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Chapitre 2 La conception d’Astus

2.1.1 Les connaissances procédurales

Comme dans UV et dans la plateforme TOTS, les éléments procéduraux d’Astus forment un HTN; Astus hérite de la nomenclature d’UV, c’est-à-dire qu’un HTN est constitué de buts (intentions79), de procédures complexes (plans ou méthodes80) et de procédures primitives

78 Au sens d’un « ontological commitment » [74].

(actions). Il est important de ne pas confondre le sens d’un but dans les HTN, c’est-à-dire une intention, avec celui qu’on retrouve plus généralement en IA, c’est-à-dire un état81. Puisque

satisfaire une intention (p. ex. « aller à Montréal ») peut aussi, plus ou moins directement, permettre l’atteinte d’un état (p. ex. « être à Montréal »), les buts représentant des intentions sont plus expressifs que les buts représentant des états (p. ex. il est difficile à l’aide d’états seulement d’exprimer « faire l’aller-retour Montréal – Sherbrooke ») [96]. Fait à noter, bien que nous présentons les buts avec les connaissances procédurales pour alléger le texte, ils sont en fait des éléments de connaissance sémantique (nous y revenons au chapitre 4).

Les HTN, comme les systèmes de production facilitent l’obtention d’un comportement non déterministe (c’est-à-dire la fouille de toutes les actions possibles dans l’état courant en fonction de l’état initial et des actions passées) qui est nécessaire pour le suivi de l’apprenant propre aux MTT [255].

Contrairement aux HTN d’Andes, ceux d’Astus (comme ceux de TOTS et d’UV) correspondent à la réalisation complète d’une tâche; autrement dit, ils sont autosuffisants, c’est-à-dire qu’ils peuvent être interprétés directement, sans passer par un SABC comme celui d’Andes. Ces HTN équivalent donc à des systèmes de production hiérarchiques, c’est-à- dire des systèmes de production où la LHS des règles contient un but82; un exemple de

système de production hiérarchique est l’architecture cognitive ACT-R (ce qui n’est pas nécessairement avec les CT, comme nous l’avons indiqué au chapitre 1).

Avant d’examiner les avantages de tels HTN dans le contexte des MTT, il est important de considérer qu’il y a deux conditions à remplir pour qu’un tel HTN existe et qu’il soit suffisant pour les besoins du module expert. Premièrement, la tâche doit être bien définie, et deuxièmement, l’évaluation de l’apprenant doit être serrée, c’est-à-dire comparable à celle que l’on retrouve dans les MTT, et dans les CT en particulier (considérant qu’Andes/ST est

80 Dans la littérature, quand on distingue méthodes et plans, c’est que les premiers génèrent les derniers en

fonction d’une instance de la tâche. Or, puisqu’on retrouve également dans la littérature les notions de plans conditionnels [201] et itératifs [136], les deux termes sont, en pratique, équivalents.

81 Dans la littérature des agents BDI, on parle respectivement de « perform goals » et de « achieve goals » [73]. 82 De plus, la RHS d’une règle ne doit pas pouvoir à la fois introduire des sous-buts et modifier la WM/KB.

un exemple de MTT qui offre une évaluation plus souple). Les travaux sur Steve, qui découlent de TOTS, ont exploré la possibilité de réduire cette limitation, nous y revenons au chapitre 5.

Pyrenees [54], contrairement à Andes, guide l’apprenant selon une méthode de résolution particulière qui correspond à un HTN tel que défini précédemment. En effet, la méthode appliquée par Pyrenees consiste à choisir le prochain principe à appliquer en observant l’équation qui en découle pour voir si elle permet de trouver la valeur d’une variable inconnue (préférablement celle qui est recherchée dans le problème) en évitant de faire apparaitre trop de nouvelles variables inconnues.

On peut remarquer que le modèle de Pyrenees semble s’inscrire dans le paradigme du tuteur. Or, il ne supporte qu’une stratégie qui consiste à choisir le prochain principe à appliquer exclusivement en fonction de connaissances procédurales supposées maitrisées (c.-à-d. résoudre un système d’équations) plutôt qu’à l’aide d’euristiques exprimées à l’aide de connaissances de la physique ou des probabilités. Par conséquent, nous considérons que Pyrenees s’inscrit minimalement et implicitement dans le paradigme du tuteur (à défaut de considérer qu’il s’inscrit dans le paradigme de l’apprenant).

Dans le cas d’Astus, on parle plutôt d’un graphe procédural d’Astus (un DAG83) plutôt que

d’un HTN. Une telle structure permet de regrouper les tâches (autrement dit, les buts racines correspondants) qui partagent des sous-tâches (autrement dit, des sous-buts).

De façon à s’inscrire dans le paradigme du tuteur, le graphe procédural d’Astus ajoute à la structure classique des HTN des structures de contrôle explicites (séquence, sélection et itération) qui correspondent aux instructions abstraites et généralisées (Figure 13). Bien qu’UV propose d’ajouter des structures de contrôle aux scripts84 qui définissent les

procédures complexes, le rôle de ces structures n’était pas de supporter explicitement le paradigme du tuteur. Il est important de considérer d’une part que si on s’inscrit dans le

83 « Directed Acyclic Graph »

paradigme de l’expert, ces structures peuvent être considérées comme du sucre syntaxique. En effet, l’avantage d’une telle structure est son expressivité85. D’autre part, si on s’inscrit

dans le paradigme de l’apprenant, ces structures peuvent être embarrassantes puisqu’elles ne correspondent pas nécessairement aux processus mentaux de l’apprenant.

Figure 13 - Un graphe procédural abstrait (les sous-buts 2, 3 et 1.1.1 ne sont pas développés pour alléger la figure).

En effet bien que de nombreux travaux en psychologie cognitive [11, 64, 65, 66, 183, 186] appuient la hiérarchisation des connaissances procédurales (comme les HTN classiques ou les systèmes de production hiérarchiques), très peu, à l’exception de Sierra86 [256, 257]

introduisent de telles structures de contrôle (Sierra propose un modèle cognitif de la soustraction en colonnes où la présence d’une structure d’itération bornée est justifiée parce qu’elle explique des erreurs commises par des apprenants lors d’études empiriques). Par

85 En pratique, puisqu’en principe les HTN et les systèmes de production sont équivalents (Turing-complet). 86 Sierra est dérivé de « Repair Theory » [44] qui découle des travaux sur IDEBUGGY et ses prédécesseurs

conséquent, c’est en se plaçant dans le paradigme du tuteur que l’ajout de structures de contrôle prend tout son sens. En effet, l’ajout de ces structures permet de générer des interventions plus précises (nous y revenons au chapitre 4) que la structure classique des HTN, que l’on retrouve dans TOTS, qui ont deux structures de contrôle élémentaires87 : le

« OU » (choix arbitraire d’une des procédures pour satisfaire un but) et le « ET » (plusieurs sous-buts à satisfaire pour compléter une procédure et satisfaire son but)88.