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Les courants réalistes

Dans le document Droit et sciences sociales (Page 82-88)

Les théories réalistes visent à développer une démarche d’observation des comportements liés au droit, à la constitution des règles juridiques et aux rapports entretenus avec celles-ci. En mettant l’accent sur la dimension pragmatique et procédurale des choses et en laissant de côté déterminisme, idéalisme et normativisme, elles insistent donc sur la dimension pratique de l’activité juridique.

X.1. Le réalisme américain

Le courant réaliste est, aux États-Unis, à l’origine d’analyses critiques aujourd’hui classiques du fonctionnement de la justice. Il se situe en réaction contre le formalisme et les théories du laisser-faire qui prévalaient outre-Atlantique au début du XXème siècle et dans un mouvement favorable à l’ancrage de la philosophie, des sciences sociales et du droit comme dans une démarche empirique. Le but était de résoudre pratiquement des problèmes sociaux concrets. Dans ce contexte, Holmes, un membre de la Cour suprême américaine, joua un rôle particulièrement important. Pour lui, la vie du droit est faite d’expérience vécue autant que de logique et le droit n’est autre que la capacité de prévoir ce que les tribunaux vont décider. Il s’agit donc d’une affaire empirique et pragmatique qui porte principalement sur l’étude des procès et des professions juridiques. Dans le sillage des réflexions de Holmes, plusieurs juristes entreprirent les premières recherches empiriques dans le domaine du droit et des institutions judiciaires. Ces recherches aboutirent à l’émergence d’un courant connu sous le nom de réalisme juridique américain. Celui-ci se divise en deux tendances principales. D’une part, la tendance des réalistes sceptiques à l’égard des règles, « qui considèrent l’incertitude juridique comme résidant principalement dans les règles de droit ‘sur papier’ et qui cherchent à découvrir des uniformités dans le comportement judiciaire véritable ». De l’autre, la tendance des réalistes sceptiques à l’égard des faits, « qui pensent que l’imprédictibilité des décisions des tribunaux réside avant tout dans le caractère insaisissable des faits » (Freeman, 2001 : 803-804). S’attachant à montrer que la décision judiciaire n’est pas principalement une opération déductive, les tenants de ces deux formes de scepticisme se rejoignent dans leur volonté de resituer l’action dans un contexte social et psychologique plus large. Le contexte d’énonciation devient dès lors primordial.

Jerome Frank est l’auteur de Courts on Trial, l’ouvrage classique du courant des réalistes sceptiques à l’égard des faits (Frank, 1950). Pour cet auteur, il est faux de penser que des faits passés puissent être restitués à partir de ce qui se dit dans une enceinte judiciaire. Les tribunaux prennent leur décision sur la base de techniques d’extraction de la vérité, mais celle- ci s’avère faillible pour différentes raisons : les sens humains sont susceptibles de mal percevoir, la mémoire est souvent l’objet d’une reconstruction et le contexte d’énonciation du témoignage influence lourdement celui-ci (« Les réactions des juges d’instance ou des jurés au témoignage sont empreints de subjectivité. Nous sommes donc confrontés à une subjectivité superposée à une subjectivité » - op.cit. : 22).

La théorie Gestalt

Pour Jerome Frank, le juge décide de la réalité des faits en fonction de ce qui lui semble être une preuve suffisante, dans une démarche à la fois intuitive et holistique, à la manière de la théorie Gestalt (de l’allemand gestalt qui signifie « forme ») :

« Toute pensée est faite en formes, en schème, en configurations. Une réponse humaine à une situation est un ‘tout’ […] C’est une entité organisée qui est plus grande que la somme de ce qui, à l’analyse, apparaît comme ses parties, qui en est différente. L’illustration favorite des

gestaltistes est celle de la mélodie […] La mélodie, un schème, détermine la fonction des notes, ses parties ; les notes, les parties, ne déterminent pas la mélodie »

Jerome Frank, Courts on Trial. Myth and Reality in American Justice, Princeton, Princeton University Press, 1950, pp. 170-171

Pour Frank, le juge exprime une représentation des faits tels que son esprit la conçoit et cette représentation n’est pas nécessairement exacte. Mais, en fait, ce n’est pas tant la question des faits et de leur exactitude qui, pour les réalistes de la tendance de Frank, mérite toute l’attention (et donc le syllogisme judiciaire de l’application de la règle générale et abstraite aux faits particuliers et concrets), mais plutôt la question de la relation pragmatique entre les faits identifiés et les conséquences qui doivent en être tirées. Dans ce cadre, le langage occupe une place fondamentale. Pour Frank, « le processus décisionnel [du jugement], tout comme le processus artistique, implique des sentiments que les mots ne peuvent capturer » (op.cit. : 173).

