• Aucun résultat trouvé

1. Les cyanobactéries

1.4 Les caroténoïdes chez les cyanobactéries

Les caroténoïdes retrouvés chez les cyanobactéries seront brièvement présentés dans cette partie car la protéine étudiée dans ce travail de thèse, l’OCP, se lie à un céto-caroténoïde nommé hydroxyéchinénone (voir la partie 5).

Les caroténoïdes sont généralement des composés isoprénoïdes hydrophobes qui sont synthétisés dans les membranes. La plupart s’accumule dans les complexes protéiques de la membrane photosynthétique, dans la membrane cellulaire et dans la paroi de la cellule. En plus du β-carotène et de la zéaxanthine (les caroténoïdes les plus répandus dans le règne végétal), les cyanobactéries contiennent des céto-caroténoïdes uniques tels que l’échinénone, l’hydroxyéchinénone et la canthaxanthine. Les caroténoïdes glycosylés (myxoxanthophylle) sont aussi très répandus chez les cyanobactéries (pour revue : Takaichi et Mochimaru 2007).

Chez Synechocystis, les principaux caroténoïdes accumulés sont le β-carotène, la myxoxanthophylle, la zéaxanthine, et l’echinénone (Bramley et Sandmann 1985). La zéaxanthine et l’échinénone sont dérivés du même précurseur, le β-carotène.

Figure I.6bis : Synthèse de la zéaxanthine, de l’echinénone et de la 3’- hydroxyechinénone (3’-OH-échinénone) chez Synechocystis.

Les flèches pointillées indiquent deux voies possibles pour la synthèse de l’hydroxyechinénone (Punginelli et al. 2009).

le gène crtO) catalysent respectivement la formation de la zéaxanthine et de l’echinénone (pour revues : Hirschberg 1994; Armstrong 1997; Takaichi et Mochimaru 2007). L’hydroxyechinénone peut être synthétisée soit à partir de la zéaxanthine (ou cryptoxanthine) par CrtO, soit à partir de l’echinénone par CrtR (Fernandez-Gonzalez et al. 1997; Takaichi et Mochimaru 2007) (figure I.6bis).

La forte absorption des caroténoïdes dans la région entre 350 et 550nm (lumière violette à verte, voir tableau 1) est due à la transition de l‘état de base (S0) au deuxième état excité (S2). Pour des raisons de symétrie, l’état excité le plus bas (S1), n’est pas accessible directement à partir de l’état S0 car la transition S0-S1 est symétriquement interdite (pour revue : Polivka et Sundstrom 2004). Cependant, après avoir atteint l’état S2, une molécule de caroténoïde excitée se relaxe à l’état S1 dans une échelle de temps de l’ordre de la picoseconde (pour revue : Polivka et Sundstrom 2004).

Chez les organismes photosynthétiques, les caroténoïdes ont trois fonctions principales. (1) Ils servent de pigments de récoltes de la lumière pour la photosynthèse (light-harvesting), (2) ils protègent contre les dommages photo-oxydants (photoprotection) et (3) ils ont un rôle dans la stabilisation des complexes protéiques-pigments photosynthétiques (pour revue : Fraser et al. 2001).

(1) Il a d’abord été suggéré que le bas niveau de fluorescence des caroténoïdes était du à une conversion interne rapide de l’état S2 à S1 et que le transfert d’énergie avait principalement lieu à partir de l’état S1 (car plus stable) (Koyama et al. 1996). Ensuite, en considérant les niveaux d’énergie des états d’excitation S1 et S2 des caroténoïdes et les deux états accepteurs de la bacteriochlorophylle (Qx et Qy), il a aussi été proposé que S2 transfert son énergie à la transition Qx de la bacteriochlorophylle et que S1 transfert à la transition Qy (Desamero et al. 1998). Les états S1 et S2 sont donc reconnus comme des donneurs potentiels dans le transfert d’énergie caroténoïde-(bacterio)chlorophylle au niveau du processus de récolte de la lumière photosynthétique (pour revue : Polivka et Sundstrom 2004). Plus récemment, un nouvel état excité (1Bu-), situé entre les états S1 et S2, a été identifié et proposé pour être impliqué dans les processus de light-harvesting (Sashima et al. 1999). D’une façon générale les caroténoïdes doivent être localisé à une distance précise, contrôlée et bien orientée par rapport aux chlorophylles pour assurer un transfert efficace de l’énergie absorbée.

