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Le lemme de Nakayama topologique

Nous prouvons ici un lemme de Nakayama topologique pour les représentations de prodimension finie, analogue à celui qu’on obtient dans le cas des représentations profinies (voir par exemple [BH97]).

Proposition 3.2.31. Soit Λ une k-algèbre topologique commutative compacte et I un idéal de Λ, avec In → 0. Soit V un k-espace vectoriel de prodimension finie muni d’une structure de Λ-module topologique. Si I.V = 0, alors V = 0.

Démonstration. Supposons au contraire que V ne soit pas réduit à l’élément neutre, et soit U un sous-espace vectoriel ouvert de V , avec U 6= V . Par continuité de l’action de Λ, il existe un sous-espace vectoriel ouvert W de V et k ∈ N tels que Ik· W ⊂ U . Mais W étant ouvert, il est de codimension finie. Soit alors v1, . . . , vn une base d’un supplémentaire de W . Pour chaque i, il existe ki tel que Iki · vi ∈ U . Soit donc k = max {k, k1, . . . , kn}. On a alors Ik · V ⊂ U . Mais puisque I · V = V , par récurrence on montre que Ik· V = V , et donc V ⊂ U , ce qui est absurde.

Remarque 3.2.32. Bien que ce ne soit pas évident, le fait que la topologie de V soit linéaire est nécessaire dans la preuve (i.e, un espace vectoriel topologique compact ne suffit pas), car en règle générale on peut juste affirmer l’existence d’un ouvert Wx de V tel que {a.w, a ∈ In, w ∈ Wx} ⊂ W . Il faut donc un moyen de pouvoir prendre pour W un ouvert stable par addition, ce qui était par exemple le cas si V était profini.

Corollaire 3.2.33. Sous les hypothèses précédentes, V /IV est un Λ/I-module de type fini si et seulement si V est un Λ-module de type fini.

Démonstration. Il est évident que si V est un Λ-module de type fini, alors V /IV est un Λ/I-module de type fini. Inversement, si V /IV est de type fini sur Λ/I, soient v1, . . . , vndes relèvements à V de générateurs de V /IV . Posons W = Λv1+· · ·+Λvn. Puisque W est l’image continue d’un compact par une application continue, il est fermé, et donc V /W est linéairement compact. On peut donc appliquer la proposition précédente à V /W , qui vérifie alors I(V /W ) = (IV + W )/W = V /W , et donc V /W = 0 et V = W est de type fini sur Λ.

En pratique, nous appliquerons souvent ce résultat dans le cas où k est un corps de caractéristique p, et V est une représentation k-linéaire de prodimension finie de Zp, de sorte que V est alors un k[[Zp]] ' k[[π]]-module.

Le corollaire nous dit alors que V /πV est un k-espace-vectoriel de dimension finie si et seulement si V est un k[[π]]-module de type fini.

3 (ψ, Γ)-modules et (ϕ, Γ)-modules

Dans tout ce qui suit et jusqu’à la fin du chapitre 3, sauf mention explicite du contraire, k est un corps de caractéristique p, non nécessairement fini.

Nous introduisons ici les (ϕ, Γ)-modules sur k((π)), en imitant la définition de Fontaine. Nous étudions en particulier l’opérateur ψ, et construisons les réseaux D] et D\ de Colmez, et montrons comment reconstruire ϕ à partir de la donnée de ψ.

À l’exception de ceux des sections 3.4 et 3.5, les résultats de cette partie ne sont pas originaux, mais dûs à Colmez, au moins dans le cas d’un corps fini, ce qui en pratique ne change pas grand-chose. Nous redonnons quand même ces preuves pour deux raisons. La première est que les preuves de Colmez sont données dans le cas de (ϕ, Γ)-modules de caractéristique nulle, et bien que la plupart du temps elles se ramènent par dévissage à travailler avec des objets de torsion, elles sont souvent plus longues que celles que nous donnons ici. La seconde raison est que parfois (en particulier pour la preuve du théorème 3.3.50) les résultats de Colmez utilisent l’équivalence entre (ϕ, Γ)-modules et représentations galoisiennes, dont nous ne disposons que si k est fini.

3.1 (ϕ, Γ)-modules en caractéristique p

Soit k((π)) le corps des séries de Laurent à coefficients dans k, et soit ϕ l’endo-morphisme de k((π)) défini par

ϕ X n∈Z anπn ! =X n∈Z anπpn.

On définit une action k-linéaire continue de Γ sur k((π)) en posant γ · π = (1 + π)χcycl(γ)− 1.

Si D est un espace vectoriel de dimension finie sur k((π)), on appelle réseau de D un sous k[[π]]-module de type fini de D de rang égal à la dimension de D sur k((π)). Si M, N sont deux réseaux de D, alors il existe deux entiers a et b tels que πaN ⊂ M ⊂ πbN car k[[π]] est un anneau de valuation discrète. En particulier, si M et N sont deux réseaux tels que N ⊂ M , alors M/N est un k-espace vectoriel de dimension finie.

Définition 3.3.1. On appelle ϕ-module sur k((π)) un k((π))-espace vectoriel D de dimension finie d muni d’une application ϕ : D → D, semi-linéaire par rapport à ϕ : k((π)) → k((π)), et telle que la matrice de ϕ dans une base soit dans GLd(k((π))).