Karl Llewellyn est la figure majeure du courant des réalistes sceptiques à l’égard des règles. Son réalisme est, à l’origine, radical, d’une nature très comparable à celui que l’on observe chez Brian Tamanaha (voir dernière section du chapitre) ou chez les ethnométhodologues (cf. ch. XIII) : « Ce que ces officiels (juges, sheriffs, secrétaires, gardiens, avocats) font face à des conflits, c’est, à mon avis, le droit lui-même » (Llewellyn, 1951 : 12). Plus tard, Llewellyn s’est principalement intéressé à la capacité d’utiliser les règles juridiques pour prévoir l’issue des affaires en justice, ce qu’il appelle l’« escomptabilité du résultat ». Dans son ouvrage sur la tradition de la Common law, il analyse la part de créativité des juges. Loin de la restreindre aux grandes affaires où le juge fait face au caractère incertain de la loi, Llewellyn souligne que « cette créativité est plutôt une affaire de tous les jours, une affaire propre à n’importe quel cas, qui peut parfaitement n’être en rien consciente » (Llewellyn, 1960 : 190). La prédictibilité des résultats, leur escomptabilité, n’est pas une fonction mathématique, mais repose sur des éléments nettement moins tangibles : le sentiment que la décision s’accorde au système juridique, qu’elle se moule dans l’ensemble du droit en place plutôt qu’elle n’en aggrave les tensions. Cette question du caractère juste et approprié d’une décision est fonction d’une appréciation ex post de son adéquation. Si certitude il peut y avoir quant à la justesse d’une décision (qui rejoint ici sa justice), c’est « cette certitude qui, après l’événement, fait que gens ordinaires et juristes reconnaissent que le résultat atteint, aussitôt qu’ils le voient, quelle qu’ait été la difficulté pour l’atteindre, est le résultat juste. C’est alors que les gens le ressentent pour cela comme quasiment inévitable » (op.cit. : 185 et suiv.). L’appréciation de la justesse d’une décision s’opère à partir de la perception d’une situation, qui n’est pas fonction d’un savoir technique, mais d’un sens commun du droit, d’une culture juridique dont l’acquisition est moins le fruit d’un apprentissage livresque que des interactions sociales et professionnelles de la pratique juridique quotidienne. C’est pour cela que le droit a besoin « d’hommes – une cour – justes, éduqués, prudents, sages, pour trouver, au milieu du matériau encore fluide du soleil juridique, la réponse qui sera satisfaisante, lui donner corps et solidifier ainsi partiellement un nouvel élément qui servira de point de départ à de nouveaux développements » (op.cit. : 185). C’est dans le droit naturel que Llewellyn entend trouver la source d’inspiration, droit naturel qu’il appartient aux juristes de transformer en règles juridiques applicables. Llewellyn et les tenants du droit naturel se rejoignent ainsi dans leur opposition au positivisme, « en ce sens qu’ils affirment qu’on ne peut rendre compte du droit dans les termes de règles promulguées par des sources institutionnelles seulement » (Jackson, 1996 : 166).

