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Les aliments céréaliers fermentés, des aliments de base

Chapitre 2 : revue bibliographique

2- Les aliments céréaliers fermentés, des aliments de base

2-1- Consommation des aliments céréaliers fermentés dans le monde

Il n’existe pas de données mondiales sur la consommation d’aliments céréaliers fermentés, probablement en raison de la difficulté de récolter de telles données dans certains pays. Toutefois, vu la quantité de céréales produites et consommées au niveau mondial et la variété d’aliments céréaliers fermentés dans le monde, la consommation d’aliments céréaliers fermentés au niveau mondial pourrait être importante.

En effet, les céréales sont considérées par certains auteurs comme la principale source alimentaire mondiale, car elles contribuent à 50 % de l’apport en calories (Kearney, 2010). De plus, les céréales représentent la principale source de calories dans de nombreux pays sur tous les continents (FAO, 1995). En termes de quantité, la disponibilité moyenne entre 2001 et 2011 de différentes catégories d’aliments a été récupéré dans la base de données FAOSTAT

31 (2015). Les céréales sont la matière première agricole la plus disponible (950 tonnes/an), suivie par les légumes (812 tonnes/an), les produits laitiers (548 tonnes/an sans compter le beurre), les fruits (442 tonnes/an sans compter le vin), les racines et féculents (398 tonnes/an) et la viande (259 tonnes/an). Toutefois, la consommation de produits à base de céréales diffère selon le contexte géographique, agro-écologique et socio-économique. Par exemple, la Figure 1 présente la disponibilité alimentaire des catégories d’aliments les plus consommés en Europe et en Afrique entre 2001 et 2011 (FAOSTAT, 2015). En Afrique, les aliments à base de céréales (409g/personnes/jour) sont entre 1 et 9 fois plus disponibles que les autres catégories d’aliments. Ces données mettent en évidence l’importance des produits à base de céréales en Afrique, qui peuvent contribuer jusqu’à 70 % des ingérés énergétiques sur ce continent (Galati et al., 2014; Kearney, 2010). En revanche, en Europe, la disponibilité alimentaire des produits laitiers (593 g/personne/jour) est significativement plus élevée que celles des céréales (361 g/personne/jour).

Figure 1 : Disponibilité alimentaire (en g/personne/jour) de différentes catégories d’aliments en A) Europe et B) Afrique, en 2011 (FAOSTAT, 2015)

Différents livres et revues donnent une idée du grand nombre d’aliments céréaliers fermentés dans le monde (Beuchat, 1997; Blandino et al., 2003; Campbell-Platt, 1994; Franz et al., 2014; Guyot, 2012; Nout, 2009; Oyewole, 1997). Bien que n’existant pas au niveau mondial, des données de consommation sont disponibles pour certains aliments céréaliers fermentés dans certains pays. Par exemple, la consommation de ben-saalga et de ben-kida au Burkina Faso a fait l’objet de plusieurs études (Mouquet-Rivier et al., 2008, 2016). D’après Mouquet-

32 Rivier et al. (2008), 66 % des ménages à Ougadougou consomment cet aliment au moins une fois par mois et peuvent être considérés comme des ménages consommateurs. De plus, 92 % des ménages consommateurs consomment cet aliment au moins une fois par semaine. Ces bouillies sont en particulier utilisées comme aliments de complément pour les jeunes enfants. En effet, 80 % des enfants de moins de deux ans consomment ces bouillies au moins une fois par mois. En terme de quantité, il a été estimé que les enfants de moins de deux ans mangent entre 60 et 130 g de bouillie à base de mil par repas à Ouagadougou (Mouquet-Rivier et al., 2016). Il serait intéressant de réaliser des enquêtes plus précises sur la consommation d’aliments à base de céréales dans d’autres pays d’Afrique.

2-2- Caractéristiques nutritionnelles des aliments céréaliers fermentés

Le nombre important d’aliments céréaliers fermentés existant de par le monde rend difficile la réalisation d’une synthèse de leurs caractéristiques nutritionnelles. De plus, si les caractéristiques nutritionnelles des aliments céréaliers fermentés consommés dans les pays développés, comme le pain de seigle par exemple, sont connues (Souci et al., 2000), celles de nombreux aliments céréaliers fermentés consommés dans les pays à faible et moyens revenus, et en particulier en Afrique restent à déterminer. En revanche, les caractéristiques nutritionelles des principales céréales sont connues et le Tableau 1 en présente quelques exemples.

Les matières premières présentées dans le Tableau 1 ont des densités énergétiques et des teneurs en protéines relativement similaires. En revanche, les teneurs en lipides et en micronutriments sont nettement plus variables d’une céréale à l’autre. Par exemple, la teneur en fer du mil peut être significativement plus élevée que celle des autres céréales. La forte teneur en fer dans le mil et la forte variabilité observée pourraient être due à un apport exogène de fer par les poussières ou le sol ferreux (Abebe et al., 2007; Mouquet-Rivier et al., 2008). La teneur en folates varie également d’une céréale à l’autre et le seigle a une teneur en folates nettement plus élevée que les autres céréales.

Les aliments céréaliers fermentés peuvent avoir des caractéristiques nutritionnelles très différentes des graines à partir desquels ils sont produits. Ces différences peuvent être dues à la transformation subie par les céréales, ainsi qu’au mode de consommation (boisson, bouillie,

33 pain…). Par exemple, le degré de fractionnement des graines a un impact sur les teneurs en nutriments des farines obtenues (Slavin et al., 2001). Les boissons ou les bouillies ont une teneur en matière sèche nettement plus faible que le pain par exemple, ce qui peut induire des teneurs en macro- et micro-nutriments, ainsi que des densités énergétiques plus faibles dans les boissons et bouillies par effet de dilution.

