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Les différentes expressions de l’efficience des protéines métabolisables

2. Les différentes expressions de l’efficience des protéines métabolisables

Cette partie discute des différents modes de calcul de l’efficience d’utilisation des PM. Ce calcul est réalisé pour répondre à deux objectifs : premièrement, dans le cas où la ration est connue et où les performances des animaux ont été mesurées, l’efficience d’utilisation des PM est un paramètre zootechnique permettant d’apprécier l’effet de la ration, expérimentalement, cela peut donc permettre de comparer l’effet de différents traitements ; deuxièmement, pour formuler une ration en fixant une efficience, cela permet de définir les apports nutritionnels nécessaires pour couvrir les besoins de l’animal.

2.1. L’efficience d’utilisation des protéines métabolisables : un ratio d’exportations et

d’apports

L’efficience d’utilisation des PM se définit comme le ratio entre des exportations protéiques et les apports en PM réellement utilisables pour assurer la synthèse des protéines exportées. Jusqu’en 2007, selon le système INRA, l’efficience d’utilisation des PM pour la production laitière, était le ratio des matières protéiques du lait et des apports en PM auxquels étaient retranchés les besoins d’entretien de l’animal :

EffPM_LAIT_INRA2007 = PL x TP

PM−ENTR.

Où EffPM_LAIT_INRA2007 est l’efficience d’utilisation des PM pour la production laitière selon INRA (2007), où PL est la production laitière en kg/j, où TP est le taux protéique en g/kg, où PM est l’apport en PM en g/j et où ENTR sont les besoins d’entretien en g/j calculés à partir du poids vif (PV) de l’animal (ENTR = 3,25 × PV0,75).

Néanmoins depuis 2007, plusieurs problèmes ont été identifiés dans l’expression proposée de l’efficience. Pour les besoins d’entretien, l’approche de 2007 ne prenait pas en compte les pertes azotées endogènes (qui représentent plus de 15 % du flux de protéines au duodénum) qui sont fonction, en plus du poids métabolique, du niveau d’ingestion. Cela entraînait une sous-estimation des besoins d’entretien des animaux ayant des niveaux élevés d’ingestion et donc une surestimation des PM réellement disponibles pour la production des matières protéiques du lait. L’efficience d’utilisation des PM de ces animaux était ainsi sous-estimée. Il a donc fallu intégrer les exportations de protéines non productives pour mieux prédire l’efficience d’utilisation des PM.

2.2. Des points communs et des différences dans la prédiction de l’efficience d’utilisation des

protéines métabolisables entre les systèmes d’alimentation

Dans leur rénovation (2018 pour INRA, 2015 pour CNCPS, 2011 pour NorFor et DVE/OEB, en cours pour NRC), plusieurs systèmes d’alimentation s’appuient maintenant sur la prédiction des différentes protéines exportées

22 précédemment décrites (§ 1.1.3) et attribuent à chaque fraction une efficience. Jusqu’à ces révisions récentes, les systèmes d’alimentation utilisaient une efficience fixe d’utilisation des PM variant entre 0,64 et 0,67. Le NRC (2001) et le CNCPS (Van Amburgh et al., 2015) le font toujours et fixent une efficience égale à 0,67, commune à toutes les protéines exportées (incluant l’azote urinaire endogène) exceptées les protéines endogènes fécales dont l’efficience est égale à 1. En revanche, les systèmes d'alimentation européens utilisent des efficiences variables mais communes pour toutes les protéines exportées (hormis les pertes endogènes urinaires dont l’efficience est fixée à 1; Sauvant et al., 2015; INRA, 2018), ou ont conservé une efficience fixe pour les fonctions non productives et une efficience variable des matières protéiques du lait (Van Duinkerken et al., 2011, Volden, 2011) . Dans le système INRA (2018), l’efficience d’utilisation des PM (EffPM) est calculée en considérant l’apport en PM en g/j, l’exportation (en g/j) des matières protéiques du lait (Mat. Prot. Lait), des protéines endogènes fécales (PEF), des protéines liées aux phanères (PHA), des protéines associées à l’excrétion d’azote urinaire endogène (NUE, en g/j), l’accrétion protéique lors de la croissance (CROIS, en g/j), en particulier pour les vaches primipares, et l’accrétion protéique lors de la gestation (GEST, en g/j), selon l’équation suivante :

EffPM= Mat.Prot.Lait+PEF+PHA+CROIS+GEST

PM−NUE .

