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Les antiagrégants plaquettaires (AAP)

2. DEUXIÈME PARTIE : LE RISQUE HÉMORRAGIQUE

2.3 T HÉRAPEUTIQUES ANTITHROMBOTIQUES

2.3.1 Les antiagrégants plaquettaires (AAP)

Les antiagrégants plaquettaires (AAP) sont utilisés essentiellement pour prévenir la thrombose artérielle en cas d’athérosclérose. Comme leur nom l’indique, ils visent à restreindre l’agrégation des plaquettes entre elles au sein du réseau sanguin. Les AAP agissent donc au niveau de l’hémostase primaire. Ces médications sont prescrites essentiellement pour prévenir ou limiter la thrombose artérielle qui complique l’athérosclérose. On les utilise ainsi en prévention de l’infarctus du myocarde ou de l’accident vasculaire cérébral par exemple.

Il existe deux types principaux d’AAP : les anti-activateurs et les antiagrégants plaquettaires (anti-GPIIb/IIa) (Lecompte et al., 2003).

48 Les anti-activateurs sont représentés par plusieurs molécules dont les plus prescrites sont l’acide acétylsalicylique ou aspirine et les thiénopyridines (ticlopidine et clopidogrel). On notera également l’effet anti-activateur du flurbiprophène, généralement prescrit pour ses effets d’anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) plutôt que dans le cadre d’un traitement antithrombotique. Ces médications sont administrées par voie orale et le plus souvent prescrites au long cours en ambulatoire.

Les anti-GPIIb/IIa sont les AAP possédant l’action la plus puissante. Ces molécules inhibent l’agrégation plaquettaire quelle que soit la voie d’activation en bloquant la glycoprotéine membranaire GP IIb/IIIa. Trois molécules sont disponibles : l’abciximab, qui est un anticorps monoclonal, ainsi que l’eptifibatide et le tirofiban qui sont des peptides de synthèse. Ces médications sont réservées à l’usage hospitalier, notamment en cardiologie interventionnelle, et administrées par voie intraveineuse, elles ne concernent donc pas la pratique de ville (Société Francophone de Médecine Buccale et Chirurgie Buccale, 2005).

2.3.1.1 Modes d’action des principaux AAP

2.3.1.1.1 L’acide acétylsalicylique (AAS) ou aspirine

L’acide acétylsalicylique (AAS) est l’antiagrégant plaquettaire prescrit en première intention (Samama, 2004). L’aspirine a démontré son efficacité dans le cadre de la prévention secondaire d’accident ischémique du myocarde ou d’accident ischémique cérébral (Agence Nationale de Sécurité du Médicament, 2012b). Le KARDEGIC® est la spécialité pharmaceutique d’AAS la plus communément prescrite et existe à différents dosages selon le niveau d’anti-agrégation recherché.

L’action antiplaquettaire de l’aspirine se fait via l’inhibition de la synthèse de thromboxane A2

(TXA2) au sein des plaquettes sanguines grâce au blocage de la cyclooxygénase plaquettaire COX1. Ce blocage est irréversible et persiste donc dans le temps. Après arrêt de l’aspirine, la récupération complète de la capacité d’agrégation plaquettaire se fait entre 7 et 10 jours.

La posologie est comprise entre 75 et 325mg par jour en une seule prise (Monsuez et al., 2012). Pour des dosages supérieurs à 325mg, l’activité inhibitrice n’augmente que très peu avec une action antiplaquettaire identique.

On notera que l’aspirine prescrite à des fins antalgiques ou antipyrétiques (dosage supérieur à 500mg par jour) exerce évidemment son action antiplaquettaire et augmente donc le risque hémorragique en cas d’intervention chirurgicale jusqu’à 7 jours après l’arrêt du traitement.

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2.3.1.1.2 Les thiénopyridines (ticlopidine et clopidogrel)

Les thiénopyridines sont des antiagrégants de seconde génération avec un mécanisme d’action différent de l’AAS et peuvent ainsi être utilisés en association avec ce dernier. Ce sont des antagonistes des récepteurs plaquettaires de l’adénosine triphosphate (ADP). Ils inhibent donc la voie d’activation thrombocytaire par l’ADP. Ticlopidine et clopidogrel ont un mode d’action similaire. L’action de la ticlopidine est dose-dépendante et il existe un réel risque hémorragique pour des dosages supérieurs à 500mg par jour (Stone et al., 2010). Le clopidogrel exerce la même action que la ticlopidine mais a des dosages moindres diminuant ainsi significativement les complications et augmentant la tolérance à ces molécules (Lévesque and Péron, 2003). De la même façon que l’aspirine, leur action est irréversible et l’effet antiplaquettaire perdure jusqu’au renouvellement du pool thrombocytaire.