Tableau 1 : Teneur en énergie et en différents macronutriments et micronutriments dans les graines de céréales les plus produites au niveau mondial selon la FAOSTAT (2015). Les données viennent de différentes tables de composition des aliments (Souci et al., 2000; Stadlmayr et al., 2012). Les valeurs sont exprimées pour 100 g de base humide.

Avoine Blé Maïs Mil Orge Riz Seigle Sorgho Energie et macronutriments Energie (kcal/) 333 298 325 348-389 311 345 294 349 Protéines (g) (N x 6.25) 13 12 9 8-16 11 8 10 11 Lipides (g) 7-8 1-2 3-4 4-8 1-2 2-3 2-3 0-6 Micronutriment Fer (mg) 5-7 2-5 1,5 8-74 2-4 2-4 3-10 2-35 Zinc (mg) 3-5 2-10 1-3 2-4 2-4 1-2 1-5 1-6 Calcium (mg) 25-107 25-48 4-19 14-54 33-42 11-39 37-115 7-61 Folates (µg) 33 87 20-40 29-31 65 16 143 29

A titre d’exemple, le Tableau 2 présente les caractéristiques nutritionnelles du ben-saalga et du pain de seigle. Le pain de Seigle est consommé dans de nombreux pays développé, et notamment en Finlande où il représente la principale source en vitamine B9 (Kariluoto, 2008; Kariluoto et al., 2004). Le ben-saalga est l’un des aliments céréaliers fermentés traditionnels africain les plus étudié. En effet, le procédé de fabrication de cet aliment, sa consommation au Burkina Faso et certaines de ses caractéristiques nutritionnelles ont été décrites lors d’études précédentes (Hama et al., 2011; Mouquet-Rivier et al., 2008, 2016; Tou et al., 2006). Des études ont même été menées dans le but d’améliorer la qualité nutritionnelle de cet aliment (Lestienne et al., 2005; Songré-Ouattara et al., 2009, 2010, Tou et al., 2007a, 2007b). Malgré toutes ces études, certaines teneurs en micronutriments du ben-saalga restent à déterminer, comme la teneur en vitamine B9 par exemple. Sachant que ces aliments céréaliers fermentés

34 traditionnels africains sont souvent utilisés comme aliments de compléments aux jeunes enfants, il serait intéressant d’étudier plus en détail leur composition nutritionnelle.

Tableau 2 : Teneur en énergie et en différents macronutriments et micronutriments dans deux aliments céréaliers fermentés : le pain de Seigle et le ben-saalga (Mouquet-Rivier et al., 2008; Souci et al., 2000). Les valeurs sont exprimées pour 100 g de base humide. ND : non déterminé

Pain de Seigle Ben-saalga

Energie et macronutriments Energie (kcal) 217 32 Protéines (g) (N x 6.25) 6,7 0,3-0,8 Lipides (g) 0,8-1,1 0,1-0,5 Micronutriment Fer (mg) 1,5-3,7 0,2-1,2 Zinc (mg) 0,6-1,3 0.1-0.3 Calcium (mg) 25-36 ND Folates (µg) 16 ND

D’après le Tableau 2, le ben-saalga a une densité énergétique très faible (32 kcal/100g) par rapport au pain de Seigle (217 kcal/100g). D’après les données de Mouquet-Rivier et al. (2016), le ben-saalga pourrait procurer 62±34 kcal/jour et 124±58 kcal/jour pour des enfants de six à neuf mois et de 15 à 20 mois, respectivement. D’après Dewey and Brown (2003), les aliments de compléments doivent apporter aux enfants de moins de deux ans une valeur énergétique au minimum supérieure à 202 kcal/jour. La faible densité énergétique des bouillies fermentées à base de mil est due à la faible teneur en matière sèche de l’aliment. En effet, pour que ces bouillies soient consommables par des enfants de moins de deux ans, il faut que leur consistance soit semi-liquide. Sachant que ces bouillies sont cuites avant consommation, les productrices locales ajoutent beaucoup d’eau pour limiter l’épaississement au cours de la cuisson, épaississement dû à la gélatinisation de l’amidon. Les bouillies obtenues ont donc des teneurs en matière sèche comprises entre 5 et 10 g/100g de bouillie (Mouquet-Rivier et al., 2008). Les teneurs en protéines et en lipides sont plus faibles dans le ben-saalga et le pain de seigle par rapport à leur matière première qui sont le mil et seigle, respectivement.

35 Les teneurs en fer et en zinc dans ces deux aliments fermentés sont inférieures à celles des graines de départ. Mouquet-Rivier et al. (2008) ont dosé le fer dans des échantillons de mil et de ben-saalga. Malgré une teneur en fer élevée dans les gaines de mil (21 mg/100g de base humide), la teneur en fer dans le ben-saalga est significativement plus faible (inférieure à 1,2 mg/100g de base humide). D’après ces auteurs, la perte improtante de fer est principalement due à une diffusion du fer dans l’eau pendant le trempage. Contrairement au pain de seigle, les teneurs de certains micronutriments du ben-saalga, comme le calcium et les folates, ne sont pas connues. Il serait intéressant de doser ces deux micronutriments dans le ben-saalga.

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