Le réalisme juridique scandinave tend à considérer le droit en termes de « sentiment d’obligation » produit par le langage. Contrairement à la théorie du commandement des positivistes qui, à la suite d’Austin, considèrent le droit comme le produit de la volonté d’une autorité, des auteurs comme Axel Hägerström et, plus encore, Karl Olivecrona prêtent davantage attention à l’effet d’un commandement sur son destinataire. En conséquence, l’accent est mis sur la perception de l’énoncé juridique en sa qualité d’ordre et sur la formulation linguistique qui traduit cet ordre. Olivecrona parle de certaines de ces formulations comme d’« impératifs voilés », par quoi il entend que l’ordre n’est pas adressé à une autre personne directement, mais qu’il n’en demeure pas moins un impératif dans la mesure où l’énoncé des mots est destiné à produire un changement de comportement chez autrui (Olivecrona, 1971 : 218). Hägerström, qui était à la fois philosophe et historien du droit, s’est quant à lui appuyé sur des études concernant le recours à la magie dans la Rome ancienne pour montrer que celle-ci visait à « la production d’effets désirés autres que ceux propres à la causalité naturelle » (Hägerström, 1953 : xvii). Ainsi en va-t-il également du droit primitif, dans lequel certaines cérémonies passent par l’usage de mots qui, bien qu’ils n’ordonnent pas un comportement à leur destinataire, créent un nouvel état des choses. Ils créent un lien juridique. Sur la base de ce constat que les mots ont la capacité de produire un « lien juridique », Hägerström en déduit que cela tient au fait que l’énonciation d’une phrase produit des « états psychologiques ». Le juge, quand il applique le droit, n’est pas engagé dans une opération syllogistique, mais dans un acte de volonté qui procède d’une attitude psychologique à l’égard d’une norme.

Pour Olivecrona, le jugement de valeur résulte « de l’association d’un sentiment de plaisir avec l’idée de réalité d’une action » (Olivecrona, 1953 : xi). La valeur est de la sorte envisagée comme l’imputation d’une qualité à une action sous couvert d’une objectivité que traduit l’usage linguistique de l’indicatif.

Enoncés juridiques et véridiction

Rejetant toute métaphysique du système juridique, Karl Olivecrona, éminent représentant du réalisme scandinave, s’attache à étudier l’élément émotionnel de l’obéissance au droit et pose le principe que les énoncés juridiques sont toujours fondés sur une appréciation :

« Les énoncés affirmant l’‘existence’ de droits, devoirs et qualités juridiques […] ne peuvent être considérés comme vrais ou faux. Ils sont toujours établis sur une appréciation. […] Bien qu’ils apparaissent ouvertement comme des propositions concernant des réalités objectives, ils ne sont en fait que l’imputation de droits, devoirs et qualités juridiques conformément à certaines règles. […] En dépit des apparences, ce ne sont pas des énoncés sur des réalités à l’intérieur du système [juridique] ; ils constituent une partie de l’usage régulé du langage qui permet au système de fonctionner »

Karl Olivecrona, Law as Fact, Londres, Stevens, 1971 (2e édition), pp. 261 et suiv.

Le propre du phénomène normatif réside dans l’émergence d’un sentiment d’obligatoriété doté de qualités performatives. Ce sentiment procède de l’effet suggestif de la forme impérative qui est d’autant plus important qu’il existe un pouvoir qui la soutient (Olivecrona, 1939 : 155). Les réalistes scandinaves recourent ici à l’idée d’« intériorisation » pour expliquer qu’une obligation soit ressentie et évoquée sans qu’une pression externe directe et explicite n’ait été exercée. L’intériorisation agit mécaniquement : « L’attitude du public est – dans des circonstances normales – si rigide et uniforme que l’effet psychologique de l’acte législateur prend place en douceur, sans aucun effort particulier de la part de ceux qui décident de la loi » (op.cit. : 54). Olivecrona attribue ce phénomène à l’association de

