canada, aucun opérateur ne disposait de telles technologies. Pour ce qui est des assurances, ces dernières restaient dispendieuses et représentaient même de 20% à 48% des dépenses de fonctionnement des opérateurs (Shaheen et al., 2004). Finalement, en 2001 on assiste à la première fusion dans le domaine, celle des compagnies CarSharing Portland et Flexcar (PRNewswire, 2001).

2.1.2.2 Phase 2 – Croissance et diversification du marché

Cette seconde phase, qui prend place entre 2002 et 2007, est caractérisée par une bonne croissance des opérateurs et la conquête de marchés non explorés à ce moment. En effet, déjà en 2003, certains opérateurs possédaient des activités dans plusieurs villes, permettant des économies d’échelle (Shaheen et al., 2009). Même qu’en 2006, Zipcar, compagnie d’autopartage lancée aux États-Unis, a étendu ses activités à l’international, en s’établissant au Canada (Toronto) et en Grande-Bretagne (Londres) (Kho, 2006). En 2004, la première flotte gouvernementale en autopartage voit le jour (Berkelye, 2004), ce qui permet de réduire les coûts annuels de la ville de Philadelphie de 1,8 million de dollars (City of Philadelphia, 2004). En plus de créer un groupe informel d’opérateurs d’autopartage en 2003, qui se rencontre annuellement, on ratifie le code d’éthique pour les organisations d’autopartage en Amérique du Nord (Communauto, 2007). Ce code d’éthique permet d’établir des standards quant aux pratiques des opérateurs, qui vont permettre de « […] protéger et de rehausser le concept, l’image et la crédibilité de l’autopartage. » (Communauto, 2007). Le nombre d’opérateurs en Amérique du Nord atteint 31, avec une flotte de 5 883 véhicules desservant environ 200 000 membres, comparé à 24 opérateurs ayant 766 véhicules pour 17 161 membres pour la phase 1 (Shaheen et al., 2009). Le développement de l’autopartage crée une certaine concurrence envers les compagnies de location automobile traditionnelles. Hertz, firme internationale dans cette

industrie, introduit en 2007 à New York et Boston un programme qui permet de louer un véhicule à l’heure (Hertz, 2015). Au niveau des assurances, les compagnies d’autopartage ont exprimé une certaine inquiétude à assurer de plus jeunes conducteurs (Shaheen, Cohen et Roberts, 2006). Même si cette inquiétude persiste, l’expansion de l’autopartage aux universités a permis une certaine acceptation de l’industrie par les jeunes (Shaheen et al., 2006). Au niveau technologique, plus de 70% des opérateurs au Canada et aux États-Unis ont mentionné avoir fait l’introduction de technologies avancées dans leurs flottes de véhicules et leur système de gestion (Shaheen et al., 2006).

2.1.2.3 Phase 3 – Commercialisation

Pour ce qui est de cette dernière phase recensée par les auteurs, qui se déroule de 2007 jusqu’en 2009 (année de la publication de Shaheen et al. (2009)), elle se caractérise notamment par la venue des grands joueurs de la location automobile traditionnelle. En effet, U-Haul lance U Car

Share en 2008 (Blanco, 2007), Enterprise lance WeCar en début 2008 (Enterprise, 2015), tandis

que Hertz lance Connect en fin 2008 (Market Wired, 2009). Le marché de l’autopartage est alors à un stade où les grandes entreprises redéfinissent leur stratégie pour profiter de ce marché. La diversification de l’offre de marché des opérateurs d’autopartage a continué de progresser, notamment dans le secteur éducationnel où en date de juillet 2008, plus de 130 collèges et universités aux États-Unis sont desservis par un opérateur d’autopartage (Shaheen et al. 2009). Certaines villes continuent de remplacer leurs flottes par les services d’un opérateur d’autopartage pour économiser des coûts, comme la ville de Vancouver (City of Vancouver, 2008) et San Francisco (San Francisco Office of Contract Administration, Bids and Contracts., 2008). Il y a même des ententes qui se produisent entre opérateurs où des clients peuvent accéder aux services d’autres compagnies lorsqu’à l’extérieur (concept de roaming) (Co-operative Auto Network, n.d.). Au niveau des technologies de l’information, les dispositifs embarqués de géopositionnement font leur arrivée (Shaheen et al., 2009). Avec la croissance des ventes de téléphones intelligents (Statista, 2016) et le développement d’applications destinées aux opérateurs, il est maintenant possible de localiser les véhicules en temps réel (Shaheen et al., 2009). Les primes d’assurances deviennent graduellement moins onéreuses pour les opérateurs qui ont de plus en plus d’expérience dans l’évaluation des risques pour bien élaborer leurs tarifs (Shaheen et al., 2009).

2.1.2.4 Phase 4 – L’entrée des constructeurs automobiles, l’émergence des systèmes à sens unique et l’utilisation des véhicules électriques à plus grande échelle

Cette phase est caractérisée par la venue de grands manufacturiers automobile comme opérateurs d’autopartage. Des grands joueurs comme BMW-Sixt, Bolloré, Daimler, Renault, Citroën sont parmi les acteurs importants, surtout en autopartage en sens unique (Fairley, 2013). Cet engouement par les constructeurs pour l’industrie de l’autopartage vient du changement de comportement de certains segments à l’endroit de la possession automobile, dont les millénaux. En effet, les constructeurs ont diversifié leur stratégie en offrant les voitures, non pas nécessairement comme un bien de consommation, mais bien comme un service de mobilité (Burden, 2015). Daimler lance le service car2go en Allemagne en 2008 (Daimler, 2008), BMW- Sixt quant à lui lance DriveNow en 2011 (Boeriu, 2011) également en Allemagne. Bolloré lance

Autolib’1

(Todd, 2011) en décembre 2011 à Paris, Renault en 2012 lance son programme Twizy

Way (Renault, 2012) tandis que Citroën lance son service en 2012 en Allemagne avec Multicity

(Michaux, 2012). Shaheen et al. (2009) mentionnaient déjà qu’il serait tout à fait raisonnable de voir la tendance de l’implantation de grandes firmes d’autopartage s’accentuer.

Cette période est également marquée par la croissance de l’implantation des schémas en sens unique auprès des opérateurs d’autopartage (Shaheen, Chan et Micheaux, 2015). En effet,

car2go, DriveNow, Autolib’, Twizy Way, Multicity sont tous basés sur des schémas permettant les

déplacements sans retour à l’origine. Durant cette période en 2013, Communauto lance un nouveau service, appelé Auto-mobile, qui est également basé sur ce principe (Communauto, 2013a). Ces nouveaux schémas sont plus flexibles pour les usagers, mais comportent leurs lots de difficultés opérationnelles pour les opérateurs (Martin, Shaheen et Lidicker, 2010). Le détail des schémas en sens unique ainsi que les avantages et inconvénients de ces modes sont exposés plus en détail dans le document à la section 2.2.3. Également, un virage vers des véhicules moins polluants fait son apparition. Même si les véhicules électriques ou hybrides ont déjà été utilisés auparavant, Shaheen et Cohen (2013) mentionnent que le plus grand changement observé au niveau des systèmes de propulsion des véhicules entre 2006 et 2010 a été le passage vers des technologies hybrides ou électriques.