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Chapitre 3 – Les documents audiovisuels numériques d’archives (DANA)

3.2. La complexité du concept de document

3.2.5. Les composantes du document : contenu, forme, contexte

Dans le domaine de la gestion des documents audiovisuels numériques et dans celui de l’archivistique, les composantes principales du document sont le contenu et le contenant (Couture, 1996, p. 475; Edmondson, 2016, p. 20; Gouyet et Gervais, 2006, p. 4-576) – ce

dernier concept étant inclus dans celui de forme – auxquelles s’ajoute le contexte (Couture, 1998, p. 1577). Les aspects du contenu et de la forme auxquels s’ajoute celui du contexte de

création, d’utilisation et de conservation servent aussi de fondement pour définir les genres de documents (Gagnon-Arguin et al., 2015, p. 3). Toujours en archivistique, plusieurs sources citent les trois composantes du document d’archives numérique, proposé par le Conseil

international des archives (ICA, 1997, p. 22)78, contenu (information ou donnée), contexte (par

ex., la relation entre les documents et leur créateur) et structure (par ex., la façon dont est

75 Pour Carol Couture, les deux composantes du document d’archives, sont le « contenu/information » et le

« contenant/support » (Couture, 1996, p. 4).

76 Pour Gouyet et Gervais, le contenu est composé de l’essence (soit les données issues de médias numériques,

par exemple audio, vidéo, images fixes) et des métadonnées (ce qui sert à indexer et décrire le contenu). Le contenant est ce qui « "enveloppe" le contenu, regroupe tous les formats informatiques et numériques qui permettent de stocker et de transmettre ce contenu. » (Gouyet et Gervais, 2006, p. 4-5)

77 « Le contexte […] revêt une signification forte de sens en archivistique et réfère justement aux activités de la

personne ou de l’organisme dont sont issus les documents d’archives. Pour l’archiviste, le contexte est cette réalité qui donne tout son sens au contenu des documents d’archives et qui leur permet de remplir leur fonction de preuve et de témoignage. » (Couture, 1998, p. 14-15)

78 “A record is recorded information produced or received in the initiation, conduct or completion of an

institutional or individual activity and that comprises content, context and structure sufficient to provide evidence of the activity.” (ICA, 1997, p. 22)

organisé de contenu) (Edmondson, 2016, p. 56; ICA, 2005, p. 11; JISC, 201279).

Similairement, en diplomatique, le document d’archives (ou actes) est composé de caractères externes (forme) et de caractères internes (contenu) (Cárcel Ortí, 1997, p. 45).

Nous retenons donc les concepts de contenu, forme et contexte, qui serviront dans un premier temps comme grille d’analyse afin de synthétiser les principaux concepts liés aux documents. Ceci nous permettra dans un deuxième temps de fixer le cadre théorique de notre approche d’analyse des composantes du document. Cette schématisation en trois dimensions sert à déterminer quelles clés d’interprétation prioriser pour aborder les caractéristiques, propriétés et usages possibles des DANA tout au long de notre travail.

3.2.5.1. Contenu

La dimension du contenu correspond à la part abstraite, au signe, à l’essence, au signifié, au fond et à l’objet du message, l’information et la connaissance qui visent à être transmises. Selon le Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL), un contenu est : « [À propos d’une chose concrète] Ce qui tient réellement dans un volume, dans un espace. [À propos d’une chose abstraite] [la] Signification profonde d’un texte. » (2012). Le contenu est ce qui est perceptible et interprétable comme véhiculant un sens (Bachimont, 2016, cours 1). Par exemple, dans le cas du texte écrit, le « contenu se caractérise comme le codage alphabétique du discours et sa structuration en chapitres, sections et paragraphes. […] le contenu est un objet abstrait, qui n’existe pas en tant que tel. » (Pédauque, 2006a, p. 91) Il peut être envisagé à plusieurs niveaux : selon les caractéristiques des modes d’expression (texte, image, son, musique, paroles, etc.), le message, les types de signes, etc.

