• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3 MÉTHODOLOGIE EXPÉRIMENTALE

3.1 Présentation des matériaux étudiés

3.1.1 Les argiles Champlain

Avant de décrire les caractéristiques du sol en question, il est utile de montrer en quoi une étude aussi approfondie sur ce matériau est économiquement et géologiquement intéressante. Il est aussi indispensable de retracer l'histoire des argiles pour mieux comprendre certaines de leurs particularités.

3.1.1.1 Présentation du site et du projet

Les argiles de la mer Champlain recouvrent environ 70% des régions peuplées des basses terres du Saint Laurent, de la vallée du Saguenay-Lac-Saint-Jean, une importante partie du nord-

ouest québécois, l’est et le nord de l’Ontario et certaines régions côtières des provinces maritimes (Leroueil et al., 1983). Le développement des constructions et des infrastructures routières dans ces zones, l'apparition de problèmes géotechniques liés aux propriétés particulières des argiles (glissement de terrain, tassement) ou encore leur utilisation dans les techniques de stockage de déchets justifient l'intérêt économique et social que connaissent les argiles depuis les années 50.

Les essais présentés dans ce mémoire font partie de la campagne de caractérisation des argiles Champlain stimulée par la société BFI (entité spécialisée dans la gestion des déchets solides non dangereux en Amérique du Nord) et en partenariat avec le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG, Ottawa). Entre 2006 et 2008, trois campagnes de forages ont été entreprises sur le site de Lachenaie (nord-est de l'île de Montréal) pour un total de 9 sites de forages sur une superficie de 50 km2. Des échantillonnages d’argile

intacte avec des tubes Shelby ont permis de multiples essais en laboratoire et la réalisation de divers essais de perméabilité en place a été possible avec l’installation de 27 piézomètres sur l’ensemble du site d’étude. En dehors des protocoles classiques d’identification du matériau (teneur en eau naturelle, limites de consistance, résistance au cisaillement non remanié), des essais mécaniques (consolidation œdométrique) et hydrauliques (essais de perméabilité en cellule triaxiale et en œdomètres, entre deux paliers de chargement) ont été effectués. En compléments, les aspects géochimiques des argiles ont été largement étudiés (Réginensi, 2009, Benabdallah, 2010). En effet, les mouvements d’eau et d’ions à travers des matériaux dits « imperméables » ne sont pas négligeables sur des échelles de temps suffisamment longues et peuvent renseigner sur l’histoire de l’aquitard ou sur les conditions hydrauliques actuelles (présence d'eau salée, impropre à la consommation et inutilisable en agriculture, dans le roc sous-jacent). D’un autre côté, les essais de perméabilité in situ à niveau variable sont extrêmement longs (Benhabdallah, 2010) et l’efficacité de nouvelles méthodes tels que le choc hydraulique, visant à réduire la quantité d’eau injectée dans le sol, a été évaluée par Duhaime (2012). Mais au-delà de toutes ces analyses, une recherche sur l’histoire de la formation du sol est intéressante pour comprendre en partie son comportement hydraulique ou mécanique.

3.1.1.2 Origine et formation

Il existe plusieurs terminologies associées au terme « argile ». Une argile peut être définie comme une classe de granulométrie fine (dont les particules sont inférieures à 2 μm), des

minéraux spécifiques mais aussi comme une catégorie de sol (sol plastique et cohérent pouvant contenir certains minéraux argileux et présentant plus de 50 % de particules fines). Les minéraux argileux sont des substances cristallines provenant pour la plupart de l’altération chimique et physique (changement de température) de certains minéraux composant la roche (Holtz & Kovacks, 1981) qui confèrent des propriétés bien spécifiques aux matériaux. Les conditions dans lesquelles cette dégradation a lieu ainsi que l’histoire géologique du milieu expliquent l’existence des diverses familles d’argiles.