certaines formules et du sentiment de pouvoir qui les accompagne, association qui a survécu à la signification originale des formules. Il considère, par ailleurs, qu’une distinction doit être établie entre le processus par lequel les officiels reconnaissent le caractère obligatoire (obligatoriété) des actes et le processus par lequel les citoyens ordinaires la reconnaissent. Les officiels sont au contact de l’acte de promulgation, c’est donc celui-ci qui déclenche les sentiments de compulsion ; les citoyens ne sont pas au contact de cet acte, c’est la notion plus diffuse de droit qui déclenche alors leurs sentiment : « Les textes les atteignent sous l’appellation officielle de loi et c’est suffisant. L’appellation de loi, quand elle est supposée s’appliquer correctement, véhicule avec elle l’implication que les règles de conduite contenues dans le textes sont obligatoires pour tout le monde » (Olivecrona, 1971 : 131). De manière plus générale, Olivecrona distingue ainsi entre le contenu sémantique (ideatum) des règles juridiques et la communication de leur autorité (imperantum). Cette dernière suppose des modalités d’énonciation (ton et attitude de commandement) aussi bien que de réception (disposition à l’écoute et à l’obéissance). Énonciation et réception des règles opèrent au travers de modèles d’action : les règles sont « des idées d’actions imaginaires dans des situations imaginaires », tandis que leur mise en œuvre par le juge est un processus consistant à « prendre ces actions imaginaires pour modèles » (Olivecrona, 1939 : 29).

Cherchant à combiner le réalisme scandinave initial, qui considère le droit en termes de sentiments de compulsion, et un point de vue analytique sur la logique des normes, Alf Ross, un pionnier de la logique déontique, prolonge les travaux d’Olivecrona sur la constitution et de la mise en œuvre des modèles d’action organisés par la loi. Ross distingue, à cet effet, le sentiment de compulsion des gens à l’égard de la loi et le contenu abstrait des normes (le comportement qu’elles ordonnent, interdisent ou permettent). Il établit une séparation nette entre l’activité consistant à suivre une règle et l’interprétation des activités d’autrui dans les termes d’une pratique particulière. Par ailleurs, en prenant soin de distinguer les décisions judiciaires et la doctrine, il fait observer que la norme créée par le juge consiste en une injonction de faire ou de ne pas faire, appuyée par une sanction, alors que le concept juridique de la doctrine est une facilité de langage permettant de décrire le droit (Ross, 1958). Pourtant, loin de n’avoir de propriété que purement descriptive, ces concepts doctrinaux en arrivent à véhiculer une connotation morale contribuant à leur effectivité (Jackson, 1996 : 143). Ross fait reposer l’administration de la justice, que ce soit dans des affaires difficiles (hard cases) ou dans des affaires faciles (soft cases), sur un acte de volition. Ce dernier ne peut être opéré mécaniquement et, en ce sens, la décision de justice procède davantage de la justification que de l’interprétation. Le juge est, en effet, « un être humain qui exécute attentivement sa tâche sociale en prenant les décisions qu’il pense être ‘bonnes’ dans l’esprit de sa tradition juridique et culturelle » (Ross, 1958 : 116). De cette manière, droit et morale se recoupent dans le processus judiciaire où la façade justificative ne reflète pas nécessairement le substrat décisoire. Les maximes d’interprétation sont, dans ce contexte, « les mises en œuvre d’une technique permettant au juge, dans certaines conditions, d’aboutir à une conclusion qu’il trouve souhaitable dans les circonstances et d’en même temps maintenir la fiction d’adhésion simple aux règles et principes objectifs d’interprétation » (op.cit. : 152). Le raisonnement juridique n’est donc pas autonome, mais il est informé culturellement et socialement de part en part.

X.3. Une théorie sociojuridique réaliste

Fort récemment, Brian Tamanaha a entrepris, à contre-courant des thèses anti- fondationnalistes en vogue, d’identifier et de développer les fondations nécessaires à l’étude scientifique du droit. Cela suppose, tout d’abord, d’accepter l’idée d’une réalité extérieure indépendante de nos facultés de perception et d’entendement. S’appuyant sur la tradition

philosophique pragmatique et recourant à une sociologie à la fois behaviouriste et interprétativiste, Tamanaha s’oppose radicalement à la tradition des Critical Legal Studies et montre comment l’étude du droit est une affaire de normes et de pratiques. Son propos réduit à néant les tentatives d’assimilation du droit à la notion de contrôle social. Il s’agit là, pour Tamanaha, de parodies de description du droit.

Le droit est ce à quoi nous attachons l’étiquette de droit (Brian Tamanaha)

« Ce qu’est et ce que fait le droit ne peut être saisi en un concept scientifique unique. Le projet visant à concevoir un concept scientifique du droit était basé sur la croyance erronée que le droit englobe une catégorie fondamentale. Au contraire, le droit est un produit culturel de part en part qui est dépourvu de toute nature essentielle universelle. Le droit est ce à quoi nous attachons l’étiquette de droit ».

