• Aucun résultat trouvé

LE TERRITOIRE COMME BIEN PUBLIC ADMINISTRÉ PAR L’ÉTAT

UNE ÎLE DE RÉ MÉTAMORPHOSÉE

LE TERRITOIRE COMME BIEN PUBLIC ADMINISTRÉ PAR L’ÉTAT

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

135 .

«Les règlements administratifs nous déconnectent de la réalité de la nature [...] La terre il faut l’observer, mesurer toujours. [...]. Il y a tout un écosystème à comprendre pour savoir comment occuper le sol.[...] Nous, on sort d’ici, on entend la mer, on se dit « demain attention, si j’ai un boulot à faire je vais le faire ! » Rien que la mer ou elle tombe ou elle tape, ou les vagues se brisent, ça nous indique le temps qu’il fera le lendemain, vous voyez ! Et en agriculture c’est primordial ! Ce sont des petites choses, mais quand on est agriculteur qu’on a des traitements à faire, des semailles à faire, pour nous c’est important. Moi je sors d’ici, je vous dis, demain, il aura des vents de nord-est, parce que la mer frappe de ce côté-là. Quand elle frappe de l’autre côté avec un roulement continu, on se dit, attention, il y aura une tempête.[...] Il faut être très prudent ! Surtout quand on parle de la nature ! Alors justement au niveau agricole, c’est là où c’est important, parce que non seulement il y a le métier, mais après c’est toutes les connaissances qu’il faut avoir der- rière pour réussir à avoir une récolte. Alors quelquefois bien sûr, aujourd’hui, on est plus averti qu’avant. Mais je vois par exemple à la coopérative, on nous envoie un avis de traitement pour traiter les vignes, mais combien de fois je fais mon traite- ment parce que j’ai entendu la mer là bas. Et au niveau culture, c’est important! Pour semer du grain, on n’est pas libre de se- mer quand on veut, il y a une saison. On extrapole des choses extraordinaires, mais ça ne mène à rien.»

RENÉ1

1. René MASSÉ, cf.annexe p.235

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

136 .

André Chaigne nous évoque ici son inquiétude en tant qu’agriculteur face à aux nouvelles appropriations de l’espace.

« 1979 :

Si nous faisons un retour en arrière dans l’histoire de l’île de Ré, nous nous

apercevons que l’île était peuplée, à la fin du XVIIIe siècle, de plus de 20 000

habitants, que son économie reposait presque essentiellement sur l’agriculture, qu’il n’y avait à cette époque pas un pouce de terre en friche, que chaque arpent du territoire était convoité, que pour cela, la terre était payée plus cher qu’ail-

leurs, et enfin que l’écologie se pratiquait sans écologiste. »1

« FIN 1989 :

Devant les difficultés que nos îles rencontrent, et plus encore qu’elles vont rencontrer, une médecine douce n’aura aucun effet : comme devant un cas dé- sespéré, il faut parfois recourir à la chirurgie … Ainsi la création d’un territoire des îles avec une assemblée d’insulaires parlant le même langage, doté d’une administration représentant les pouvoirs publics, très spécialisée dans les pro- blèmes posés par l’insularité et chargée de veiller à l’application d’un « statut particulier » à nos îles. Cela devrait permettre de prendre, en raison de cette situation, les mesures spécifiques de sauvegarde et d’aide au maintien d’une forte population active qui assureraient ainsi l’équilibre humain et la conversa- tion du site face au tourisme. Ni Ministre de l’Environnement, ni Commission des Sites et des Paysages, ni écologistes, ni Conservation du littoral, ne pourront remplacer les paysans dans leur noble rôle de « faire le pays » selon leur voca- tion ancestrale qui, hélas, tend à disparaître, auquel s’ajoute celle de nourrir les

hommes qui l’habitent. »2

André CHAIGNE

1. CHAIGNE André, île de Ré où vas tu ?, édition Rupella, 1985, p. 46 2. Ibid, p.89

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

137 .

Les échanges que j’ai pu avoir avec Bernard, nous révèlent les répercussions que cette nouvelle gestion de l’espace a engendré.

« La mer on la fait arriver par des chenaux et puis ces chenaux ali- mentent un grand bassin qui est commun à plusieurs propriétaires pour le sel, qu’on appelle un vasier. Et après, à partir de cette partie-là chacun prend son eau dans ce bassin. Il y a une première décantation de l’eau qui se fait, une grande réserve d’eau creusée par la main de l’homme et après il y a les chenaux qui emmènent l’eau dans les marais salants. Et tout cela était entretenu. Maintenant c’est une gestion intercommunale, ce sont des gros budgets avec des pelleteuses, c’est fait moins fréquem- ment, mais du coup ça se dégrade beaucoup plus vite. Et le souci qu’on a eu avec Xynthia en 2010, c’est que l’eau est entrée et passée au-dessus des digues. Dans la zone humide, elle est restée prisonnière. Parce que les chenaux n’étaient pas entretenus, l’eau ne s’est pas retirée assez vite. La commune de la Couarde est restée dans l’eau plusieurs jours. En l’occur- rence par rapport à un manque d’entretien. Le regroupement intercom- munal, c’est bien pour certaines choses, mais il faut aussi garder une proximité. Les maires ont leur rôle, mais il y a une connaissance locale, une rapidité d’intervention avec des personnes locales, des personnes qui connaissent leur commune. Cela pourrait être fait à moindre coût. Or, aujourd’hui, cela est fait avec des budgets énormes et parfois un peu trop tard. » 1

1 Entretien avec PERRIN Bernard, habitant à La Flotte, réalisé le 9 septembre 2015

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

138 .

Toute cette protection environnementale permet, certes, de préserver l’île face à l’urbanisation, mais aussi d’en faire son attractivité.

On travaille l’environnement de sorte à assurer une lisibilité et une mise en scène des repères paysagers.

L’objectif des politiques environnementales ne s’arrête pas à protéger seu- lement la faune et la flore, mais aussi à maintenir une cohérence paysagère globale qui en fait l’attractivité de l’île.

L’espace rural qui est devenu une nouvelle qualité spatiale pour l’oisiveté a été qualifié de naturel par son opposition à l’urbain. Or, comme on l’a mentionné ci-dessus, l’aménagement du territoire qui tient à la structura- tion du spectacle répond à nos idéologies. Ces idéologies qu’on a déve- loppées face à l’espace rural ont, de ce fait, impliqué une « mise en sau- vage » de certains espaces qui à l’origine étaient des espaces façonnés par l’exploitation agricole. Pour comprendre comment notre idéologie s’est fondée face à la campagne ou au rural il est essentiel de voir cet espace comme étant l’espace premier, à partir duquel s’est déroulé l’espace sau- vage. En effet, c’est l’espace rural, qui a donné naissance à l’espace sauvage tout comme l’espace rural est devenu sauvage par l’espace urbain. Comme nous explique Augustin Berque « Tous ces termes prennent du sens les uns avec les autres. La nature prend sens à ce qui est artificiel ».1

1BERQUE Augustin, Le rural, le sauvage et l’urbain, enregistré le mardi 15 janvier 2013 à l’Université de Corse. Captation LFX Centaure Production. Sept.2013, Séminaire scientifique mené par Augustin Berque dans le cadre de la Chaire « Développement des territoires et innovations » (Fondation de l’Université de Corse/Laboratoire Lieux, espaces, Identités et Activités). Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=jqQ90ATU5ZI., consulté le 9/02/16

ÉCOLOGIE COMME DISPOSITIF DE

Documents relatifs