Les argiles de la mer Champlain présentent un fort pourcentage de particules fines issues de l’altération du socle rocheux (sous l’action mécanique des glaciers), sont donc composées essentiellement de farine de roche, et comportent très peu de minéraux argileux (Locat et al., 1984). Historiquement, les argiles de la mer Champlain se sont déposées suite au dernier épisode glaciaire du Wisconsinien. Même si le sujet ne manque pas d’intérêt, nous ne rentrerons pas en détail dans la chronologie des évènements géologiques menant à la formation des argiles. Cet aspect a été traité entre autre par Gadd et al. (1972), Parent & Occhietti (1988) ou encore Cronin et al. (2008).

Durant cette période glacière, la présence de l’inlandsis Laurentidien sur l’ensemble de l’est de l’Amérique du Nord, d'une épaisseur pouvant largement atteindre les 40 m dans certaines zones (Parent & Ochietti, 1988), a provoqué une dépression continentale. Lors du retrait des glaces (il y a environ 13 000 ans), la croûte terrestre se situait en dessous du niveau de la mer, ce qui a permis l’intrusion de grandes quantités d’eau créant ainsi des lacs et des mers intérieures dont les Grands Lacs sont les vestiges aujourd’hui. L'alimentation pouvait provenir de l’océan voisin (eau salée) ou de la fonte des glaces (eau douce). C’est dans ce contexte qu’apparaît la mer Champlain aux alentours de -9 800, dans l’actuelle vallée du Saint Laurent. Durant toute la période de la mer Champlain (3 000 ans), une importante déposition marine (au maximum 100 m d'épaisseur au centre du bassin, Leroueil et al., 1983) soumise à des conditions variables, (salinité, agitation marine) est à l’origine de la formation des argiles et de leur hétérogénéité.

3.1.1.3 Échantillonnage et caractérisation

Une série de tests de caractérisation des argiles du site de Lachenaie a été menée sur le terrain et au laboratoire d’hydrogéologie de l’École Polytechnique de Montréal. Les spécimens étudiés au laboratoire proviennent de prélèvements in situ à l’aide de tubes à parois minces (73,5

mm de diamètre). Ces derniers ont été découpés, identifiés, recouverts de paraffine, et conservés dans une chambre froide humide jusqu’au moment de l’essai. Des précautions particulières ont été prises pour minimiser le remaniement des échantillons. Cependant, l’extraction de l’échantillon et sa mise en place dans les appareils de mesures viennent indéniablement modifier ses propriétés mécaniques et hydrauliques. C’est l’une des raisons pour lesquelles, les propriétés obtenues en laboratoire et in situ diffèrent (effet de remaniement et effet d'échelle, voir Claveau- Mallet, 2008).

Les protocoles employés suivent les normes canadiennes (CAN/BNQ) et américaines (ASTM) mais ont aussi été modifiés afin de s’adapter au type de sol ou pour rendre l’analyse plus complète. Parmi ces tests on peut compter les tests classiques de granulométrie (ASTM D422), de la densité des solides, Gs (ASTM D854), des limites d’Atterberg, wL et wP (CAN/BNQ 2501- 092 et CAN/BNQ 2501-090) et de perméabilité en cellule triaxiale (ASTM D5084) mais aussi une vaste série d’essais en cellule œdométrique (ASTM D2435) et des protocoles d’extraction d’eau interstitielle et d’analyse chimique. En complément, l'Unité de Recherche et de Service en Technologie Minérale (URSTM) à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) a fait une caractérisation minéralogique de l’argile par diffraction aux rayons X (DRX). Également, des datations au carbone 14 ont été réalisées par des laboratoires indépendants.

