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Analyse des travaux et productions des élèves

3- Un révélateur de pratiques et de discours

3.2 Du côté des élèves

3.2.1 Le site, un outil légitimé mais sous utilisé?

Les élèves n’ont pas intégré l’usage du site ​Mauriac en ligne comme un outil de valorisation, et de facilitation. Les collégiens, interrogés en fin de parcours ont même oublié le site, pour certains, et n’ont retenu que le document créé par leur professeur. A la question : vous souvenez-vous des textes sur la guerre d’Espagne, où se trouvent-ils ? ils répondent “ ​sur

le… l’endroit où tout le collège peut y accéder, … le... là... enfin toute la classe pouvait y accéder​”. On peut noter qu’autant l’usage et le vocabulaire attaché au réseau du collège n’est pas stable, mais surtout que le site ​Mauriac en ligne​, pour certains, est oublié. Quand on les interroge sur l’usage que l’on a fait du site, ils l’ont oublié, ils se remémorent les textes, regroupés dans un document sur l’ENT de l’établissement, il faut leur préciser que ces textes sont issus de la mise en ligne effectuée par l’université, une fois cette précision faite ils pensent tout d’abord aux journaux, “​ah oui, non, c’est dans les journaux, comment il s’appelle son journal … c’était le ... c’était un journal connu… le Figaro.. oui! le Figaro ​”.

Mais en leur rappelant que l’on n’a ni ouvert ni consulté de journal, ils ripostent “ ​c’était à la bibliothèque de Bordeaux … à...au patrimoine...la bibliothèque de Bordeaux qui les publiait, non ?​”, cela est confus pour eux.

Et enfin ils ajoutent “ ​c’était la dame que l’on a vue au tout début de l’année qui en fait elle avait créé un site où elle regroupait tous les textes que l’on a trouvés de François Mauriac, enfin elle les scannait depuis des papiers authentiques (…) et elle les publiait pour que les gens puissent avoir connaissance de ce qu’il a fait​”.

Mais ils ne savent plus comment s’appelle le site, ils y réfléchissent et l’un d’eux retrouve le nom “​c’est Mauriac en ligne je crois … oui c’est ça…​”. Ces hésitations montrent le peu de place accordée au site dans la construction de connaissances par les élèves, puisque l’expérience de navigation n’a presque pas laissé de trace, si ce n’est dans la référence à des documents authentiques.

D’autres ont retrouvé plus vite le site en ligne, son nom, ils expriment alors l’idée que ce travail est légitime pour eux, “​ça permet de faire découvrir à un plus grand nombre​”​, ​“​les choses comme ça c’est très bien, de nos jours c’est beaucoup plus pratique ​”​, ​“​se moderniser pour les bibliothèques​”​, ​“​les papiers peuvent être dématérialisés​”. Le vocabulaire employé

est précis, ils y accordent une place rassurante, pour eux cette approche est moderne, et ils avouent que “​pourquoi ne s’en serviraient-ils pas en fait​”?

Jessica Fèvres de Bideran le dit, intégrer ce site à un dispositif pédagogique est “ ​une

injonction ​(qui) vient du politique, c’est important de le dire, je pense que vraiment ça vient du financeur (...) ​des politiques culturelles, vous avez un site, c’est trés bien il faut l’ouvrir à d’autres publics maintenant et l’EAC était en vogue.​”

Il y aurait donc d’un côté un travail mené par des universitaires qui vient à rencontrer un public scolaire, à la faveur d’un politique culturelle, l’EAC, “l’éducation à”, et qui n’avait pas anticipé cette expérience.

La médiation nécessaire à ce projet a-t-elle manqué de préparation? De temps de réflexions? Pourquoi ne pas s’être appuyé sur la médiation déjà pensée et existante au domaine de Malagar, s’en inspirer pour la médiation numérique autour du site ​Mauriac en ligne​? J. Fèvres de Bideran le concède la collaboration avec Astrid LLado et le centre François Mauriac n’a pas été si évidente. “ ​On fonctionne tous en silos, les échanges sont difficiles ​(...) Astrid ​(Llado) a été sollicitée très tôt sur cette réflexion, sur les usages du pédagogiques, et en même temps on n’arrive pas à dépasser le cadre de réunion.​”

Le site serait-il juste un artifice? Un prétexte à un usage numérique? Son ossature, son design ne permettent-ils pas un usage simple et autonome des élèves?