Pour les raisons évoquées plus haut, le clopidogrel remplace désormais la ticlopidine lors de la prescription de thiénopyridines. Il est habituellement prescrit à un dosage de 75 mg par jour en une seule prise. Le PLAVIX® est la spécialité pharmaceutique de thiénopyridines communément prescrite.

2.3.1.1.3 Les nouveaux antiagrégants plaquettaires

2.3.1.1.3.1 Prasugrel

Le prasugrel est une thiénopyridine de 3e génération. Il bloque le même récepteur à l’ADP que la ticlopidine et le clopidogrel mais présente une action plus rapide (de l’ordre de 30 minutes) et plus puissante (Sugidachi et al., 2007). Les études montrent une meilleure efficacité de cette nouvelle molécule par rapport au clopidogrel notamment dans la prévention des infarctus du myocarde (IDM) et des thromboses sur stents. En revanche il est à noter que le prasugrel augmente le risque de complications hémorragique par rapport au clopidogrel. Il n’est ainsi pas indiqué chez les patients à risque hémorragique préalablement élevé (patient âgé, faible masse corporelle ou insuffisant hépatique sévère) (Wiviott et al., 2007).

Le prasugrel est commercialisé en France depuis 2010 sous le nom commercial EFIENT®. Il est prescrit au dosage de 10mg par jour en une prise. Il n’est jamais prescrit seul mais en association avec le KARDEGIC®.

2.3.1.1.3.2 Ticagrelor

Le ticagrelor est un inhibiteur réversible du récepteur à l’ADP au niveau plaquettaire. Il fait partie d’une nouvelle classe chimique : les cyclopentyltriazolopyrimidines. Contrairement aux

50 thiénopyridines, le ticagrelor agit directement sur les thrombocytes sans nécessité de transformation chimique. Cette propriété lui permet d’agir rapidement et de façon plus efficace (70 à 80% des plaquettes sont bloquées contre 50% au mieux pour le clopidogrel) (Elbaz, 2011). Le risque majoré de complications hémorragiques demeure équivalent à la prise de prasugrel (Held et al., 2011).

BRILIQUE® est la spécialité pharmaceutique avec comme principe actif le ticagrelor. Il est utilisé à la dose de 90mg deux fois par jour. Il n’est jamais prescrit seul mais en association avec le KARDEGIC®.

2.3.1.2 Evaluation du risque hémorragique lié aux traitements par AAP

Les AAP agissent sur l’hémostase primaire en empêchant la formation du thrombus blanc par agrégation des plaquettes. Or, comme nous l’avons évoqué précédemment, il n’existe aucun test biologique de routine permettant de suspecter un déficit de l’hémostase primaire. Corolairement à cela il n’existe aucun test de routine permettant de prédire un risque majoré d’hémorragie chez un patient traité par AAP.

L’évaluation du risque hémorragique lié aux AAP repose alors sur l’interrogatoire médical, l’examen clinique ainsi que sur une bonne connaissance du traitement du patient.

2.3.1.3 Prise en charge des patients traités par AAP

Historiquement, on préconisait un arrêt du traitement par AAP des patients nécessitant une intervention de chirurgie orale. Cet arrêt avait lieu 7 jours avant l’intervention et la reprise du traitement reprenait 24 à 48 heures après celle-ci.

La littérature a depuis montré qu’une telle approche n’est plus justifiée.

En effet, différentes études ont démontré une augmentation du risque thrombotique chez les patients traités par AAP lors de l’arrêt du traitement (Dineen et al., 2010)(Ferrari et al., 2005)(Collet et al., 2000).

La littérature souligne également que la poursuite du traitement par AAP n’entraine pas d’augmentation du risque hémorragique (Boukais et al., 2013) (Branislav et al., 2015). La prise d’AAP entraine une thrombopathie médicamenteuse touchant 50% des plaquettes. L’autre moitié de la numération plaquettaire reste donc à même d’assurer l’hémostase primaire au niveau de la plaie engendrée par l’acte chirurgical (Ardekian et al., 2000).

Dans certains cas de risque thrombotique très élevé, plusieurs AAP peuvent être prescrit simultanément. Il s’agit de l’association d’aspirine et de clopidogrel. Ces deux AAP agissent sur des cibles différentes au niveau plaquettaire et pourrait théoriquement augmenter le risque

51 hémorragique. Encore une fois, plusieurs études montrent que le risque hémorragique, s’il augmente très légèrement lors d’une bithérapie par antiagrégant plaquettaire, reste parfaitement contrôlable via les mesures d’hémostase locale habituelle (Sánchez-Palomino et al., 2015) (Branislav et al., 2015). La poursuite du traitement par AAP permet donc une bonne gestion du risque thromboembolique sans pour autant entrainer de complications hémorragiques lors d’une chirurgie orale.

Une attention particulière devra néanmoins être portée à l’hémostase locale après chirurgie (utilisations des différentes techniques d’hémostase chirurgicale, sutures, …) pour éviter le risque de saignement post-opératoire.