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Chapitre 1 : La problématique reliée à la réussite scolaire

1.6. La recension des écrits

1.6.3. Les études empiriques sur les représentations

Pour cette partie de la recension, nous présentons les recherches de Gilly (1980), de Charlier (1989) et de Gosling (1992).

Nous débutons par l'étude de Gilly (1980) qui porte sur la représentation que l’enseignant a de l’étudiant et celle qu’a l’étudiant de l’enseignant. L’auteur s’est servi du jugement sur autrui pour ses travaux sur les représentations. Nous ne présentons que les facteurs de la représentation du professeur à l’égard de l’étudiant. S’inspirant des travaux de Moscovici, l’auteur fait ressortir deux facteurs généraux issus du contexte institutionnel qui viennent contraindre la représentation que l’enseignant se construit à l’égard de l’étudiant. Le premier facteur concerne les conditions qui permettent l’atteinte des objectifs d’apprentissage poursuivis. Lors de la construction de sa représentation, l’enseignant sélectionne les comportements de l’étudiant qui lui assurent qu’il atteint les objectifs préalablement fixés. Le second facteur a trait au respect des normes de la classe comme groupe social d’apprentissage pour que les possibilités d’apprentissage soient les plus nombreuses. Le professeur attribuera alors plus d’importance aux attitudes de l’étudiant qu’à ses aptitudes. Comme le souligne Tardif (1992), ces deux facteurs

constituent non seulement une grille de lecture et d’interprétation de la réalité de l’élève, mais un moule sur lequel l’enseignant tente de moduler ses comportements et ses attitudes. De plus, leur puissance est accrue du fait que les résultats scolaires de l’élève confirment constamment à l’enseignant la validité de sa représentation (p. 422).

La seconde recherche est celle de Charlier (1989) qui a voulu cerner les décisions de planification prises par les enseignants ainsi que les facteurs par lesquels ils les expliquent. Une importance particulière a été accordée aux représentations des enseignants. L'auteure présume qu'elles jouent un rôle important pour expliquer les décisions de l'enseignant. Pour étudier les représentations, elle s’est inspirée surtout des travaux de Moscovici, Gilly et Grize-Verges-Silem en psychologie sociale.

Trente professeurs se sont portés volontaires pour participer à des entrevues semi-structurées individuelles. La cueillette des données s'est effectuée en deux temps, au début du semestre et durant le second semestre. Dans chaque entretien, l'enseignant est invité à verbaliser les décisions prises pour planifier un chapitre de cours.

Les principaux résultats quant à l'objet des décisions indiquent que les décisions concernent principalement l'enseignant (69 % des décisions au premier entretien et 64 % au second). En fait, les décisions les plus fréquentes portent sur l’utilisation des méthodes d’enseignement et du contenu à enseigner et s’appliquent à un chapitre de cours. Quant aux décisions à propos de l’évaluation et des objectifs d’enseignement, elles sont moins nombreuses et restent applicables à plusieurs chapitres de cours. Enfin, les décisions par rapport à la gestion de son temps d’enseignement font rarement l’objet de décisions. Les décisions où les étudiants font l’objet constituent 28 % des cas dans chaque entrevue et celles relatives aux relations professeur-étudiants ne représentent que 4 % des résultats lors du second entretien et aucun pourcentage au premier. Par ailleurs, en ce qui concerne les causes des décisions formulées par les professeurs, près de 30 % sont des représentations et traduisent dans 90 % des cas le point de vue de l'enseignant. Les professeurs citent essentiellement leurs représentations du contenu, de l'apprentissage de celui-ci, ainsi que de la compétence et de l'intérêt de l'étudiant dans le domaine.

La troisième étude de notre recension des écrits se rapporte à Gosling (1992) concernant la représentation des enseignants à l’égard de l'échec et de la réussite scolaire. De sa revue de littérature, l'auteur note qu'une « des constantes des enquêtes effectuées sur ce thème est l'aspect normatif de cette représentation : les enseignants perçoivent les étudiants en fonction des normes scolaires » (p. 29). Le cadre théorique de sa recherche s'articule à partir des concepts d'attribution et d'imputation. L'attribution est une causalité secondaire de nature descriptive et l'imputation, une causalité première donc explicative. En se basant sur Moscovici, Gosling utilise le concept de représentation sociale qui permet l'intégration de la double causalité.

La méthodologie de sa recherche comprend dans un premier temps, deux préenquêtes, une par entretien (environ 30 enseignants) et l'autre par questionnaire (72 enseignants), qui lui permettent d'établir la problématique, la population, le questionnaire définitif et les différents types de questions. Dans un second temps, il passe le questionnaire issu des préenquêtes à 160 enseignants de mathématiques (80 hommes et 80 femmes) et à 160 enseignants de français (nombre égal d’hommes et de femmes). Le questionnaire comporte deux parties, une sur les attributions de la réussite et de l'échec, l’autre sur les représentations du rôle de l'enseignant et de l'école. L’auteur a aussi demandé à chaque enseignant certaines informations factuelles (statut, ancienneté, etc.).

À partir des résultats des analyses factorielles, Gosling a trouvé que c’est la représentation de l’échec qui est déterminante dans la structure des réponses des enseignants quand ils pensent à un étudiant. « Pour l’enseignant de collège, la représentation de l’élève, c’est la représentation de l’élève qui échoue » (p. 121). La représentation de la réussite est quelque peu différente. Les deux principales caractéristiques que les enseignants mentionnent pour leur perception d’un étudiant qui réussit est l’équilibre affectif et le désir de réussir. Ce sont deux descripteurs de la personnalité. L’étudiant qui réussit le doit à des traits de personnalité et l’étudiant qui échoue est, quant à lui, incapable de répondre aux normes institutionnelles.

De plus, Gosling note que la réussite est expliquée par la qualité des enseignants et par la relation pédagogique tandis que l’échec est référé à des déterminants plus généraux tels que l’institution ou le milieu familial. Il soulève que :

l’opposition entre la représentation de la réussite et celle de l’échec peut donc être décrite en terme de proximité et de distance entre l’enseignant et l’élève. L’enseignant intègre la relation pédagogique […] dans sa perception de la réussite. L’élève en échec est au contraire perçue en fonction des objectifs et des normes de l’institution, il est objectivé, tenu à distance par l’enseignant. Les enseignants ont tendance […] à faire de l’élève qui réussit un sujet de la relation, et de l’élève qui échoue un objet de la représentation (p. 127).

L’étudiant qui échoue est donc figé dans une représentation rigide et normative. Quels que soient la matière enseignée et le sexe du professeur, tous les enseignants différencient la réussite et l'échec selon la dimension sujet/objet. Cette caractéristique est commune aux enseignants en tant que groupe institutionnel. Gosling fait remarquer que l’étude de l’échec scolaire sous un angle psychosociologique permet de constater que « les performances des étudiants sont le résultat d’interactions complexes, dans lesquelles les représentations des acteurs de leur rôle, du rôle des autres acteurs, du fonctionnement de l’école, tiennent une grande place » (p. 130).

L’aspect normatif dans la représentation de l’échec scolaire rejoint les résultats de l’étude de Gilly (1980) quant à l’importance des normes attendues dans la construction de la représentation des étudiants.

Donc, de ces trois études, nous retenons que les représentations jouent un rôle dans la relation professeur-étudiants et dans les différents actes professionnels, la planification, l’intervention et l’évaluation.