Les systèmes d’alimentation ont établi des équations pour prédire les exportations des différentes protéines lorsque celles-ci sont difficilement mesurées (cf. § 1.3.1), comme c’est le cas en particulier des protéines endogènes fécales. Par régression, le système INRA (2018) estime les pertes endogènes fécales (PEF, en g/j) à partir de la MOND (en g/kg MS) et de la MSI (en kg/j) : PEFINRA = (5,7 + 0,074 MOND) × MSI (Eq. 4), tandis que l’équation retenue dans Lapierre et al. (2016) considère la concentration en NDF de la ration (en % de MS) et la MSI (en kg/j) : PEFLapierre2016 = (8,5 + 0,1 × NDF) × MSI (Eq. 5). En terme de besoins en protéines métabolisables, cette dernière équation, adaptée des travaux menés par Ouellet et al. (2002 et 2010) décrit dans le § 1.3.1, amène à des valeurs très proches (moins de 1% d’écart, Lapierre et al., 2018) de l’équation proposée par le système INRA (2018).

Très peu de données sont disponibles sur l’exportation des protéines liées aux phanères (PHA, en g/j) mais, il est admis que l’exportation de ces protéines dépend du poids vif (PV, en kg) de l’animal et tous les systèmes d’alimentation s’accordent à utiliser l’équation issue de Swanson (1977) pour l’estimer : PHA = 0,2 × PV0,6.

Dans INRA (2018), pour des vaches de moins de 40 mois, l’accrétion de protéines pour la croissance (CROIS, en g/j) est définie en fonction de l’âge (AGE en mois) de la façon suivante :

CROIS = 270 – 6,66 × AGE.

Les quantités de protéines mobilisées pour la gestation (GEST, en g/j) représentent des quantités significatives lors des trois derniers mois de gestation. Elles ont été estimées à partir des données de Ferrell et al. (1976) en considérant la semaine de gestation (SG) et le poids vif attendu du veau à la naissance (PVveau en kg) :

GEST = 0,0448 × PVveau × exp(0,111 × SG).

Eq. 6

Eq. 7

Eq. 8 Eq. 3

23 Enfin, quel que soit le système d’alimentation utilisé, il est admis que l’excrétion d’azote urinaire endogène (NUE) dépend du poids vif de l’animal et a été définie comme étant la perte azotée minimale dans les urines d’animaux recevant un régime sans apport protéique. Tous les systèmes d’alimentation étrangers (CNCPS, DVE/OEB, NorFor et NRC) ont basé l’estimation de cette fraction sur la publication empirique de Swanson (1977) : NUE = 2,75 × PV0,5 (NUE en g MAT/j et poids vif, PV en kg). Au contraire, le système français INRA (2018) a revu son estimation. Pour cela, Sauvant et al. (2015) ont établi une relation entre l’azote urinaire (corrigé de la fraction microbienne) et l’apport d’azote digestible et aboutissent à l’équation suivante pour prédire l’exportation de protéines associée à la perte d’azote urinaire endogène (en g/j) :

NUE = 0,31 × PV.

Avec une approche totalement différente de celle utilisée dans le système INRA (2018), des facteurs multipliant le poids vif très proches ont été proposés par Lapierre et al. (2016): 0,33 vs. 0,31.

De plus, l’apport de PM peut être modulé selon les variations des réserves corporelles (CORP) de l’animal associées au bilan énergétique dans le système INRA (2018). Il est considéré que la mobilisation des réserves corporelles est à l’origine d’un apport d’ENL mais également de PM (équivalent à 33 g par UFL). Ces variations d’apports sont prises en compte dans le calcul des bilans énergétiques et protéiques du système INRA (2018) et également dans l’efficience puisque l’apport de PM s’en trouve modifié. Ainsi, si la variation des réserves corporelles est positive, cela revient à une reconstitution des protéines corporelles qui constitue une « exportation » protéique supplémentaire. L’équation de l’efficience contient donc un nouveau membre à son numérateur et est la suivante :

EffPM=Mat.Prot.Lait+PEF+PHA+ CROIS+GEST+CORP

PM−NUE .

Au contraire, si la variation des réserves corporelles est négative, l’animal mobilise ses réserves corporelles, ce qui constitue un apport supplémentaire en protéines. L’efficience s’exprime alors comme ci-dessous :

EffPM= Mat.Prot.Lait+PEF+PHA+CROIS+GEST

PM+|CORP|−NUE .

