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LES OBJECTIFS DE LA THÈSE

LES CALENDRIERS D’HISTOIRE DE VIE

La vérification des objectifs de cette thèse s’appuie en grande partie sur des données rétrospectives qui retracent les événements et les circonstances survenus au cours d’une période de 36 mois. Il semble ainsi pertinent de préciser davantage la méthode utilisée pour recueillir ces informations. Les entretiens réalisés auprès des deux échantillons avaient pour but de faire l’examen rétrospectif des 36 mois qui ont précédé l’incarcération des délinquants et le début de la thérapie des joueurs excessifs. Il importe ainsi de prendre conscience des limites qui s’associent à l’utilisation de telles données. Henry et ses collègues (1994) ont étudié la validité de données rétrospectives, ils concluent de leur analyse que le rappel précis d’événements, tels que les actes délinquants et les arrestations, est une tâche difficile, en particulier lorsque plusieurs événements se chevauchent durant une même période de temps. Le rappel devient encore plus complexe, les erreurs sont plus probables, lorsque les événements appartiennent à un lointain passé (Ross, 1989). Dans cette thèse, certaines dispositions sont mises en place pour limiter les biais liées à l’utilisation de données rétrospectives. Une courte période fenêtre est examinée, l’effort de mémorisation se restreint à une période de 3 ans. De plus, au moment du recrutement, ont été privilégiés les participants pour lesquels le temps écoulé entre la passation du questionnaire et la fin de la période fenêtre était court. Par conséquent, pour la majorité des détenus et des joueurs, l’écart entre l’entretien et la fin de la période fenêtre est de moins de 2 ans. Pour faciliter la mémorisation des événements survenus, dans un cas comme dans l’autre, la méthode des calendriers d’histoire de vie a été utilisée. Plusieurs travaux reconnaissent les mérites de cette méthode (voir Sutton et coll., 2010).

Ainsi, la fiabilité des données issues de la période fenêtre est facilitée par la stratégie des calendriers d’histoire de vie développée par Freedman, Thornton, Camburn, Alwin, et Young-DeMarco (1988). Cette méthode sert à recueillir de l’information pour chacun des mois de la période à l’étude et a été développée dans le cadre de recherches longitudinales pour enregistrer les événements centraux qui se produisent dans une trajectoire de vie. Elle a été développée pour l’étude de la carrière criminelle et a fait ses preuves dans ce domaine (Ahn, Blumstein et Schervish, 1990; Bradburn, Lance et Shevell, 1987; Caspi et coll., 1996; Griffin et Armstrong, 2003; Horney et Marshall, 1991; Horney et coll., 1995; MacKenzie et Li, 2002; Uggen et Thompson 2003).

Cette méthode des calendriers peut non seulement améliorer la qualité des données rétrospectives, notamment par la synchronisation des événements, mais elle permet aussi de rendre compte de la séquence des événements et des changements susceptibles de survenir (Freedman et coll., 1988). Par exemple, l’étude de Fischer et coll. (1989) observe que les victimes et les témoins d’actes criminels donnent davantage de précisions sur leur expérience lorsqu’ils sont soumis à une méthode qui vise à reconstruire le contexte et les circonstances qui entourent le crime. La validité et la fiabilité des données issues de cette technique sont attestées dans de nombreux travaux (Axinn, Pearce et Ghimire, 1998; Belli, 1998; Belli et coll., 2001; Caspi et coll., 1996; Charest, 2004, Sutton et coll., 2010). La méthode des calendriers a notamment montré sa fiabilité dans l’estimation des gains criminels chez des délinquants adultes incarcérés (Charest, 2004). Les travaux de Caspi et ses collègues (1996) montrent l’existence d’un fort accord interjuge entre les données recueillies à l’aide des calendriers d’histoire de vie et les données prospectives cumulées sur une période de trois ans.

La structure de collecte de données à l’aide de cette méthode est adaptée à la structure de la mémoire autobiographique des participants (Belli, 1998). La méthode des calendriers d’histoire de vie peut s’appliquer dans le cadre d’entretiens structurés et s’efforce de reconstruire le contexte dans lequel les événements se sont passés. Plusieurs stratégies sont mises en place pour favoriser le rappel, par exemple l’emploi d’aides visuelles (un format de type calendrier, voir Annexe 1), l’organisation thématique des questions et la progression graduelle quant à la difficulté mnésique des questions et des thèmes (Freedman et coll. (1988); McPherson, Popielarz et Drobnic, 1992). On débutera ainsi avec les événements plus faciles à se rappeler, pour ensuite aborder ceux dont le rappel est plus difficile. L’ensemble de ces stratégies vise à encourager la mémoire du sujet, pour qu’il se souvienne des événements passés.

Les questionnaires adressés respectivement aux joueurs et aux délinquants se ressemblent beaucoup. La différence majeure concerne les thématiques abordées. Bien qu’il s’agisse, dans un cas comme dans l’autre, de trajectoires déviantes, un effort est consenti afin que les thèmes et les questions représentent les particularités que la littérature associe à chaque type de déviance. Les calendriers d’histoire de vie chez les joueurs abordent de manière chronologique les thématiques suivantes : les événements de vie (hospitalisation, décès d’un proche parent, naissance d’un enfant, séparation/divorce, etc.), les détails des emplois et des revenus légitimes, l’engagement dans les jeux de hasard et d’argent (type de jeux pratiqué, nombre d’heures consacrées, sommes dépensées), les stratégies d’emprunt, les passages à l’acte criminel (type de crime, fréquence, nombre de partenaires, gains criminels, etc.) et la consommation de drogues (type de produit consommé, fréquence et argent dépensé). Dans le cas des délinquants, il était demandé de spécifier, pour chaque mois, les mois passés en prison, en probation, en libération

conditionnelle ou en maison de transition, les mois durant lesquels ils ont l’objet d’une arrestation, le lieu de résidence (la ville), les événements de vie (hospitalisation, divorce, naissance d’un enfant, mortalité d’un proche, perte d’emploi, etc.), les circonstances de la vie conventionnelle (le détail des emplois occupés, les prestations gouvernementales, les mois passés en couple), pour faciliter le récit des expériences criminelles. Tant chez les joueurs que chez les délinquants, le rappel des paramètres qui entourent les conduites déviantes est facilité une fois que le participant visualise les autres éléments compris dans les calendriers.