Le contenu est façonné par le support et le contexte (Edmondson, 2016, p. 58). Il est concrétisé grâce à un support matériel qui le rend perceptible (sa manifestation). Il peut ensuite être inscrit sous une forme qui en définit ses limites temporelles et spatiales et le rend

79 “Content (ie, information or data) Context (ie, it must be possible to ascertain how it relates to other records

and to the organisation which created it) Structure (ie, there must be an inherent logic to the way in which the information it contains – and the metadata which is likely to define its context – are laid out and which is ultimately interpretable by the human eye).” (JISC, 2012)

transmissible (Bachimont, 2017, p. 13 et 2180). En diplomatique, le contenu est associé aux

caractères internes du document, ceux-ci étant relatifs au texte même des actes qui véhiculent les actions associées au document et son contexte. Ils incluent les noms des personnes, les dates, les lieux, les sujets traités, le titre, les attestations et ainsi de suite (Cárcel Ortí, 1997, p. 45 et 51; Duranti, 1998; Rogers, 2015, p. 12). Le contenu s’inscrit nécessairement dans un contexte qui lui donne une valeur (Pédauque, 2006a, p. 5881).

3.2.5.2. Forme

La dimension de la forme réfère aux aspects du contenant, du format, de la structure, du signifiant, du support, de la manifestation, de la matérialité, de la technique, de

l’inscription, de la trace et de la délimitation temporelle et spatiale du document. La forme est la « qualité d’un objet, résultant de son organisation interne, de sa structure, concrétisée par les lignes et les surfaces qui le délimitent […] [un objet] auquel on a donné une forme déterminée pour un usage particulier. » (CNRTL, 2012) La forme correspond aux modalités de

l’organisation intellectuelle et physique du contenu. La dénomination de forme est adaptée au numérique, car elle recouvre une variété de réalités plus large que l’idée de support ou de contenant, plus connotée par la matérialité et associée aux supports analogiques. La connotation autant physique qu’intellectuelle du mot a l’avantage de recouvrir différentes dimensions, réalités et niveaux de granularité d’analyse.

En diplomatique, les caractères externes « de la forme déterminent la composition matérielle et l’apparence du document » (Rogers, 2015, p. 12, notre traduction). Ils réfèrent à la nature et la présentation du support, l’écriture, les éléments figurés ou décoratifs et incluent la langue, les éléments de présentation, les signes ou les annotations (Cárcel Ortí, 1997, p. 45 et 51; Duranti, 1998; Rogers, 2015, p. 12). La dimension de la forme réfère à la structure fixée

80 « Un contenu sera défini comme une forme sémiotique d’expression associée au support matériel de

manifestation qui lui prête sa matérialité physique pour le rendre perceptible, alors que la forme sémiotique le rend interprétable. » (Bachimont, 2017, p. 21) « Le contenu peut se fixer pour acquérir une permanence dans le temps et devenir transmissible dans la durée. Ce sera alors une inscription. » (Bachimont, 2017, p. 13)

81 « […] le contenu n’a de valeur […] que par rapport à un contexte. Le document n’est-il pas justement une des

constructions de ce contexte en positionnant les informations qu’il contient par rapport à celles contenues dans d’autres documents et en permettant au lecteur d’avoir une indication de la valeur du contenu par le statut du document? » (Pédauque, 2006a, p. 58)

d’un document à l’aide d’un support matériel ou immatériel (Pédauque, 2006a, p. 32), qui délimite, donne forme, fixité et matérialité au contenu autant qu’à la façon dont s’articulent les différents contenus, plus ou moins structurés selon les types et genres de documents

(Pédauque, 2006a, p. 4882). Par exemple, l’audiovisuel se présente sous différentes structures

intellectuelles : reportage, documentaire, film, etc.

Plusieurs niveaux d’analyse sont possibles pour circonscrire les formes et structures liées à un seul ou à un ensemble de documents (Otlet, 1934, p. 46) : le document, les parties du document, les formes physiques ou intellectuelles, etc. Il est ainsi possible d’envisager tant les formes et structures à l’intérieur des documents que celles à l’extérieur des documents et qui relève de leur organisation dans des ensembles plus grands. Dans le cas des archives, ceci peut se traduire par les parties et sections d’un document (qui peuvent varier selon les types et genres de documents) ainsi que les dossiers, sous-séries, séries et fonds ou collections de fonds, etc.