C’est un résultat classique que, quelle que soit la base de D choisie, la matrice de ϕ dans cette base est dans GLd(k((π))).

Il est en fait possible d’enrichir la notion de ϕ-module en celle de (ϕ, Γ)-module, en imitant la définition donnée par Fontaine dans le cas d’un corps de coefficients fini.

Définition 3.3.2. On appelle (ϕ, Γ)-module sur k((π)) un ϕ-module muni d’une action semi-linéaire continue de Γ, commutant à celle de ϕ.

Exemple 3.3.3. Soit D un k((π))-espace vectoriel de dimension 1, de base e, λ ∈ k× et r ∈ Z. Alors on peut munir D d’une structure de (ϕ, Γ)-module en posant ϕ(e) = λe et γa(e) = ω(a)re (où comme précédemment, γa est l’unique élément de Γ tel que χcycla) = a). On note Dλ,r ce (ϕ, Γ)-module. Il s’agit en fait des seuls exemples de (ϕ, Γ)-modules de dimension 1, comme le prouve la proposition suivante.

Proposition 3.3.4. Soit D un (ϕ, Γ)-module de dimension 1. Alors il existe λ ∈ k× et r ∈ {0, . . . , p − 2} tel que D ' Dλ,r.

Démonstration. Soit e une base de D, et soit h(π) 6= 0 tel que ϕ(e) = h(π)e. Écri-vons h(π) = λπbf (π), avec λ ∈ k×, a ∈ Z et f ∈ 1 + πk[[π]].

Pour g(π) ∈ k[[π]], on a ϕ(g(π)e) = ϕ(g(π))g(π) h(π)(g(π)e). Alors, si g(π) =Q

i=1ϕi(f (π)), on a g(π) ϕ(g(π)) = 1 f (π). 3. (ψ, Γ)-MODULES ET (ϕ, Γ)-MODULES 83

Quitte à changer e en g(π)e, on peut donc supposer que ϕ(e) = λπae, avec a ∈ Z. Et quitte à changer encore e en πbe, où b est le quotient de la division euclidienne de a par p − 1, il est même possible de supposer 0 ≤ a ≤ p − 1.

Soit alors γ tel que χcycl(γ) = 1 + p, et soit l(π) ∈ k[[π]] tel que γ(e) = l(π)e. Alors ϕ(l(π))πae = ϕ(γ(e)) = γ(ϕ(e)) = ((1 + π)1+p− 1)al(π)e, ce qui implique alors que a = 0 et l est scalaire. Cela suffit à conclure.

Des (ϕ, Γ)-modules irréductibles de dimension plus grande peuvent également être obtenus par extension des scalaires de (ϕ, Γ)-modules sur Fp((π)) qui proviennent de représentations galoisiennes irréductibles via l’équivalence de catégories de Fon-taine. En particulier, Berger a donné dans [Ber10c] une description explicite du (ϕ, Γ)-module D(ind(ωhn)).

Proposition 3.3.5 ([Ber10c, théorème 2.1.6]). Soit n ≥ 2 et 1 ≤ h ≤ pn − 2 primitif. Alors le (ϕ, Γ)-module D(ind(ωh

n)) est défini sur Fp((π)) et possède une base e0, . . . , en−1 dans laquelle γ(ej) = ω(γ)πγ(π) 

hpj(p−1)/(pn−1)

si γ ∈ Γ, ϕ(ej) = ej+1 si 0 ≤ j ≤ n − 2 et ϕ(en−1) = (−1)n−1π−h(p−1)e0.

Pour tout corps k de caractéristique p, il est possible de définir un (ϕ, Γ)-module de dimension n, qu’on note D(ind(ωh

n))k (ou D(ind(ωh

n)) lorsqu’il n’y a pas d’ambi-guïté sur le corps k) de la même manière, c’est-à-dire muni d’une base e0, . . . , en−1 dans laquelle les matrices de ϕ et γ sont les mêmes que celles définies dans la propo-sition. Nous verrons plus tard (corollaire 3.3.52) que ce (ϕ, Γ)-module est toujours irréductible.

Enfin, notons que dans le cas où k est algébriquement clos, l’équivalence de catégories de Fontaine se généralise en une bijection entre (ϕ, Γ)-modules irréduc-tibles et représentations irréducirréduc-tibles du groupe de Weil WQp, comme prouvé dans [BV12, Theorem B]. Toutefois, cette bijection ne jouit pas d’aussi bonnes propriétés que celle de Fontaine, en particulier elle ne s’étend pas aux objets non irréductibles. Dans le cas d’un corps fini, on retrouve exactement l’équivalence de Fontaine, toute représentation de dimension finie du groupe de Weil pouvant s’étendre à une repré-sentation du groupe de Galois tout entier.

De plus, on peut prouver ([BV12, Proposition 2.2]) que toute représentation irréductible de dimension n de WQp est de la forme (k ⊗Fpind(ωh

n)) ⊗ µλ, pour h ∈ Z et λ ∈ k×. Ce résultat permet d’affirmer que si k est algébriquement clos, alors tout (ϕ, Γ)-module irréductible sur k((π)) est d’un des types décrits précédemment.

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