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1.2 Le signe

1.2.2 Le signe comme ´el´ement du processus de signification

Comme nous l’avons d´ej`a mentionn´e plus haut, le mot signe d´esigne commun´ement  quelque chose qui est l`a pour repr´esenter autre chose  [86]. En partant de cette obser- vation, Ferdinand de Saussure [54], le p`ere de la linguistique moderne, a d´efini le signe comme ´etant un objet compos´e de deux ´el´ements : un signifiant, i.e. l’objet physique porteur du signe, et un signifi´e, i.e. l’id´ee ou le concept port´e(e) par le signe.

Ce syst`eme est cependant incomplet car il ne prend pas en compte la chose r´eelle correspondant au concept port´e par le signifi´e. Revenons sur notre exemple de la section 1.1. Un /disque/ de la figure 1.3 correspond au signifi´e du signe correspondant. Imaginons qu’il a pour signifiant la s´equence de g`enes < (F BSP 3)(GRM1) > . Il ne peut acqu´erir son statut de signe qu’`a partir du moment o`u cette s´equence fait r´ef´erence `a un ph´enom`ene, c’est-`a-dire qu’il existe deux entit´es (g`enes), qui apparaissent fr´equemment ensemble dans des organismes et tels que l’une de ces entit´es a un niveau d’expression sup´erieur `a l’autre. Cet ´el´ement du signe est appel´e r´ef´erent. La notion de r´ef´erent peut paraˆıtre ambigu¨e mais c’est la seule qui a ´et´e trouv´ee pour prendre en compte le fait que nous pensons traiter des choses r´eelles lorsque nous utilisons un syst`eme de signes.

Eco [61] fait remonter cette distinction aux Sto¨ıciens mais c’est Peirce [139] qui est le premier s´emioticien `a avoir d´efini la notion de signe comme la r´eunion de ces trois ´el´ements (representatum pour signifiant, interpr´etant pour signifi´e et objet pour r´ef´erent). La fig- ure 1.17, propos´ee par Eco, repr´esente cette d´efinition triadique du signe en reprenant les diff´erentes appellations des ´el´ements selon les auteurs classiques. Il existe aussi d’autres mod`eles, plus complexes, permettant de d´ecrire un signe, e.g. le mod`ele t´etradique [114].

17. On pourrait cependant remarquer ici que la l´egende peut aussi permettre d’´eviter certaines erreurs de contexte, comme celle ´evoqu´ee ci-dessus. Nous reviendrons sur ce point dans la section 1.2.3.3.

Nous n’allons pas les pr´esenter ici car le triadique est amplement suffisant pour la suite de notre expos´e. On peut cependant remarquer que chacun d’entre eux repose sur la dis- tinction introduite par Hjemslev [95] entre un plan de l’expression (i.e. forme physique du signe, signifiant dans le mod`ele triadique) et un plan du contenu (i.e. signification du signe, signifi´e + r´ef´erent dans le mod`ele triadique). C’est l’union de ces deux plans, la semiosis, qui constitue la forme s´emiotique. Cette union est repr´esent´ee dans la figure 1.17 par un lien discontinu entre le signifiant et le signifi´e car elle r´esulte de l’´etablisse- ment d’un lien entre le signifiant et le signifi´e d’une part, et d’un lien entre le signifi´e et le r´ef´erent d’autre part.

Figure 1.17: D´efinition triadique du signe. Signifiant : entit´e physique du signe. Signifi´e : concept signifi´e. R´ef´erent : objet auquel le signe se r´ef`ere.

Les notions pr´esent´ees ci-dessus nous am`enent `a faire quelques remarques sur certains des points d´elicats pouvant entraˆıner l’absence de s´emiosis dans une carte produite par un syst`eme de visualisation d’information. Ces points correspondent aux erreurs sur le signe ´evoqu´ees dans la section pr´ec´edente. Nous pouvons maintenant les analyser grˆace aux nouvelles notions que nous avons introduites. Tout d’abord, nous devons insister sur la n´ecessit´e de produire une l´egende claire. En effet, lorsque l’on veut comprendre un texte ´ecrit dans une langue ´etrang`ere, un dictionnaire18 nous permet de transformer les

signifiants de cette langue en des signifiants de notre langue natale afin de pouvoir leur associer un signifi´e. Par exemple, nous allons traduire le signifiant anglais /horse/ en signifiant fran¸cais /cheval/ par l’interm´ediaire duquel nous pourrons associer le signifi´e  cheval , c’est-`a-dire l’id´ee d’un  animal `a quatre pattes permettant aux chevaliers du Moyen- ˆAge de se livrer bataille. La prochaine fois que nous rencontrerons ce mot /horse/

18. Le mot dictionnaire est employ´e ici comme un outil ´etablissant des liens d’´equivalence entre les signes issus d’un premier code et les signes issus d’un second code (e.g. un dictionnaire anglais-fran¸cais).

nous pourrons ainsi directement l’associer `a son signifi´e. Il en est de mˆeme pour la visu- alisation de l’information, il nous faut un dictionnaire, c’est-`a-dire un moyen permettant de passer du code utilis´e dans la carte `a un code qui nous est connu, le plus souvent le code linguistique19. C’est principalement la l´egende qui joue ce rˆole. Lorsque les signes

sont plus compliqu´es, on peut aussi passer par un manuel utilisateur ou tout simplement transmettre oralement le code.

