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2. Matériels et méthodes

2.4. Le site pilote de la côte ouest de La Réunion

En plus des similitudes géologiques, des rapprochements hydrogéologiques peuvent être établis entre la côte ouest de La Réunion et la Grande Comore. Le site de Saint-Gilles/La Saline situé sur la côte ouest de l’île de La Réunion sera donc choisi comme site pilote pour les investigations hydrogéologiques. Les résultats de ces analyses pourront ainsi être extrapolés et appliqués au contexte volcanique comorien.

La côte ouest de l’île de La Réunion a fait l’objet d’un vaste programme de recherche de l’eau souterraine au début des années 1990, pendant lequel plusieurs ouvrages ont été réalisés. Actuellement, plusieurs stations de pompage d’eau souterraine (dont 6 dans la zone d’étude) fonctionnent dans ce secteur à des débits variant entre 60 et plus de 100 m3/h).

Les essais hydrauliques réalisés font état d’un aquifère basaltique très transmissif (avec une transmissivité moyenne de 0,1 m²/s) dans lequel la nappe se trouve en équilibre hydrodynamique avec l’océan. La nappe exploitée est contenue à la fois dans la porosité de fractures des coulées basaltiques et dans la porosité granulaire des scories. Le site étudié illustre bien la complexité hydrogéologique des systèmes insulaires volcaniques, pour plusieurs aspects :

a) Une répartition inégale de l’alimentation

A l’hétérogénéité structurale de l’aquifère s’ajoute la disparité de la recharge et de l’alimentation des nappes. La majeure partie de la pluviométrie est localisée dans les hauts, sur les planèzes du Grand Bénard et du Maido (près de 1500 mm/an). Les parties basses de la zone d’étude sont très peu arrosées (moins de 200 mm/an). Une grande partie de l’écoulement souterrain provenant des précipitations est chenalisée dans les ravines les plus importantes (Grande Ravine, Ravine des Trois-Bassins) dans lesquelles des pics de piézométrie de plus d’un mètre accompagnent les évènements pluvieux les plus intenses.

b) Une diversité géomorphologique de la limite en aval

L’autre aspect intéressant de ce secteur d’étude concerne la géomorphologie irrégulière de la limite en aval. En effet, du nord au sud, plusieurs typologies de littoral sont rencontrées : les plaines d’accumulation fluvio-marine à l’Ermitage (dépôts de sables fins et débris coralliens), les cônes détritiques alluviaux (Ravine des Trois Bassins, Grande Ravine, Petite Ravine) et les côtes rocheuses escarpées (falaises côtières à la Pointe des Chateaux et au lieu dit Fond Jardin, au nord de Saint-Leu).

c) Une distribution des perméabilités liée à l’âge des coulées

La géologie de la zone d’étude reste globalement homogène sur une ligne de côte de 20 km. Elle se caractérise par une succession de coulées volcaniques datant de la phase I à la phase IV de l’activité du Piton des Neiges (3069 m).

La phase I, antérieure à 2,1 Ma (stade indifférencié) comporte des basaltes aphyriques fortement altérés et zéolitisés (dépôt d’altération hydrothermale), accompagnés de brèches basaltiques primitives et d’océanites anciennes (Billard and Vincent 1974).

La phase II (entre 2,1 Ma et 430 000 ans) est composée de basaltes à olivine et d’océanites récentes. Cette période correspond à la fin du stade indifférencié et présente un faciès zéolitisé jusqu’à 550 000 ans et non zéolitisé après 550 000 ans (Billard and Vincent 1974). Certains auteurs font référence à cette période en parlant de la série basaltique (McDougall 1971), de la série des océanites (Rocher 1988) ou encore du stade océanitique (Kluska 1997).

La phase III (350 000 à 250 000 ans) correspond au début du stade différencié. Elle est constituée de hawaiites, de benmoréites et de basaltes à phénocristaux de pyroxènes et de feldspaths plagioclases localement appelés « roches pintades ». Enfin, la phase IV (230 000 à 70 000 ans) marque la fin du stade différencié. Elle est caractérisée par des coulées fortement différenciées (mugéarites et trachytes).

Illustration 20 : Contexte géologique de la zone d’étude [carré rouge]

d) Une distribution des perméabilités liée à la structure des coulées

La structure générale de l’aquifère se présente sous la forme d’un empilement de coulées massives compactes et plus ou moins fissurées, parfois vacuolaires. Ces coulées peuvent atteindre chacune d’importantes épaisseurs (plus de 10 m) notamment au cœur des paléo-vallées ou anciens talwegs. Elles sont régulièrement intercalées par des horizons scoriacés plus ou moins altérés, des paléosols ou des surfaces d’érosion argilisées. La complexité du système est portée à son comble avec la présence sporadique d’anciens tunnels de lave constituant des chenaux d’écoulement préférentiel pour l’eau souterraine.

Illustration 21 : Hétérogénéité structurale de l’aquifère basaltique e) Un degré de confinement variable des nappes côtières

Deux systèmes hydrogéologiques ont été identifiés : une nappe côtière et superficielle au sein des sables détritiques et coralliens (la nappe des sables) d’une part, et une nappe de base et plus profonde au sein des coulées basaltiques (la nappe des basaltes) d’autre part. La nappe des sables est spatialement limitée à la plaine côtière de Saint-Gilles et de La Saline. Elle est fortement influencée par le lagon et la mer aussi bien sur le plan hydrodynamique que physico-chimique (Cordier et al., 2013). La nappe des basaltes se trouve dans l’aquifère de base. Elle s’étend sous la nappe des sables et sur toute la zone d’étude. Elle interagit davantage avec l’océan qu’avec le lagon (Join et al. 1988).

Un paléosol altéré constitue la limite imperméable séparant les deux aquifères. La nappe des basaltes est donc captive sous l’aquifère sableux avec une diffusivité hydraulique moyenne de 140 m²/s calculée au niveau d’un piézomètre crépiné dans la nappe captive (P18). La partie libre de la nappe est captée par les piézomètres instrumentés dans le cadre de cette étude. Sa diffusivité moyenne calculée au niveau de l’ouvrage F1 est estimée à 40 m²/s (Join et al. 1988).

Illustration 22 : Contexte hydrogéologique conceptuel de la plaine côtière de Saint-Gilles/La Saline Mis à part ce contexte captif particulier identifié au niveau de cette plaine côtière, le reste du secteur étudié présente des conditions d’aquifères libres ou semi-captifs, avec des diffusivités apparentes calculées inférieures à 50 m²/s. Cette dernière caractéristique des nappes côtières joue un rôle prépondérant sur la propagation du signal marégraphique aussi bien en termes de transfert de pression que de solutés.

Le fonctionnement d’un milieu aussi complexe ne peut donc être appréhendé que grâce à la combinaison de différents outils d’investigation au travers d’une approche pluridisciplinaire. La méthodologie employée ici vise deux objectifs ;

- i) caractériser les hétérogénéités spatiales du milieu volcanique et comprendre leur rôle dans la dynamique des intrusions salines,

- ii) étudier l’évolution temporelle des paramètres hydrogéologiques vis-à-vis des forçages externes naturels et anthropiques.