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Les échecs anesthésiques des molaires mandibulaires

1. Rappels de connaissances et données actuelles

1.5 Les échecs anesthésiques des molaires mandibulaires

1.5.1 Introduction

Le secteur molaire mandibulaire reste un secteur difficilement abordable endodontiquement, avec les moyens anesthésiques actuellement disponibles au cabinet dentaire. Le silence opératoire, particulièrement difficile à obtenir lors de pulpite aigue irréversible, peut devenir un obstacle au bon déroulement de l’acte thérapeutique. Cette difficulté d’analgésie, dans cette situation clinique, peut s’expliquer par plusieurs raisons, que nous allons essayer d’étayer dans cette partie.

1.5.2 Anatomie de la zone molaire mandibulaire

Les racines des molaires mandibulaires sont recouvertes par une épaisse et compacte corticale osseuse. Elles sont innervées par le nerf alvéolaire inférieur situé dans le canal mandibulaire. Ces dents sont généralement composées de deux racines individualisées, une mésiale et une distale. On retrouve la plupart du temps deux canaux dans la racine mésiale et un canal large dans la racine distale. Les apex de ces dents sont orientés en distal. [39]Le profil osseux de cette région est orienté en haut, en arrière et en dehors. Les racines des dents postérieures étant orientées plus verticalement, le dôme apical se retrouve en lingual par rapport au corps mandibulaire. L’anesthésie de ces dents reste compliquée par des anesthésies locales du fait de l’épaisseur importante du rempart osseux cortical. [41])

Corticale osseuse vestibulaire

Canal mandibulaire

Corticale osseuse linguale Os spongieux

1.5.3 Anesthésie et inflammation

Comme nous l’avons décrit, la pulpe dentaire est un des tissus les plus innervés de l'organisme. Elle reçoit une vascularisation terminale et est contenue dans une cavité close inextensible. Cela lui confère un caractère particulièrement algique et fragile.

Lors d’une agression pulpaire, carieuse par exemple, deux phénomènes se mettent en place :

Ø Une modification du pH entraînant une acidification du milieu : Les molécules anesthésiques sont amphiphiles, elles se trouvent sous deux formes : ionisée (en équilibre acido-basique) ou non ionisée (liposoluble). Les formes ionisées sont les formes fonctionnelles mais elles ne peuvent pas passer les membranes cellulaires lipidiques. Inversement les formes non ionisées (liposolubles) passent les membranes cellulaires facilement mais ne sont pas actives. De manière physiologique, le pH neutre du milieu est à 7, et toutes ces formes décrites sont en équilibre car le pH est alors très proche du pKa de la molécule (Ka = constante d’acidité d’une molécule, et pKa = -logKa). Les formes non ionisées diffusent donc très facilement au travers des membranes cellulaires dans les neurones. Le pH local des neurones est lui physiologiquement proche de 2 (très acide). Ainsi les molécules non ionisées qui viennent de traverser vont se ioniser en forme active. De ce fait, le passage des formes non ionisées continu vers les neurones tant que la concentration extra et intra cellulaire n’est pas équilibrée. Ce phénomène, appelé trapping, est possible grâce au pH très acide intracellulaire des neurones qui transforment les molécules en leur forme ionisée (qui rappelons le, ne peuvent pas passer les membranes, elles sont ainsi piégées dans le nerf).

Dans le cas d’une inflammation locale des tissus, on se retrouve avec une diminution du pH local extracellulaire. On se retrouve avec une prédominance des formes ionisées des molécules anesthésiques. Cette forme ne passe pas les membranes cellulaires des neurones, et les formes liposolubles minoritaires passent très lentement vers le nerf. L’anesthésie ne prend pas par blocage des molécules à l’extérieur des cellules nerveuses. (Cours magistral Anesthésiologie M1 – Dr

Ø L’inflammation pulpaire et l’augmentation du taux de CGRP et de substance P : Ces neuropeptides sont responsables d’une augmentation de la vasodilatation et de la perméabilité vasculaire au niveau pulpaire, diminuant ainsi l’efficacité de la solution anesthésique qui est éliminé plus rapidement. La présence des médiateurs de l’inflammation notamment PGE2, la sérotonine et l’adénosine sont à l’origine d’une sensibilisation des nocicepteurs afférents, diminuant ainsi le seuil d’excitabilité des fibres nerveuses nociceptives et donc une augmentation de l’intensité de la douleur. De plus, ces médiateurs entrainent une expression accrue de canaux sodium tetrodotoxin (TTx)-résistant. Ces canaux sodium TTx-résistants sont très peu sensibles à l’action des anesthésiques locaux. Il faut par exemple quatre fois plus de temps à la lidocaïne pour bloquer ces canaux, que pour bloquer les canaux sodium TTx-sensitif.[42]

1.5.4 Variabilités anatomiques

Dans la grande majorité des patients, les molaires mandibulaires sont innervées par le nerf mandibulaire (V.3), qui pénètre dans le canal mandibulaire par la foramen mandibulaire. Il est responsable de la sensibilité : des dents mandibulaires (via le nerf alvéolaire inférieur), des gencives, des joues et de la peau (via le nerf buccal), des lèvres inférieures (nerf mentonnier), du plancher buccal (via le nerf mylo-hyoïdien), et de la langue (via le nerf lingual).

Contrairement à ce qu’il a été décrit en 1.3.3 Anatomie nerveuse, il existe certaines variabilités anatomiques nerveuses qui permettent d’expliquer une partie des échecs anesthésiques :

Ø Selon Kuribayashi et al. [43], dans 15,6% des cas, on retrouve une deuxième branche du nerf alvéolaire inférieur, soit qui se divise du nerf mandibulaire plus en amont, et entre dans la mandibule via un second foramen situé postérieurement au principal, ou soit une deuxième branche du nerf alvéolaire inférieure qui se divise de la principale dans le canal alvéolaire. Ainsi, une anesthésie tronculaire classique ne permet pas d’atteindre les afférences nerveuses. (figure 16. 17. 18)

Figure 16. Image d’un examen Cone-Beam CT d’une mandibule, côté droit (patient masculin, 54 ans). Les images du Cone Beam révèlent clairement un étroit canal mandibulaire supérieur, originaire d’un deuxième foramen mandibulaire qui prend naissance postérieurement.

Ø Un rapport de cas précise l’existence sous estimé d’un deuxième canal mandibulaire, Bifid Mandibular Canal (BMC). Cet article (Bifid Mandibular Canal: A Rare or Underestimated Entity? Nasseh Ibrahim, Aoun Georges. Clinics and Practice,

Oct 2016 ) montre que la simple appréciation sur une radio panoramique ne suffit pas pour

affirmer ou infirmer un BMC.[44]

Figure 18. Reconstitution panoramique, coupe coronale et sagittale issus d’un volume CBCT réalisé sur le même patient que la figure 21.

Ø Selon Stein et al. [45], il existe une innervation accessoire de la part du nerf mylo- hyoïdien vers les molaires mandibulaires. Ces afférences accessoires pénètrent dans la mandibule le long et en dessous de la ligne mylo-hyoïdienne par des foramen accessoires.

Ø Des branches du nerf auriculo-temporal peuvent aussi pénétrer la mandibule et apporter une sensibilité aux molaires mandibulaires [31].

Ø Le nerf buccal peut également être impliqué dans des innervations accessoires, tout comme le premier nerf cervical [31].

2. Etude descriptive des techniques anesthésiques

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