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LENOVO RACHÈTE SES SERVEURS À IBM ET LES MOBILES MOTOROLA À GOOGLE

Dans le document EN EUROPE Droit............... (Page 61-64)

En s’emparant des activités de serveurs d’entrée de gamme d’IBM et de Motorola Mobility, le chinois Lenovo confirme sa stratégie d’expansion sur le plan international, qui passe par le rachat d’entre-prises peu performantes mais bénéficiant d’une forte notoriété. Quant à Google, qui cède ses mobiles Motorola, il fait émerger avec cette opéra-tion une véritable alternative à Samsung pour la

production à grande échelle de smartphones sous Android.

L

e groupe chinois Lenovo pourrait bien détrô-ner le sud-coréen Samsung comme leader mondial de l’électronique. Créé en 1984, positionné d’abord sur le marché des téléviseurs, Lenovo s’est très vite concentré sur le marché des

PC en s’imposant d’abord en Chine. Fort d’une base arrière solide, il a véritablement pris une dimension internationale en décembre 2004 avec le rachat de la division PC d’IBM pour 1,75 milliard de dollars.

Grâce à cette stratégie, qui consiste à s’emparer d’une marque forte à l’étranger, mais également du réseau international de distribution qu’elle a déjà installé, Lenovo s’est imposé en moins de dix ans comme le leader mondial du PC, dépassant HP en 2013, avec 17 % des ventes dans le monde.

Mais le marché du PC est déprimé, notamment depuis 2010 et le lancement de l’iPad. Les tablettes viennent remplacer dans les dépenses des foyers les achats d’ordinateurs portables et autres note books qui avaient pourtant relancé le marché des ordinateurs au début des années 2000. Dès lors, la dépendance de Lenovo au PC est pour l’entreprise un point faible qu’elle envisage de corriger. Deux rachats récents en témoignent.

Le 23 janvier 2014, Lenovo s’est mis d’accord avec IBM pour le rachat de sa division serveurs, plus précisément les serveurs d’entrée de gamme X86. Moyennant 2,3 milliards de dollars, bien moins que les attentes initiales d’IBM, des montants deux fois plus élevés ayant été évoqués par la presse, Le-novo s’empare d’une division dont les marges ont fortement baissé. En effet, les serveurs d’entrée de gamme pour entreprise sont aujourd’hui devenus des commodités, quand les marges élevées se trouvent du côté du logiciel et du cloud computing (infor-matique en nuage), des secteurs sur lesquels IBM se concentre. Ainsi, les serveurs X86 représentent 60 % des ventes de serveurs dans le monde, mais ils permettront à Lenovo d’occuper seulement la troisième place du marché mondial, avec 8 % de parts de marché (chiffres à fin 2013), contre 27 % pour HP et 19 % pour Dell. Reste que les serveurs génèrent des marges plus confortables que le PC et surtout permettent à Lenovo de devenir un interlocuteur plus intégré pour les entreprises, à l’instar de ses concurrents américains qui se sont développés, depuis le marché des serveurs, aussi bien dans le cloud que dans les services informa-tiques.

Une semaine plus tard, le 30 janvier 2014, Lenovo surprenait en annonçant le rachat de Motorola

Mobility à Google. Comme pour les serveurs X86 d’IBM, les mobiles Motorola sont une ancienne gloire de l’électronique américaine, reléguée en arrière-plan par l’évolution technologique. Ainsi, même après avoir été racheté en 2011 par Google (voir REM n°21, p.29), même avec le lancement depuis de deux nouveaux smartphones, le Moto X (haut de gamme) et le Moto G (entrée de gamme), Motorola reste un acteur mineur du marché des smartphones, ayant quasiment disparu des marchés asiatique et européen, les téléphones de l’américain restant en revanche bien présents en Amérique du Sud et aux Etats-Unis, où Motorola fait partie des cinq premiers vendeurs de smartphones.

C’est donc moins un ensemble de performances qu’une marque et l’accès à un réseau de distribu-tion auprès des opérateurs que Lenovo rachète pour la somme de 2,91 milliards de dollars. Avec Mo-torola, Lenovo pourra reproduire sur le marché des smartphones la stratégie déjà initiée avec les PC d’IBM, une stratégie résumée par Gianfranco Lanci, président de Lenovo pour l’Europe cité par Le Figaro :

« La stratégie de développement est simple. Nous commençons par asseoir notre base en Chine, sur une ligne de produits. Une fois que nous avons atteint un seuil critique en volume, nous exportons dans les pays proches, comme la Russie et l’Indo-nésie. Et ensuite, nous nous déployons en Europe et aux Etats-Unis ».