Ceci ne signifie pas que l’on doive renoncer à l’analyse conceptuelle, mais bien qu’il faille abandonner l’idée d’un concept de droit unique et universel. La catégorie de droit recouvre toute une « variété de phénomènes aux facettes et fonctions multiples : le droit naturel, le droit international, le droit primitif, le droit religieux, le droit coutumier, le droit étatique, le droit populaire, les droit des gens, le droit indigène. […] Du droit de l’État du Massachusetts au droit des Barotse, du droit de l’Allemagne nazie au procès de Nuremberg ».

Brian Z. Tamanaha, Realistic Socio-Legal Theory: Pragmatism and A Social Theory Of Law, Oxford, Clarendon Press, 1997, p. 128

À l’instar de Hart, Tamanaha reconnaît au droit étatique une sorte de nature paradigmatique, mais sans exclusive ; il existe de nombreux cas limites auxquels il ne serait pas justifié de dénier la qualité de droit. En fait, il convient d’injecter dans la théorie juridique le plus possible d’éléments tirés de l’étude empirique de ce type de phénomènes. S’il est un point qui réunit toutes les perspectives dont Tamanaha s’inspire, c’est l’affirmation sans ambiguïté de l’importance centrale des pratiques sociales : « Pour faire la différence [avec les théories sociojuridiques en vogue], il faut abandonner l’idée que la théorie peut gouverner d’au-dessus et il faut s’attaquer aux pratiques telles qu’en elles-mêmes » (op.cit. : 252). Pour ce faire, Tamanaha montre comment dépasser la distinction interne/externe, dans l’étude des phénomènes juridiques, en recourant à la notion de pratique. Les règles, par exemple, sont à la fois des propositions logiques et des « anticipations, réactions et attentes d’autres personnes dans le contexte social et intersubjectif de l’action dans une ‘forme de vie’ » (op.cit. : 158). À ces formes de vie – y compris le système juridique d’une société donnée – sont associés des ensembles de pratiques qui partagent un air de famille, par un arrière-plan de compréhension partagé, par un halo de significations communes.

Plutôt donc que de chercher à élever le droit au rang d’instrument analytique, Tamanaha suggère d’en revenir à l’observation des pratiques sociales tournant autour de phénomènes auxquels l’étiquette de droit est apposée. Une telle approche présente, pour cet auteur, de nombreux avantages. Outre le fait que, tout d’abord, elle permet de surmonter l’incapacité à faire la différence entre des normes juridiques et des normes sociales, elle fournit des critères utilisables pour distinguer un système juridique de situations de pluralisme normatif. Elle incite ensuite à étudier toutes les formes de droit reconnues comme telles dans un contexte social particulier « dans leurs manifestations concrètes et dans leurs relations avec d’autres formes de droit existant dans ce contexte social, ainsi que dans leurs points de comparaison avec les catégories générales de types de droit ou de manifestations du droit dans d’autres contextes sociaux » (Tamanaha, 2001 : 199). Enfin, cette approche ne perd pas de vue le fait qu’il peut y avoir des formes de droit qui ne sont pas ou peu liées à l’État. Tamanaha

considère que cela lui permet de fournir une théorie non idéologique de la nature plurale du droit, là où le pluralisme juridique a échoué (cf. chapitre III) : « À vrai dire, un mérite de cette approche – ce qui la rend non essentialiste – c’est qu’elle est totalement dépourvue de présuppositions sur le droit (au-delà de la présupposition négative qu’il n’a pas d’essence). Tout est laissé ouvert à l’investigation empirique et la construction de catégories et l’analyse font suite à cette investigation. Un autre mérite significatif […] est qu’elle porte un regard aigu et non sentimental sur toutes les manifestations du droit et types de droit » (op.cit. : 200).

On peut se demander si Tamanaha échappe totalement à l’écueil définitionnel qu’il identifie. Bien qu’il fasse remarquer que le droit est ce à quoi les gens se réfèrent comme du

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