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Traitement de la douleur cancéreuse

VI. TRAITEMENTS MÉDICAMEUTEUX CO-ANTALGIQUES :

2- Les antidépresseurs :

Depuis la découverte par Paoli et al en 1960 de l’efficacité de l’imipramine sur les douleurs neuropathiques de patients souffrant de sclérose en plaque [45], l’utilisation de ces produits dans le traitement de ce type de douleur s’est largement étendue.

2-1- Classification : [53]

Les antidépresseurs sont classés selon 3 critères bien différents :

- Leur structure chimique (le type de molécule qui constitue le principe actif du médicament).

- Leur action biochimique (la façon dont ils agissent).

- Leur domaine d'activité. C'est grâce à ce critère que sont généralement effectués les choix thérapeutiques.

Cette classification a évolué au cours du temps puisqu'on distinguait les IMAO (inhibiteurs de la monoamine oxydase) dont l'action biochimique était similaire, et les tricycliques qui avaient une structure chimique équivalente.

Par la suite sont venus les antidépresseurs de seconde et de troisième génération : les ISRS (inhibiteurs spécifiques de recapture de la sérotonine) et les IRSNA (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline).

Tableau 8 : Classifications des antidépresseurs.

Classifications des antidépresseurs

Anciens

Antidépresseurs de première génération

- Imipraminiques.

- Inhibiteurs de la monoamine oxydase.

Nouveau

x

Antidépresseurs de seconde génération

- Inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine .

Antidépresseurs de troisième génération

- Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline.

- Autres : Mirtazapine, venlafaxine, Alprazolam.

2-2- Mécanisme d’action :

Les effets antalgiques des antidépresseurs semblent dépendre d’un mécanisme central même si l’hypothèse d’une action périphérique est discutée. Bien que l’inhibition de la recapture de sérotonine ait été la première hypothèse proposée, il est largement admis en clinique, que les inhibiteurs mixtes sont plus actifs que les inhibiteurs spécifiques de la recapture de sérotonine [54].

Une composante opioïde a également été évoquée mais excluant une action directe de ces produits sur les récepteurs opiacés. D’autres hypothèses ont été proposées avec l’inhibition des canaux sodiques, l’inhibition de la capture du calcium, une interaction avec le monoxyde d’azote (NO), avec l’adénosine ou les acides aminés excitateurs.

2-3- Indications : [55]

Les antidépresseurs sont utilisés dans deux indications : d'une part pour leur action analgésique propre, d'autre part pour le traitement des symptômes psychiques fréquemment associés à la douleur cancéreuse, comme les syndromes anxiodépressifs.

Ce sont les produits de référence, utilisés en première intention dans le traitement des douleurs neurogènes, notamment des douleurs des neuropathies périphériques, indépendamment de leurs causes (douleur de désafférentation). L'action antalgique des antidépresseurs est connue depuis longtemps et se manifeste beaucoup plus rapidement (48 heures) que l'effet thymique. Cette action antalgique des antidépresseurs semble indépendante de l'effet thymoanaleptique.

Les indications spécifiques les plus intéressantes concernent les douleurs neuropathiques, où les antidépresseurs sont efficaces sur la composante continue comme sur la composante paroxystique (neuropathie diabétique, mononeuropathie, douleur postzostérienne), mais aussi les céphalées (migraine, céphalées de tension ou mixtes) et la fibromyalgie.

Les molécules qui ont fait la preuve de leur efficacité dans des essais contrôlés sont des antidépresseurs tricycliques (clomipramine (Anafranil®), amitriptyline (Laroxyl®), imipramine, désipramine).

Cependant, les inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine (fluoxétine, paroxétine, citalopram...) sont globalement mieux tolérés que les précédents, mais le niveau de leur efficacité dans la douleur n'est pas démontré, ainsi que les inhibiteurs sélectifs de la mono-amine-oxydase A (moclobemide, toloxatone).

L'administration se fait à doses progressivement croissantes. L'effet analgésique se manifeste de façon retardée (après 1 à plusieurs semaines). Il est raisonnable d'attendre au moins 4 semaines avant de conclure à un échec.

Les causes d'échec sont l'arrêt précoce du traitement, le dosage insuffisant, la non-correction des effets secondaires, la mauvaise adhésion des malades qui ne comprennent pas pourquoi un antidépresseur a été prescrit pour une douleur (manque d'information).

2-4- Effets secondaires :

Les effets secondaires induits par les antidépresseurs varient selon les individus. Ces variations seraient plus importantes d'un individu à l'autre que d'une molécule à l'autre [56]. Le tableau suivant montre les principaux effets indésirables selon les générations d’antidépresseurs.

