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Le texte pour informer, l’illustration pour capter l’attention

Jusqu’au début du XIXe siècle la majeure partie des affiches de théâtre était

typographique, constituée de lettres, lui conférant un but informatif, sans réellement chercher à séduire le passant. Cet aspect austère a considérablement été modifié avec l’arrivée de la lithographie dans le milieu de l’imprimerie puis de la chromolithographie, ou autrement dit : la lithographique en couleurs, créée en Angleterre, introduite et diffusée en France par les affiches de Jules Chéret vers 187099. Les affiches de la collection Jules Verne s’inscrivent dans cette période et dans

cette technique puisque la première est datée vers 1874 [fig.30]. Ainsi ces affiches sont avant tout illustrées ; la typographie est toujours présente mais bien souvent elle s’inscrit et se plie à l’image, si bien que quelques fois la lettre est affiliée à l’illustration pour en devenir elle-même un élément. Néanmoins, l’exception d’une affiche, uniquement typographique [fig.37] témoigne que la lettre seule est encore utilisée au XXe siècle à des fins informatives comme ce fut le cas par le passé100.

99 Françoise LEMPERT, « Chromolithographie », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 7 mai 2019.) URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/chromolithographie/

100 Nelly NOUVET, Les affiches typographiques du théâtre des Célestin au début du XXe siècle,

mémoire d’étude de Master 1, Cultures de l’écrit et de l’image sous la direction d'Evelyne Cohen, École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques, Université Lumière, Lyon, 2013, p.38

Les affiches de théâtre se différencient des affiches pour les étrennes de par leurs dimensions et leurs esthétiques. En effet, ces affiches ont des formats généralement supérieurs à 1 mètre de hauteur ou de largeur. Ceci s’explique par le mode d’affichage, non plus dans les librairies mais dans la rue. Tandis que l’affiche Hetzel devait renseigner le client potentiel en évoquant tous les paramètres nécessaires à la vente, les affiches de théâtre, elles, servent à promouvoir un spectacle et à indiquer les quelques informations clés afin de diriger le public.

L’affiche de théâtre doit par conséquent être visible, claire et reconnaissable. L’illustration est d’autant plus importante qu’elle doit renvoyer l’image de la pièce, en délivrant une idée globale du type de représentation dont il s’agit. Il y a peu de texte et ce dernier est caractérisé, pour les titres, par des couleurs vives tel que le rouge, le jaune ou encore le noir, surligné, encadré ou non afin d’annoncer très clairement les représentations. Les affiches entièrement illustrées doivent attirer le regard grâce à de nombreux détails que l’observateur interprètera par la suite.

Les adaptations à la scène sont quelques fois des pièces dites à « grand spectacle », elles sont destinées à toutes les classes sociales et à tous les âges et visent par conséquent un large public101.

Ainsi elles développent plusieurs types de représentations, cherchant à créer une image toujours plus captivante et convaincante. Par exemple, le fait d’illustrer des personnages dans des dimensions importantes rapproche l’image du spectateur. Dans plusieurs affiches de la pièce Michel Strogoff, un cavalier est placé sur la partie droite ou gauche, à côté d’une ou plusieurs scènes représentées. Ce personnage dessiné dans toute sa hauteur, ajoutée à celle de sa monture forme une figure impressionnante qui interpelle le passant. En effet, ce cavalier semble se diriger vers l’observateur et s’adresse par conséquent à lui.

Par ailleurs, parmi ces affiches pour la pièce Michel Strogoff, l’une d’entre elles est délibérément dite « passe-partout ». Ce qualificatif courant dans les affiches de théâtre désigne un type d’affiches répandues, presque sans texte. Ces dernières comportent très souvent uniquement une illustration et un titre. En effet, elles doivent

être accompagnées d’un bandeau de texte supplémentaire pour indiquer les modalités des représentations. Elles sont essentiellement créées pour les tournées.

Ainsi, des affiches comme celles comportant la mention du Théâtre de Rennes vers 1900 [fig.33] avec la note « Tous les soirs à 7h1/4 » ne nécessitent pas plus d’information pour le public intéressé. En revanche, pour d’autres affiches n’évoquant que le titre de la pièce avec le nom du théâtre comme celle du théâtre du Châtelet vers 1886 [fig.31], l’ajout d’une note était nécessaire pour préciser la programmation des représentations.

Quelque fois l’affiche mentionne directement le nom de l’acteur principal comme M. Romain pour l’affiche de Louis Galice vers 1899 [fig.46], également le nom donné à la tournée. Les troupes sont bien souvent menées par un premier rôle, c’est l’artiste vedette. La mise en avant d’un acteur en costume à travers l’affiche, et notamment dans un format vertical n’est pas sans rappeler les célèbres lithographies dévoilant la comédienne Sarah Bernhardt.

Par ailleurs dans l’affiche vu précédemment et également dans une autre lithographie datée elle aussi vers 1899 [fig.45], le nom de la « tournée Romain » est mentionné. Les affiches font références à ces troupes de théâtre qui sillonnent les villes, interprétant à leurs manières les Voyages extraordinaires sur les planches. Ces troupes sont signalées dans les archives numérisées du Grand Théâtre de Tours ; la Troupe du Châtelet vers les années 1910 et jusqu’en 1926 pour la pièce du Tour du

Monde en 80 jours, et pour Michel Strogoff la Tournée Miquel en 1898 et la Tournée

Doria en 1904102.

Les affiches de théâtre mentionnent les multiples imprimeurs et lithographes, notamment de F. Appel103, dont le nom est présent dans la collection à de multiples

reprises mais également Ch. Wall, Louis Galice, Guérin Derenne Lluis & Cie, Forbes Co, F. A. Searle, Suppligeon, Paul Dupont, P. Chapellier, des imprimeries Charles Lévy pour les affiches américaines et Émile Lévy pour les affiches françaises. Enfin, Appel et Morris se spécialisent dans les affiches de spectacle104.

102 Voir : http://www.operadetours.fr/15-archives/65-archives 103 Voir : http://elec.enc.sorbonne.fr/imprimeurs/node/21556

104 Réjane BARGIEL (dir.), 150 ans de Publicité : collection du Musée des Arts Décoratifs, Op. cit., p.38

Contrairement aux affiches d’étrennes mentionnant systématiquement l’année dont elles font références, les affiches de théâtre comportent très rarement une date, rendant le travail de datation complexe. En effet, l’affiche en tant que telle, ne comporte pas de date, sauf exception pour l’affiche de la pièce Le Voyage dans la Lune

[fig.51], dont le jour de la représentation est indiqué par : « Dimanche 17 avril 1892 ».

Ainsi pour ces affiches de théâtre, au même titre que pour les affiches de divertissement en général, l’illustration prend une place prépondérante au détriment du texte. Il s’agit là d’être direct, visible de loin, et d’être le plus explicite possible. L’affiche doit capter le regard et être à la portée des passants se déplaçant dans les rues des villes.