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I. Chapitre 1 – Introduction aux interactions lectine/sucre

I.2 Les lectines

Les lectines, situées à la surface des cellules ou des microorganismes ont un rôle de reconnaissance (Figure I.8). Dans leur stratégie d’adhésion, les microorganismes utilisent ces

protéines spécifiques comme premier point d’accroche sur la cellule-hôte par l’intermédiaire

des glycoconjugués. Dans ce paragraphe, nous présenterons de manière générale les lectines avant de les classer et de définir plus spécifiquement leurs rôles biologiques.

Figure I.8 Représentation schématique de l’interaction lectine-glycoconjugué. L’accroche entre deux cellules se

fait par une reconnaissance mutuelle des lectines aux glycoconjugués de ces deux cellules. De même, les lectines des bactéries et des virus ainsi que les toxines se lient aux glycoconjugués (glycolipides et glycoprotéines) de la

cellule. La reconnaissance des bactéries par la cellule se fait aussi par l’intermédiaire des lectines [Sharon 2004].

I.2.1 Généralité

Les lectines sont définies comme des protéines capables de reconnaître et de se lier de façon non-covalente à des sucres (mono- ou oligosaccharides) de manière réversible et avec une grande spécificité, sans pour autant les modifier [Kocourek 1981]. Elles n’ont pas d’activité enzymatique et ne sont pas dues à une réponse immunitaire. De plus, elles peuvent

interagir avec des hématies pour provoquer leur agglutination (réticulation et précipitation) [Goldstein 1980]. Cette caractéristique des lectines, appelée hémagglutination, est souvent utilisée pour déterminer son affinité avec un sucre [Lis 1998].

Ces protéines sont présentes dans tout le règne du vivant : chez les micro-organismes (bactéries, virus, levures, champignons), chez les végétaux et chez les animaux. Ce caractère ubiquitaire5 indique une grande diversité de structure suivant l’organisme auquel elle appartient. La localisation et le rôle biologique diffèrent aussi selon l’origine de la lectine.

L’affinité entre la lectine et son ligand6 (mesurée à partir de la constante de dissociation Kd) est généralement assez faible, de l’ordre du millimolaire [Lee 2000]. De plus, l’interaction est très sélective avec peu de substitutions autorisées. Une lectine spécifique du

galactose, ne peut pas interagir avec du mannose ou du glucose et inversement. Pour donner

5 Ubiquitaire : que l’on trouve partout.

6 Ligand : molécule qui se lie de manière spécifique et non-covalente à une macromolécule cible telle que les

une affinité fonctionnelle nécessaire entre la lectine et son ligand, plusieurs phénomènes ont

été mis en évidence [Lis 1998]. Tout d’abord, la lectine est un récepteur généralement

multivalent, présentant plusieurs sites de reconnaissance. En augmentant sa région

d’interaction, elle peut interagir avec plusieurs monosaccharides à la fois, qu’ils soient isolés

ou sur un même oligosaccharide [Merritt 1994]. Plusieurs sites de liaisons identiques peuvent aussi se regrouper en oligomère de protéines. Cette macromolécule peut alors se lier

simultanément à des bras espacés d’un oligosaccharide. Dans les deux cas, c’est l’augmentation du nombre de liaisons qui renforce l’interaction entre les deux, on parle alors de l’« effet cluster » [Lundquist 2002].

I.2.2 Classification, rôles et applications

Les lectines ont une grande diversité que ce soit au niveau de leur origine, de leur

structure ou de leur fonction ou affinité. Si l’on souhaite classer des lectines, ces

caractéristiques peuvent être des critères de classement. Voici des exemples de classification réalisées :

Lis et Sharon ont établi un classement basé sur l’affinité de la lectine à un des cinq

monosaccharides suivant : mannose, galactose/N-acétylgalactosamine,

N-acétylglucosamine, fucose et l’acide sialique [Lis 1998]. La pertinence de ce

classement vient du fait que ces monosaccharides naturels sont les constituants de surface des cellules. Cependant, cette méthode oublie que certaines lectines se lient uniquement aux oligosaccharides.

En prenant en compte cette dernière remarque, on peut créer deux groupes : un premier pour les lectines reconnaissant les monosaccharides et un deuxième pour celles qui ont une affinité avec les oligosaccharides [Sharon 2003].

En se référant à leur structure, on peut répartir les lectines en trois groupes :

simples (masse en dessous de 40 kDa) ;

en mosaïque or multidomaines (molécules de masse variable) ;

en assemblée macromoléculaire (petites unités qui s’insèrent dans la

structure des organites filamenteux chez les bactéries). A partir de l’origine de la lectine, on définit quatre classes :

les lectines bactériennes et virales ;

les lectines végétales ;

les lectines animales ;

les lectines fongiques.

Nous avons choisi de présenter, dans un tableau, quelques exemples de lectines en utilisant la classification par origine (Figure I.9). Toutefois, une base de données plus complète est disponible sur le site du CERMAV (http://www.cermav.cnrs.fr/lectines/).

Figure I.9 Quelques exemples de lectines, classées en fonction de leur origine.

Les lectines bactériennes et virales reconnaissent les glycoconjugués puis se lient à eux.

Elles facilitent les processus de colonisation et d’infection. On compte trois classes de lectines

bactériennes : les adhésines fimbriales, les toxines et les lectines solubles (Figure I.10) [Imberty 2005].

Figure I.10 Représentation schématique des lectines bactériennes : (a) toxines, (b) lectines solubles et (c) adhésines fimbriales [Imberty 2005].

Les lectines animales jouent, quant à elles, un rôle dans de nombreux processus

On compte un grand nombre de lectines végétales. Elles semblent tout d’abord agir sur l’élongation des parois végétales. Elles interviennent aussi dans la reconnaissance et la

défense des organismes contre les phytopathogènes. Cependant, leur rôle exact reste encore à définir [Rüdiger 2001].

Les lectines fongiques sont utilisées dans le processus de reconnaissance et d’adhésion

aux hôtes ou aux sources de nourriture. Elles jouent aussi un rôle dans la toxicité des champignons [Imberty 2005].

Grâce à leurs propriétés, les lectines sont des outils précieux pour de nombreuses applications : l’identification et la séparation cellulaire, la détection, l’isolation et les études structurales des glycoprotéines, l’étude des glycoconjugués présents sur les cellules et les organelles, la différenciation des cellules cancéreuses,… [Sharon 2004].