Les Accords de Bénéfices à la Collectivité

Comme les Accords de Bénéfices à la Collectivité (ABC) sont récents, ils sont toujours en émergence comme outil de négociation lors des redéveloppements et mégaprojets sujets à controverses. Cela dit, il existe déjà une base d’écrits sur ces ententes entre un promoteur et la communauté. Dans le but de mieux cerner ces ABC, portons notre attention vers la définition de l’avocat Julian Gross, l’architecte de plusieurs ABC aux États-Unis. Lors d’un entrevue, Gross a définit ce type

d’accord comme étant :

un contrat exécutoire privé entre un promoteur et des groupes

communautaires en vertu duquel le promoteur s’engage à intégrer certains avantages à la collectivité dans son projet de développement; en

contrepartie, les groupes communautaires acceptent d’appuyer le projet pendant le processus d’approbation du gouvernement (Vandermeulen, 2012, p.34).

Ainsi, les ABC doivent nécessairement comprendre des promesses concrètes de la part du promoteur et l’appui de la part de la communauté pour le projet auprès des élus lors des consultations et processus d’approbation réglementaires (Bechtel, 2008, p. 145; Gross 2009, p.216; Cain 2014, p.942). Toutefois, Gross (2009) insiste sur le fait que le contrat ou accord doit juridiquement inclure des conséquences, le cas échéant, il ne peut pas être considéré comme un ABC (p.218). Un autre point important à souligner est le fait que ces accords sont

rédigés pour un projet unique entre le promoteur et les groupes communautaires (Gross, 2008, p.39).

L’idée que les ABC se sont démontré un outil très utile quant à l’inclusion des groupes communautaires dans les discussions de redéveloppement est un fait sur lequel l’urbaniste californien Murtaza H. Baxamusa (2008), insiste (p.263). De même, il insiste sur la structure des ABC parmi différents types de négociations portant sur des projets de développement. Il énonce : « [t]he [ABC] is different from other private agreements in that it is between a developer and a coalition of

multiple community groups with plural interests » (Baxamusa, 2008, p.263). De plus, le modèle des ABC a la capacité de mettre des acteurs communautaires dans une position de négociation et de discussion, plutôt que d’être en opposition (Cain, 2014; Gross, 2008).

Depuis le début des années 2000, plusieurs ABC importants ont été négociés à Los Angeles, et ailleurs en Californie portant sur différents projets de redéveloppement massif. Parmi ces projets, nous comptons l’expansion de l’aéroport de Los Angeles, la construction de différents complexes sportifs et commerciaux, ainsi que des projets de redéveloppement de friches industrielles et militaires. Ces exemples ont tous été des cas où les ABC qui ont été négociées avec des regroupements ont contribué à l’acceptabilité sociale et l’approbation réglementaire des projets. Les plus grands succès relèvent des groupes organisés, qui ont discuté leurs besoins de façon large. L’urbaniste William Ho, en analysant l’évolution des ABC, a

identifié que l’accent de la part des groupes devrait être fait sur les enjeux au lieu des cibles. Il insiste : « [b]y concentrating on interests, parties have greater flexibility to be inventive and can generate outcomes that have greater value for everyone involved » (Ho, 2008, 29). De plus, comme les ABC existent en dehors des

processus législatifs, les accords peuvent aborder des enjeux socioéconomiques qui ne peuvent pas figurer dans les schémas de développement ni les plans

Néanmoins, cette approche a été reprise par des groupes citoyens ailleurs aux États-Unis, notamment à New York suite à des cas donnant des résultats moins que parfaits. Les ABC du redéveloppement à New York du nouveau Yankee Stadium ont été négociés par les élus et non pas des groupes citoyens. Dans un autre cas new-yorkais de redéveloppement en lien avec un nouveau stade de basketball aux Atlantic Yards, les ABC sont considérés douteux par plusieurs experts. Debra Bechtel (2008), professeur de droit, identifie les problèmes avec ces accords en énonçant :

[It was] negotiated by only eight community groups and has been alleged to be ‘’inherently undemocratic’’ because organizations whose constituencies were citywide or statewide rather than community-based were the primary signers and some of them were receiving funds from the developer (p. 146) Compte tenu de ces types de détournement de l’intention des ABC, la validité du processus repose sur la participation des groupes et ce, de façon inclusive (Gross, 2008p. 38).

Selon Gross (2009), quant à la formalisation du processus, le respect de la part des urbanistes et élus des négociations d’ABC est nécessaire, mais il est préférable que les élus demeurent dans leurs rôles traditionnels (p.222). Selon Gross : « Si un tel accord est négocié, les urbanistes devront s’assurer que toutes les parties

connaissent les attentes de l’instance publique par rapport au projet afin que les négociations respectent les paramètres établis par celle-ci » (Vandermeulen, 2012, p.33). Il est donc important que les membres de la communauté soient

indépendants des processus décisionnels en urbanisme. Ce point est corroboré par les recherches de Patricia Salkin (2007), professeur de droit, elle avance que cette proximité empêche le pouvoir des groupes qui négocient, car elle peut miner leur poids politique (p.8).

Si nous avons fait le tour de cet outil, nous insistons sur un point un peu

contradictoire sur les ABC : leur polyvalence. La grande flexibilité avec laquelle ces accords peuvent être négociés a comme conséquence qu’ils vont varier en fonction

de l’organisation des citoyens et l’influence des groupes sur les processus

d’approbation. Une autre contrainte importante de cet outil est que les cas étudiés touchent des mégaprojets, qui ne sont pas comparables aux friches paroissiales à l’étude. Le principe d’un accord négocié avec la collectivité sous forme de contrat exécutoire est un axe intéressant à explorer pour notre problématique.