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CHAPITRE I : GENERALITES SUR LES CHAMPIGNONS

7. LES ANTIFONGIQUES

La conception de la triade classique de l'infection : parasite – hôte - antifongique est d'une importance particulière dans la chimiothérapie des mycoses. La constitution anatomique et la physiologie des champignons sont bien particulières, différentes de celles des bactéries ; de ce fait, la plupart des antibactériens ne sont pas des antifongiques. La composition de la paroi cellulaire, du matériel qui l'entoure et de la membrane cytoplasmique joue un rôle considérable dans la perméabilité de la cellule. Pour cela, non seulement l'hydrosolubilité mais aussi la liposolubilité des substances antifongiques méritent une attention particulière.

La thérapeutique antifongique reste cantonnée à un petit nombre de produits, en particulier pour les mycoses profondes. L'amphotéricine B par voie intraveineuse, chef de file chronologique des antifongiques systémiques, est souvent le plus efficace.

La flucytosine, la griséofulvine, puis les dérivés azolés : miconazole, kétoconazole, fluconazole, itraconazole, ont constitué de grandes étapes dans la découverte des molécules antifongiques. Aucun produit actuellement disponible n'est fongicide in vivo, qualité essentielle dans le traitement des mycoses chez l'immunodéprimé. De nombreux progrès ont été réalisés ces dix dernières années, soit par le recours à de nouvelles formes galéniques, tels les liposomes d'amphotéricine B, soit par la découverte de nouvelles molécules aux propriétés microbiologiques ou pharmaceutiques originales : fluconazole, itraconazole, dérivés allylamines et morpholines. Les efforts portent sur la découverte de nouvelles familles, sur la prévention des mycoses et sur l'utilisation d'immunomodulateurs (cytokines) (DUCOL, 1993 ; MUNK et al., 1993 ; KOENIG, 1995).

Les polyènes (nystatine, amphotéricine B) : ces antifongiques sont produits par des actinomycètes du genre Streptomyces. Ils possèdent une grande affinité pour l'ergostérol, principal

constituant de la membrane fongique, et forment des complexes insolubles responsables d'une altération de la perméabilité cellulaire. In vivo, ils ne possèdent qu'une action fongistatique.

La nystatine est active sur de nombreuses espèces fongiques, levuriformes ou filamenteuses. N'étant pas absorbée par la muqueuse digestive, ses indications concernent les candidoses digestives et les candidoses cutanéo-muqueuses.

L'amphotéricine B est efficace contre la plupart des champignons pathogènes, pour lesquels les concentrations minimales inhibitrices (CMI) varient de 0,01 à 3,2 mg/mL, sans apparition de résistance secondaire. Une des rares exceptions concerne Pseudallescheria boydii. L'amphotéricine B s'administre par voie orale, avec une absorption digestive très faible, et par perfusion intraveineuse à la dose de 0,1 à 1 mg/kg. Il s'agit de l'un des meilleurs antifongiques utilisables par voie systémique dans les mycoses profondes, mais la principale limite à l'utilisation de ce produit est sa toxicité importante, avec des réactions immédiates dès les premières perfusions (frissons, fièvre, malaise, troubles digestifs), et des réactions secondaires (principalement une toxicité rénale). Afin de tenter de diminuer ces effets toxiques, de nouvelles formes galéniques ont été mises au point (ampholiposomes, ampholipides) (MUNK et al., 1993 ; KOENIG, 1995 ; STEVENS et al., 1997).

La 5-fluorocytosine (ou flucytosine) : pyrimidine fluorée synthétique, elle pénètre dans la cellule fongique grâce à une cytosine-perméase. Son mode d'action repose sur l'inhibition de la synthèse protéique par incorporation à l'ARN, et inhibition de la synthèse d'ADN. Fongistatique in vivo, la fluorocytosine est principalement active sur les levures et les agents de chromoblastomycoses. Son efficacité est limitée par l'existence de résistances primaires fréquentes (70 % des souches de C. tropicalis sont résistantes), et par l'apparition de résistances secondaires, interdisant son administration en monothérapie. De plus, elle possède une toxicité hématologique et digestive (KOENIG, 1995).

Les azolés : ces agents synthétiques comprennent les imidazolés et les triazolés. Leur mode d'action est commun, et repose notamment sur l'inhibition de la biosynthèse de l'ergostérol (inhibition de C14 déméthylase cytochrome P450 dépendante) et la modification de la perméabilité membranaire (STEVENS et al., 1997).

Parmi les imidazolés, deux produits sont utilisables par voie générale pour le traitement des mycoses profondes. A côté du miconazole aux indications systémiques très limitées, il faut citer le kétoconazole qui a révolutionné le traitement des mycoses profondes. Il est actif per os sur les levures (à l'exception de C. glabrata), sur les champignons dimorphiques, sur les dermatophytes, sur S. apiospermum. Sa toxicité modérée est essentiellement hépatique, et présente aussi une inhibition de la synthèse des hormones stéroïdiennes ainsi qu'une interaction avec certains

médicaments (cyclosporine, rifampicine, etc.) (DUCOL, 1993 ; MUNK et al., 1993 ; KOENIG, 1995).

Les triazolés sont représentés par le fluconazole et l'itraconazole. Le fluconazole est actif sur les Candida (plus faiblement sur C. krusei et C. glabrata), sur C. neoformans, sur M. furfur, et certains agents de mycoses exotiques. Hydrosoluble, il est utilisable par voie intra-veineuse, et présente une faible toxicité hépatique. L'itraconazole possède l'avantage sur les autres azolés d'être actif sur Aspergillus. Outre ce champignon, cet antifongique est actif sur les levures, les dermatophytes, les dématiés, les champignons dimorphiques agents de mycoses exotiques. Le voriconazole est un nouvel antifongique proche structurellement du fluconazole, mais qui présente une efficacité thérapeutique supérieure et un spectre d’activité plus large, notamment sur C. glabrata, C. krusei et Aspergillus sp. Le voriconazole est administrable par voie orale et par voie intraveineuse. Sa tolérance semble bonne, à l’exception de quelques troubles visuels transitoires (DUCOL, 1993).

Les allylamines : il s'agit essentiellement de la terbinafine, inhibant la biosynthèse de l'ergostérol (inhibition de la squalène époxydase). Administrable per os, cet antifongique peu toxique possède un large spectre d'activité, comprenant les levures, les dermatophytes (C.M.I. de 0,001 à 0,06 mg/mL), les Aspergillus, certains champignons dimorphiques.

Les morpholines : le seul dérivé de cette famille utilisé en clinique est l'amorolfine. Elle agit en bloquant aussi la synthèse de l'ergostérol (inhibition de deux enzymes, la delta-4 -réductase et la delta 7-8 isomérase). Son spectre s'étend sur les dermatophytes, les levures, certaines moisissures (à l'exception d' Aspergillus).

Les échinocandines : nouvelle classe d’antifongiques, les échinocandines inhibent la synthèse du 1,3 –ß- glycane de la paroi fongique, aboutissant à une instabilité osmotique et la mort cellulaire (activité fongicide). La caspofongine présente un spectre d’activité très large sur l’ensemble des levures et sur Aspergillus sp. Sa tolérance est excellente. Seule la forme intraveineuse est disponible (MUNK et al., 1993 ; KOENIG, 1995).