Motorola Mobility vient ainsi s’ajouter aux activités de téléphonie mobile déjà développées par Lenovo.

Afin de limiter sa dépendance au marché du PC, qui en 2013 représente encore les trois quarts du chiffre d’affaires du groupe, Lenovo a dévelop-pé à partir de 2012 une stratégie dite « PC+ » de développement dans les smartphones et les tablettes, ces nouveaux terminaux qui viennent se substituer à l’ordinateur. Avec cette stratégie, Lenovo indique que le marché des smartphones est désor-mais à l’avantage des constructeurs venus de l’informatique (Apple, Lenovo), plus que des constructeurs historiques (Motorola, Nokia ou encore BlackBerry). Les premiers smartphones Lenovo ont ainsi été lancés en Chine il y a deux ans où le groupe affichait déjà en 2013 une part de marché de 11 %. Dans le monde, Lenovo disposait en 2013 d’une part de marché de 4,8 %, très loin derrière Samsung (31 %) et Apple (15 %). Mais cela

Ailleurs REPÈRES & TENDANCES lui suffit, grâce à sa base chinoise, à entrer dans le

top 5 des fabricants mondiaux, une position qui va se renforcer avec Motorola, en permettant notam-ment à Lenovo de pénétrer le marché américain où il n’est pas encore présent. Lenovo contrôlera alors 6 % du marché mondial et deviendra le deuxième fabricant mondial de smartphones sous Android, avec de solides ambitions, notamment détrôner Samsung.

Cette apparition d’un nouvel acteur majeur dans l’univers Android, issu du rachat de Motorola Mobi-lity par Lenovo, constitue peut-être une rupture dans la stratégie de Google pour imposer le système d’exploitation dont il pilote le développement. En effet, pour empêcher Apple de contrôler le marché des smartphones, Google a dû pousser Android auprès du plus grand nombre de constructeurs et trouver, parmi ceux l’ayant adopté, celui capable de venir concurrencer Apple sur le haut de gamme (voir REM n°25 p.62). Ce fut Samsung avec sa gamme Galaxy, au point que le Sud-Coréen s’est imposé comme le premier vendeur de smartphones dans le monde et le meilleur promoteur d’Android.

Mais l’alliance Samsung-Google a entraîné une riposte juridique forte d’Apple, conduisant Google à racheter Motorola Mobility en 2011, afin de s’emparer de son stock de brevets. En devenant également un constructeur de smartphones, Google a fait face à Samsung et à tous les autres construc-teurs de smartphones sous Android. La revente de Motorola Mobility à Lenovo met fin à cette situation, Google se concentrant désormais sur son cœur de métier, l’édition de logiciels, et n’entrant plus en concurrence avec les constructeurs qui recourent à Android. En même temps, en donnant à

Lenovo les moyens de s’internationaliser rapidement, Google peut espérer limiter sa dépendance vis-à-vis de Samsung grâce à l’émergence d’un nouvel acteur majeur, et cela d’autant plus que le marché des smartphones, parvenu à maturité dans les pays développés, s’oriente désormais vers des modèles bon marché, que Lenovo produit déjà pour la Chine.

Pour Google, la cession de Motorola Mobility n’est donc pas l’aveu d’un échec. La revente de Motorola Mobility, vingt-deux mois après l’avoir racheté 12,5 milliards de dollars, ne constitue pas une dépréciation massive de la valeur du constructeur, cédé 2,9 milliards de dollars, soit plus de six fois moins. Google a en effet récupéré 2,9 milliards de trésorerie apportés avec Motorola Mobility. Il a cédé l’activité des décodeurs de Motorola pour 2,24 milliards de dollars. Enfin, il conserve l’essentiel des 17 000 brevets, valorisés 5,5 milliards de dollars dans ses comptes. Il s’agit donc presque d’un jeu à somme nulle, le rachat de Motorola Mobility par Google n’ayant toutefois pas permis de résoudre les problèmes de propriété intellectuelle associés à Android, les constructeurs de smartphones y recourant devant toujours payer des royalties, notamment à Microsoft.

AJ Sources :

- « Le chinois Lenovo achète l’activité serveurs entrée de gamme d’IBM », Cécile Ducourtieux, Le Monde, 23 janvier 2014.