3.2.5.3. Contexte

La dimension du contexte réfère aux aspects sociaux et techniques (ce qui permet d’inscrire et de lire) ainsi que les métadonnées. Le contexte est ce qui est à l’extérieur, ce qui entoure le contenu et le contenant. Le contexte est l’« ensemble de circonstances liées, [la] situation où un phénomène apparaît, un événement se produit », l’« ensemble des

circonstances dans lesquelles s’insère un fait ». Étymologiquement, c’est un emprunt au latin classique contextus « assemblage, réunion » (de contexere « assembler, rattacher ») (CNRTL, 2012). Le contexte est le liant (humain, temporel, spatial, technique, etc.) entre le contenu et le contenant.

Selon la norme ISO 5127 sur l’information et la documentation, le contexte correspond à « tous les éléments d’une situation, incluant les objets matériels, entourant un objet83 dans le

présent et le passé. » (ISO, 2017, p. 11) Le contexte intervient à toutes les strates et durant tout

82 « La structure varie énormément selon le type de document. Certains sont peu ou pas structurés, par exemple

certaines œuvres d’art ou textes spontanés où forme et fond sont indissociables; d’autres, au contraire, suivent des règles formelles rigides. La structure est aussi différente selon le type de médias. L’audiovisuel introduit, par exemple, une dimension temporelle peu présente dans l’écrit. » (Pédauque, 2006a, p. 48)

83 « Un objet est une chose qu’on peut concevoir ou percevoir. Il peut être matériel, immatériel ou imaginaire. »

le cycle de vie du document et il est un élément à considérer pour évaluer les aspects

techniques et humains qui déterminent les propriétés, caractéristiques, valeurs et fonctions des documents et par extension leurs types et genres.

Par sa propriété de médiation, un « document donne un statut à une information, à un signe matérialisé. Il est porté par un groupe social qui le suscite, le diffuse, le sauvegarde et l’utilise. » (Pédauque, 2006a, p. 63) Sa production, sa transmission et sa lecture se produisent dans une communauté (CCSDS, 2005; Melot, 2006, p. 12). En diplomatique, cet aspect est traduit par la tradition des actes qui « est la chaîne des états d’un document, entre le texte tel qu’il a été voulu par son auteur et mis par écrit pour la première fois d’une façon définitive, et celui qui nous est parvenu » (Cárcel Ortí, 1997, p. 27), donc l’accumulation des différents contextes par lesquels a traversé un document.

L’intentionnalité des acteurs entre aussi dans la prise en compte du contexte. À l’instar de Metzger (2013), Tricot et al. soulignent l’intentionnalité du producteur ainsi que de

l’utilisateur dans la constitution du document (2016, p. 17). L’intentionnalité peut être

considérée à plusieurs niveaux : intentionnalité ou non de la part de l’émetteur de l’expression ou de la trace, de la part du créateur de l’inscription qui constitue le document, du transmetteur du document et du lecteur du document84. L’intentionnalité suppose des finalités et valeurs –

de preuve, d’information, esthétique, artéfactuelle, etc. – accordées, intentionnellement ou non, a priori ou a posteriori au document. La création, la transmission, les usages et

l’exploitation des documents ainsi que la reconnaissance sociale du statut et des propriétés des objets documentaires sont essentiels pour caractériser un document.

Voilà qui complète la définition du premier axe des composantes et des concepts qui y sont associés. Examinons maintenant l’axe des strates documentaires et ses concepts

corolaires.

84 Comme l’énonce Viviane Couzinet, le document « est le croisement de son utilité, des intentions de l’auteur et

de son destinateur chacune pouvant être détournées par le récepteur. Dénouer l’écheveau des croisements revient à constituer l’identité du document, intentionnelle et détournée. » (2004, p. 28)

3.2.6. Les strates du document : expression, inscription, transmission et

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