Tableau 9 : Les principaux effets secondaires des antidépresseurs.

Antidépresseurs Effets indésirables

Première génération

- Somnolence, hypotension orthostatique, aggravation de troubles du rythme préexistants, dysfonctionnements sexuels (anorgasmie, baisse de la libido), sècheresse buccale, constipation, rétention urinaire.

Deuxième génération

- Céphalées, vertiges, agitation, insomnie, nausées, diarrhée, troubles sexuels, émoussement émotionnel.

- Confusion et désorientation, réaction maniaque ou psychotique. - Akathisie, manifestations extrapyramidales.

- Syndrome sérotoninergique.

Troisième génération

- Sédation, tachycardie, céphalées, accès hypersudatifs, somnolence, insomnies, baisses de la libido, difficulté à réaliser un orgasme, nausées, vomissements.

 Précautions :

L’association des antidépresseurs avec la morphine peut conduire à un état de somnolence marquée. Si ces deux substances sont administrées en même temps, leurs doses initiales doivent être faibles, et leur adaptation posologique très progressive.

Les antidépresseurs ne devraient pas être pris en même temps que l'alcool ou d'autres dépresseurs du système nerveux central, car leurs effets d'inhibition sur ce dernier pourraient se multiplier, causant une somnolence excessive, une perte de coordination et une augmentation des risques de chute.

 Syndrome sérotoninergique :

Le syndrome sérotoninergique est une complication potentiellement mortelle liée à des médicaments antidépresseurs inhibiteurs de la recapture

Il s’agit d’une entité médicale décrite initialement par Sternbach [57]. Celle-ci peut se manifester de diverses manières cliniques en rapport avec un excès de sérotonine [58], mais l’on retrouve le plus souvent des modifications variables de l’état mental, une instabilité du système nerveux autonome et une excitabilité musculaire. Ainsi, la classification actuelle distingue selon la présentation clinique trois niveaux de sévérité du syndrome sérotoninergique.

Le traitement préventif du syndrome sérotoninergique consiste à éviter ou minimiser les associations de médicaments sérotoninergiques. Le traitement symptomatique [59] consiste en une hospitalisation et une surveillance constante en milieu hospitalier ce d’autant que la symptomatologie clinique sera importante voire inquiétante.

L’arrêt immédiat du ou des médicaments incriminés sera effectué ainsi qu’une hydratation par voie parentérale intraveineuse pour éliminer le risque de myoglobinurie. Une réanimation sera entreprise si nécessaire.

2-5- Contre-indications :

Les principales contre-indications sont :

 Hypertrophie bénigne de la prostate et antécédents de rétention aiguë d'urine.

 Glaucome aigue à angle fermé.

 Infarctus du myocarde récent, coronaropathie non stabilisée.

 Insuffisance cardiaque décompensée, bloc auriculo-ventriculaire de haut degré.

 Association avec les IMAO non sélectifs.  Allaitement.

2-6- Schéma thérapeutique :

L’effet antalgique survient dans les 15 premiers jours après le début du traitement avec un pic d’efficacité entre la quatrième et la sixième semaine[60].

Le traitement doit être institué avec des doses faibles, de l’ordre de 10 à 20 mg par jour, spécialement chez les malades fragiles.

Les doses doivent être augmentées par paliers de 10 à 25 mg tous les 2 à 4 jours, afin d’atténuer les effets sédatifs du produit et les risques d’hypotension orthostatique. Des doses de 150 voire de 200 mg par jour peuvent parfois être nécessaires [61] [62].

Tableau 10 : Principaux antidépresseurs utilisés comme coantalgiques [63]. Nom du tricyclique Demi -vie Posologie journalière Inhibition, Recaptage noradrénaline Inhibition, Recaptage sérotonine Effets sédatifs Présentation galénique Amitriptyline Laroxyl 22 à 40 h 25 à 200 mg/j + +++ ++ Cp : 25 et 50 mg S.Buv : 40 mg/ml Sol.Inj : 50 mg Clomipramine Anafranil 21 h 25 à 200 mg/j + +++ + Cp : 10 et 25 mg Cp : 75mg Sol.Inj : 25 mg Imipramine Tofranil 19 h 50 à 150 mg/j ++ +++ + Cp : 10 et 25 mg Sol.Inj : 25 mg Desipramine Pertofran 22 h 100 à 200 mg/j +++ 0 0 Cp : 25mg `

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