- « Lenovo à l’assaut d’Apple et de Samsung dans les smartphones », Sandrine Cassini, Romain Gueugneau, Les Echos, 31 janvier 2014.

- « Lenovo, à l’assaut du monde, rachète Motorola à Google », Elsa Bembaron, Le Figaro, 31 janvier 2014.

La constitution du numéro 1 mondial de la pu-blicité, devant l’actuel leader, le britannique WPP, ne passera pas par une fusion entre Publicis et Omnicom, les deux groupes n’étant pas parvenus à s’entendre sur les conditions de cette alliance entre

« égaux », chacun souhaitant finalement être un peu plus « égal » que l’autre.

A

nnoncé le 28 juillet 2013 depuis la terrasse de Publicis sur les Champs-Elysées (voir REM n°28, p.44), la fusion surprise entre les numéros 2 et 3 du marché mon-dial de la publicité ne verra finalement pas le jour.

C’est le 9 mai 2014 que l’échec de la fusion a été officiellement annoncé et expliqué, cet échec étant dû à l’impossibilité de fusionner entre égaux, sans trancher lequel, finalement, du « gros » Omi-com ou du plus petit et plus agile Publicis allait l’emporter. En effet, la fusion devait réunir deux groupes aux profils différents, Omnicom étant d’abord positionné sur la publicité traditionnelle, surtout aux Etats-Unis, quand Publicis a su grandir grâce au numérique et aux pays émergents. De l’ancien ou du nouveau, la fusion semblait sur le papier privilégier le nouveau, Publicis devant imposer sa vision des marchés parce qu’il a su, avant ses concurrents, se positionner sur les secteurs aujourd’hui les plus porteurs. D’ailleurs, la fusion entre « égaux » donnait un avantage à Publicis, le numéro 3 du marché réalisant en 2013 un chiffre d’affaires de 6,9 milliards d’euros, contre 10,35 milliards d’euros pour Omicom, le numéro 2 du marché. Or, la fusion faisait aussi émerger un mastodonte de la publicité à la télévision sur le premier marché publicitaire au monde, les Etats-Unis, où Omnicom est très puissant. Dès lors, Omnicom a souhaité intégrer en son sein Publicis plutôt que de partager avec le groupe français une vision stratégique et les postes clés du nouvel ensemble. C’est du moins ce qu’a expliqué Maurice Lévy, président du directoire de Publicis, après l’annonce de l’échec de la fusion. Il a dénoncé la volonté d’Omnicom d’imposer ses hommes à la

tête du groupe, en l’occurrence la direction finan-cière et la direction juridique. Dans les faits, une telle organisation aurait fait de New York, ac-tuel siège d’Omnicom, le centre décisionnel de la nouvelle entité. Enfin, et même si cet aspect était acté lors de l’annonce de la fusion en juillet 2013, Omnicom aurait buté sur la très lourde réorganisa-tion que lui imposait la fusion, à savoir aligner sa politique de rémunération sur celle de Publicis, où les salaires sont près de 30 % inférieurs à Omnicom, gage d’une bien meilleure rentabilité.

D’autres facteurs ont également retardé la fusion puis conduit à son échec. Le montage pour une fusion entre égaux est en effet complexe et difficile car, légalement, il faut que l’une des deux entreprises rachète l’autre, un point jamais précisé officiellement et pourtant fortement symbolique. Enfin, Omnicom a expliqué l’échec par la complexité politique du dossier, l’installation du siège social au Pays-Bas afin de bénéficier d’un dispositif fiscal avantageux ayant soulevé des problèmes. C’est d’ailleurs ces difficultés qu’Omnicom a mentionnées dès le 21 avril 2014 pour indiquer une première fois que la fusion était menacée. A cette occasion, le Royaume-Uni a été présenté comme nouvelle résidence fiscale possible pour la nouvelle entité.

Les autorités américaines comme françaises, confrontées à ces pratiques de manière récurrente, auront sans doute freiné en coulisse ces velléités d’expatriation fiscale…

Restent donc les enjeux, pour Omnicom comme pour Publicis, qui doivent désormais se développer chacun de son côté. Concernant Omnicom, la réorganisation prévue dans le cadre de la fusion avec Publicis a indiqué qu’une rentabilité plus élevée est possible. Concernant Publicis, la question de la taille, si elle ne se pose pas sur le marché classique de la publicité, ressurgit toutefois sur le marché numérique. En effet, Publicis avait justifié la fusion au nom de la nécessaire course à la taille pour que les agences de

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