Lorsque le blog , (le carnet de recherche) a été pensé il l’a été pour rendre l’accès plus facile 20 aux données et aux textes. Et aussi pour partager les travaux et productions des projets menés. J. Fèvres de Bideran dit de cet espace : “ ​on a ouvert le blog en se disant c’est plus facile​”, “​là aussi on veut expérimenter plein de choses​”, à propos de la base de données et d’un accès aux enseignants elle s’interroge : “ ​je ne sais pas trop ce qu’ils auraient pu en faire, de la description collaborative, des commentaires?​”.

Le fait est que la base de données est sous utilisée, et par les enseignants et par les élèves. A la création du blog l’objectif était de simplifier les usages, le constat de J. Fèvres de Bideran est sans appel, “​ça patine​” confesse-t-elle, “​moi j’adorerais que les enseignants écrivent,

postent des photos de la classe ​”, mais cet espace “​reste un wordpress, ça reste un espace numérique et tous les enseignants ne sont pas acculturés à cela, et du coup ça peut aussi rebuter​” .

Une autre structure avec un autre projet rencontre les mêmes difficultés. Le Rahmi (Réseau 21

Aquitaine pour l’Histoire et la Mémoire de l’Immigration) a un espace scolaire, “ ​trés simple,

sur leur site, censé être ouvert à tous, les enseignants ne s’en emparent pas non plus ​” nous

indique J. Fèvres de Bideran, et d’ajouter “ ​cela tient beaucoup je pense à ce que le numérique nous on le conçoit, nous pôle de médiation, on se dit, tiens on va créer un espace que l’on pourra se l’approprier et en fait je pense que l’appropriation elle ne passe pas par le numérique.​”

C’est ce paradoxe que nous révèlent ces observations et ces entretiens : la mise à disposition, le partage, la richesse commune partagée, finalement “ ​on n’arrive pas à la transformer en pratiques partagées​”, “​on ne passe pas le cap​” (J. F. de Bideran)

20 Mauriac en ligne, carnet de recherche sur les ressources numériques Lien :

https://mauriacenligne.hypotheses.org

21​Le projet ​Mémoire de l’immigration s’appuie principalement sur le réseau du Rahmi (Réseau Aquitaine pour

l’Histoire et la Mémoire de l’Immigration) pour initier les élèves aux apports des populations immigrées à notre société et notre histoire, sur les plans économiques, culturels, etc. Le Rahmi entretient pour ce faire une vaste banque de données numériques issue de multiples collectes de mémoire orale : les républicains espagnols, les combattants marocains, les tiralleurs sénégalais, les Portugais etc., et possède un espace pédagogique qui a pour but d’être enrichi par les réalisations des élèves. Au Rahmi s’ajoutent notamment les Archives Départementales du territoire concerné, et un riche tissu associatif. Cette action se présente comme une initiation à la collecte de la mémoire orale et à l’entretien, au traitement de ces données et à leur restitution ; elle peut ainsi valoriser le vivre-ensemble et la variété des parcours, et faire de l’immigration plus qu’un chapitre isolé de l’histoire. Lien :

Mais cependant les élèves valident ce choix, cet espace. Ils disent “ ​que c’est un site pour permettre aux gens de découvrir ou de redécouvrir des articles de François Mauriac ​”, ils l’estiment, sont sensibles à la démarche, ils le disent, mettre des textes d’un auteur sur un site web “​ça permet de le faire vivre​”, ils ont intégré l’objectif et son enjeu et ajoutent que c’est ​dommage qu’il y ait si peu de pub autour, en fait, le site n’est pas vraiment connu et

(trouvent) ​que c’est beaucoup de travail pour peu de retour en fait​.”

Il y a ici une ambiguïté, les élèves disent comprendre et approuver la démarche, sans pour autant en avoir eu un usage poussé ni expert, ils en perçoivent la légitimité, peut-être ont-ils perçu le sérieux de la construction de cet espace, dans tous les cas ils le disent, mais est-ce là seulement une façon de répondre au discours attendu des adultes? N’y a-t-il pas comme une injonction faite à ces élèves? Peut-être peut-on parler alors d’une norme intégrée par les élèves?

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