Un autre probl`eme beaucoup plus difficile `a traiter et qui peut limiter l’acceptation d’une m´ethode de visualisation de l’information concerne la difficult´e `a ´etablir un lien entre le signifi´e et le r´ef´erent. Dans l’exemple de la section 1.1, nous avons construit des groupes de s´equences et nous les avons repr´esent´es de fa¸con `a ce que l’utilisateur puisse les distinguer (voir figures 1.3 et 1.9). Une description d´etaill´ee de l’algorithme peut permettre au biologiste de connaˆıtre le signifi´e de tels groupes. En revanche, il peut ˆetre compliqu´e pour lui d’interpr´eter `a quels ph´enom`enes concrets correspond ce d´ecoupage. Il existe d’ailleurs ´enorm´ement de m´ethodes de fragmentation et ´enorm´ement de mesures de leurs qualit´es menant `a des r´esultats contradictoires et difficilement interpr´etables20. Dans un

tel contexte, alors que mˆeme les sp´ecialistes de la fragmentation n’arrivent pas `a d´efinir ce qu’est une fragmentation efficace, comment le biologiste pourrait-il avoir une vision claire des ph´enom`enes concrets que la fragmentation est cens´ee lui pr´esenter.

Un deuxi`eme exemple de ce type de probl`eme est soulev´e dans [44]. Ici, les auteurs ont observ´e que des indices globaux refl´etant la pertinence des pages de wikipedia ´etaient tr`es peu utilis´es. La semiosis est ici bloqu´ee car l’utilisateur a certes acc`es au signifiant (e.g. /0.33/) et `a son signifi´e (e.g.  l’indice de pertinence de la page est de 0.33 sur 1 ) mais il lui manque le r´ef´erent, i.e. `a quoi correspond un indice de 0.33 concr`etement. Il ne peut donc pas savoir dans quelle mesure il peut se fier au contenu de cette page et la liaison entre le plan de l’expression et le plan du contenu est rompue. La solution propos´ee par les auteurs consiste `a remplacer l’indice par plusieurs signes refl´etant tous une propri´et´e particuli`ere de l’indice et dont le lien entre le signifi´e et le r´ef´erent est facilement ´etabli par l’utilisateur.

Pour r´esumer les deux points que nous venons d’´evoquer, le producteur d’une carte de visualisation de l’information doit, pour chaque signe qu’il utilise dans sa carte, d’une part, s’assurer que le lien entre le signifiant et le signifi´e est correctement fourni `a l’utilisateur (grˆace `a une l´egende, un texte, oralement ...) et, d’autre part, s’assurer qu’il existe un lien entre le signifi´e et le r´ef´erent. Il semble d’ailleurs qu’une ´etude des r´eactions suscit´ees par la carte aupr`es des utilisateurs soit n´ecessaire pour ´eclaircir ce point.

19. Le moyen d´ecrit ici nous permet en fait de repousser le probl`eme de la signification des objets de la carte au probl`eme de la signification des ´el´ements linguistiques : d’o`u vient le sens que l’on attribue `a ces ´el´ements ? Ce probl`eme rel`eve principalement de la philosophie et c’est pourquoi nous n’en parlerons pas ici. L’essai Le probl`eme de la signification en linguistique  du recueil [144] de Quine, pourra aider le lecteur `a en savoir plus. Notons que ce probl`eme a des cons´equences importantes pour la conception des dictionnaires ´etablissant des liens d’´equivalence entre signes d’un mˆeme code (e.g. le dictionnaire de la langue fran¸caise). Pour une compl`ete description de ces questions, voir [62].

20. Pour se faire une id´ee du nombre de techniques disponibles, nous convions le lecteur `a jeter un œil sur l’article de Schaeffer [160] donnant une vue d’ensemble des m´ethodes de fragmentation de graphe. La difficult´e d’interpr´etation des mesures de qualit´e de ces m´ethodes a quant `a elle ´et´e observ´ee par Boutin et Hasco¨et [27].

Nous allons maintenant nous int´eresser `a une troisi`eme approche de d´efinition d’un signe selon ses dimensions s´emantique, syntaxique et pragmatique.

1.2.3 Le signe per¸cu selon trois dimensions : s´emantique, syntaxique et