Ainsi, dans le système INRA (2018), la mobilisation et la reconstitution de réserves protéiques corporelles sont basées sur le bilan énergétique. S'il est vrai pour la plupart des régimes qu'un déficit en protéines est souvent associé à un bilan énergétique négatif (principalement dû à une faible MSI ne fournissant pas suffisamment de nutriments), il paraît assez difficile d’utiliser ce calcul dans le cas de régimes expérimentaux faisant varier en factoriel des niveaux d’apports en PM et en ENL et pouvant créer des distorsions entre les niveaux d’apports, un haut niveau d’apports en ENL avec un bas niveau d’apports en PM par exemple. Dans ce cas, bien que le bilan énergétique soit positif, il paraît peu probable, qu’à bas niveau d’apports en PM, l’animal reconstitue des réserves corporelles. D’autres indicateurs de mobilisation des réserves nécessitent donc d’être utilisés comme par exemple les variations de poids vif ou des concentrations plasmatiques d’acides gras non estérifiés ou de 3-méthyl-His.

Eq. 9

Eq. 10

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2.3. Effets de l’alimentation sur l’efficience d’utilisation des protéines métabolisables

La prise en compte de toutes les protéines exportées dans le calcul de l’efficience est un concept assez récent (Lapierre et al., 2007) et les études relatant les effets d’apports nutritionnels ont jusqu’alors plutôt présenté leurs résultats en terme d’efficience d’utilisation des PM pour la synthèse des matières protéiques du lait (c’est-à-dire matières protéiques du lait/apports en PM) ou en terme d’efficience azotée (azote du lait/azote ingéré). Les augmentations d’apports en PM entraînent généralement une diminution de l’efficience d’utilisation des PM liée à une augmentation des matières protéiques du lait moindre que l’augmentation des apports en PM. Par exemple, pour une vache laitière multipare à 96 j de lactation, produisant 34 kg/j de lait à 802 g/j de matières protéiques du lait et ingérant 1922 g/j de PM, l’efficience azotée est égale à 0,41 et diminue d’environ 6 % lorsque les apports en PM augmentent de près de 600 g/j (Raggio et al., 2004). Cette diminution de l’efficience se traduit également par une augmentation potentielle de l’excrétion d’azote uréique urinaire, indice du catabolisme des AA, comme l’ont montrée Raggio et al. (2004) lors d’apports croissants en PM. La correction du profil en AAI alors que l’apport total en PM reste constant, augmente l’exportation de matières protéiques du lait et permet d’augmenter l’efficience d’utilisation des PM pour la synthèse des matières protéiques du lait d’environ 4 % (Haque et al., 2012a, Haque et al., 2015) et de diminuer l’excrétion d’azote urinaire (Lee et al., 2012a, Haque et al., 2015). De même, dans les essais de supplémentation en ENL, où les apports en PM sont relativement constants, l’augmentation des matières protéiques du lait s’accompagne par conséquent d’une augmentation de l’efficience. Pour une vache laitière produisant 34,7 kg/j de lait à 1080 g/j de matières protéiques du lait et ingérant 34,6 Mcal/j, l’efficience azotée est égale à 0,34 et augmente d’environ 5 % lorsque les apports en ENL augmentent de près de 3,7 Mcal/j (Rius et al., 2010b). Enfin, dans des régimes iso-énergétiques, la substitution de la nature de l’énergie (fibres vs. amidon), si elle modifie l’apport en PM, pourrait affecter l’efficience. Cependant, par rapport à des régimes à base de fibres, les régimes riches en amidon présentent une efficience azotée plus élevée (environ 3 %, Cantalapiedra-Hijar et al., 2014a) qui serait reliée au métabolisme post-absorptif. Cette augmentation de l’efficience ne serait pas la conséquence d’une épargne en AA utilisés à des fins énergétiques mais plutôt d’une diminution des besoins énergétiques des tissus drainés par la veine porte avec des régimes à base d’amidon. En effet, d’autres études avaient montré que des régimes riches en fibres (NDF) induisaient une augmentation de la taille de l’ensemble des tissus drainés par la veine porte (Han et al., 2002) et donc une augmentation des dépenses énergétiques de ces tissus (Reynolds et al., 1991, McLeod et al., 2000).

- Augmenter les apports en PM (apports totaux d’AA) diminue l’efficience d’utilisation des PM, au contraire,

équilibrer les rations en AA ou augmenter les apports en ENL augmente cette efficience. L’équilibre entre PM et ENL est essentiel.

- Peu d’études sur l’utilisation des AA par les différents tissus pour expliquer les variations d’efficiences.  Besoin d’investiguer la « boîte noire » pour comprendre l’utilisation des AA individuels.

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3. Les variations d’efficiences peuvent s’expliquer par des modifications du