(2) Depuis 50ans, il est connu que des souches de bactéries photosynthétiques sans caroténoïdes sont plus sensibles à la lumière et à l’oxygène . Trop de lumière induit la formation de triplets de chlorophylle dans les antennes et les centres réactionnels. Ces chlorophylles peuvent réagir avec l’oxygène et former des singulets d’oxygène qui induisent un stress oxydant dans les cellules (voir partie 4.2). Pour quencher les triplets de chlorophylle efficacement, les caroténoïdes doivent être en contact intime avec celle-ci. Le niveau

Figure I.6ter : Spectre d’absorption de l’hydroxyechinénone.

Spectre de l’hydroxyéchinénone dans de l’hexane (trait plein fin), dans du méthanol (trait hachuré), dans du carbone disulfure (trait pointillé) et d’une caroténo-protéine contenant l’hydroxyechinénone (OCP) (trait plein large). Tous les spectres d’absorption ont été normalisés (Polivka et al. 2005).

d’énergie des triplets des caroténoïdes est bas, de telle façon que les caroténoïdes avec plus de sept doubles liaisons conjuguées peuvent quencher (c’est à dire accepter l’énergie) les triplets de chlorophylle et les singulets d’oxygène. L’état triplet d’un caroténoïde étant trop bas pour générer un singulet d’oxygéne, il dissipe alors son énergie d’excitation sous forme de chaleur sans danger pour la cellule (Foote et al. 1970 ; et pour revue : Fraser et al. 2001).

Quand l’intensité de la lumière dépasse le niveau d’énergie que la photo-chimie peut utiliser, un mécanisme subtil permettant la régulation de l’excès d’énergie d’excitation se mets en place chez les plantes et les cyanobactéries. Les caroténoïdes semblent jouer plusieurs rôles dans ce mécanisme allostérique, à la fois au niveau de son contrôle et en étant les entités de quenching. D’une façon générale, ce mécanisme implique la formation d’un piégeage de l’énergie au niveau des antennes (pour la description des antennes, voir la partie 3). Le rôle des caroténoïdes dans la photo-protection chez les antennes des plantes et des cyanobactéries sera développé dans la partie 4.

(3) Enfin, grâce à leurs systèmes conjugués largement délocalisés, les caroténoïdes peuvent agir comme des « câbles moléculaires », et sont aussi connus pour renforcer le couplage entre les pigments tétrapyroles (les chlorophylles) à proximité (pour revue : Fraser et al. 2001). Les propriétés des caroténoïdes en rapport avec l’activité de photosynthèse ont été décrites en détail ci-dessus. Les caroténoïdes ont aussi d’autres propriétés qui ne seront pas détaillées dans cemanuscrit et qui sont simplement listées ci-après :

- les caroténoïdes présents dans la membrane extérieure peuvent servir d’écran et quencher les singulets d’oxygène

- les caroténoïdes ont une action anti-oxydante générale (ils peuvent réagir avec les atomes et molécules avec des radicaux libres)

- les caroténoïdes ont un effet sur la structure et les propriétés (notamment la fluidité) de la membrane des cellules

De plus, comme c’est le cas dans le système étudié dans cette thèse, les protéines peuvent avoir de l’influence sur les caroténoïdes avec lesquels elles interagissent. Dans certains cas, elles peuvent fortement modifier les propriétés d’absorption de la lumière, et par la même occasion, la couleur et la photo-chimie du caroténoïde (figure I.6ter). Des études de structures de caroténo-protéines aux rayons X ont permis de proposer plusieurs mécanismes responsables des shifts du spectre d’un caroténoïde seul par rapport à quand il se trouve dans une caroténo-protéine. Par exemple, la co-planarité des anneaux et de la chaîne polyène des caroténoïdes peut s’étendre dans la protéine et optimiser la conjugaison du chromophore. La proximité des groupes « céto » de certains caroténoïdes avec des molécules d’eau et des histidine peut conduire à la formation de liaisons hydrogènes et avoir un effet de polarisation. Les caroténoïdes peuvent se trouver dans une poche plus ou moins hydrophobe de la protéine qui modifie leurs propriétés…etc. (Salares et al. 1979).

A

B

Figure I.7 : Localisation de la photosynthèse chez les plantes et les cyanobactéries

A montre le schéma d’un chloroplaste où se déroule la photosynthèse chez les plantes d’après Moore

et Clark 1998 (Moore et al. 1998). ADP = adénosine di-phosphate, ATP = adénosine tri-phosphate, Pi = phosphate inorganique, NADP = nicotinamide adénosine di-phosphate.

B montre une photographie de microscopie électronique de Synechococcus elongatus (photographie de D. Sherman et L.A. Sherman). Les thylacoïdes, où se déroule la photosynthèse chez les cyanobactéries, sont organisés en couches périphériques au bord des cellules. Le trait noir correspond à 1µM.