De par leurs propriétés particulières, les argiles en général sont le sujet de nombreuses études et la littérature regorge de données. Cependant, ce type de sol est aussi caractérisé par la diversité de ses propriétés (formation et histoire différentes) et il est rarement possible de comparer des argiles de provenance différentes. De même, si l’on se limite à l’étude des argiles Champlain, les propriétés restent variables sur l’ensemble du dépôt. Pour s’en convaincre, le tableau 3-1 présente les résultats de la caractérisation pour les argiles de Lachenaie et leurs équivalents dans la littérature.

Certains des paramètres étudiés varient également à l'échelle de la zone d'étude. C’est le cas par exemple de la salinité qui atteint son maximum (15 mg/L) à une profondeur de 22 m et qui est globalement plus forte dans les zones où la couche d’argile est plus épaisse. Cette variabilité est importante à noter car la salinité peut influencer la sensibilité (St) et la conductivité hydraulique. La sensibilité augmente et la conductivité hydraulique diminue avec le lessivage de l’argile (Bjerrum, 1954; Réginensi, 2009).

Une étude topographique donne une explication aux contraintes de préconsolidation recensées. En effet, des zones d'érosions peuvent être identifiées lorsque l’on regarde un plan comportant l’élévation du site (Duhaime et al., 2010). Une étude sur les argiles Champlain de la région de Saguenay estime également l'érosion responsable de la préconsolidation et souligne l’effet

du vieillissement (tassement secondaire) sur la surestimation de la valeur de σ'p (Bouchard et al.,

1983). La fluctuation du niveau de la nappe avec les cycles de gel et dégel peut également affecter

l'évaluation de σ'p.

Tableau 3-1 : Propriétés des argiles Champlain

Paramètres mesurés Argile de Lachenaie Argiles Champlain (données de la littérature) Références PROPRIETES HYDRAULIQUES

Perméabilité de l’argile intacte Essai en laboratoire : (cellule triaxiale, essais œdométriques)

k (m/s)

[3,9x10-10; 6,3x10-9] [5x10-10 à 5x10-9] Tavenas et al. 1983

Perméabilité de l’argile intacte in situ – essai à charge variable

k (m/s)

[1,2x10-9; 5,7x10-9] [4,9x10-10; 1,5x10-9] Tavenas et al. 1990

CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES

Densité des grains, Gs [2,64; 2,75]

Portion de particules < 2μm (%) [34; 82] [20 et 85] Leroueil et al. 1983 Walker & Raymond, 1968 Composition minéralogique (%) Plagioclases : [28;40] Quartz : [11;16] Feldspaths : [11;17] Amphiboles : [5;10] Carbonates : [1;5] Mat. organique : [1;2] Plagioclases : 37% Quartz : 16% Feldspaths : 12% Amphiboles : 9 % Foscal-Mella 1976

Tableau 3-1 : Propriétés des argiles Champlain (suite) Paramètres mesurés Argile de Lachenaie Argiles Champlain (données de la littérature) Références

Limites d’Atterberg et teneur en eau naturelle (%) 39% < wL < 78% 17% < wP < 30% 49% < wN < 62% 30% < wL < 75% 17% < wP < 34% Leroueil et al. 1983 Walker et Raymond, 1968 Activité 0,59 et 0,56 (seulement deux activités moyennes calculées) [0.25; 0.75] Leroueil et al, 1983 CARACTÉRISTIQUES CHIMIQUES

Capacité d’échange cationique

(meq/100g) [25;40] Salinité (g/L) [0,2;15,8] [12; 35] Torrance, 1988 Desaulniers & Cherry, 1989 Quigley et al. 1985 PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES Résistance au cisaillement

Au cône suédois cu (kPa) [28,1; 96,7] [0,2; 100]

Leroueil et al. 1983 Sensibilité, St [3,9; 72] [15;108] Leroueil et al. 1983 Indice de recompression, Cr [0,01; 0,13]

Indice de compression vierge, Cc [0,26; 2,08] [0,1;5]

Leroueil et al. 1983

Indice de fluage, Cα [0,01;0,07] = 0,04*Cc

Leroueil et al. 1983