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Le savoir-être

Dans le document Les compétences au sein de l'école (Page 32-35)

3.6 Nécessités pédagogique et sociale

3.6.5 Le savoir-être

« La famille, pendant ces mêmes années de détérioration sociale, connaissait une évolution dont on est encore loin d’avoir mesuré les effets (Sulllerot, 1997). Elle est devenue une institution beaucoup plus mouvante et fragile, ajoutant une précarité supplémentaire à celle de l’emploi et au sentiment d’insécurité. Cette

87. Op. cit. p.61

88. Document de travail des services de la commission, Mémorandum sur l’éducation et la formation tout au long de la vie, Bruxelles, le 30.10.2000 SEC(2000) 1832, 41 pages, p.8.

89. Hirtt, Nico, Les Nouveaux maître de l’école, Bruxelle, Edition ADEN, janvier 2000, 164 pages, page 80.

90. Op. cit. page 81. 91. Op. cit. page 82.

évolution est sans doute en partie indépendante de celle du capitalisme, bien que la recherche d’une flexibilité maximale dans les entreprises soit en harmonie avec une dévalorisation de la famille en tant que facteur de rigidité temporelle et géogra- phique, en sorte que, comme nous le verrons par la suite, des schèmes idéologiques similaires sont mobilisés pour justifier l’adaptabilité dans les relations de travail et la mobilité dans la vie affective. Il reste que les changements intervenus dans la sphère économique et dans la sphère privée sont suffisamment en phase pour que le monde du familial apparaisse de moins en moins capable de fonctionner comme un filet de protection, notamment pour assurer aux enfants des positions équivalentes à celle des parents, sans pour autant que l’école, sur laquelle avait été massivement transféré, à partir des années 60, le travail de reproduction, soit en mesure de satisfaire les espérances dont elle avait fait l’objet.92» Ainsi que le sou-

lignent Luc Boltanski et Eve Chiapello dès le prologue de leur ouvrage « Le nouvel esprit du capitalisme », les entreprises dans notre société capitaliste en crise sont à la « recherche d’une flexibilité maximale », ce qui n’est pas sans conséquence93.

C’est également ce que fait remarquer Nico Hirtt dans son ouvrage « Les nouveaux maîtres de l’école » : « Le travailleur ne doit pas seulement être capable de s’inté- grer à un environnement hyper-flexible, toujours changeant sur le plan technique et instable sur le plan social. Il doit aussi être disposé à s’y intégrer, prêt à accep- ter cette lourde contrainte.94» Le concept même de compétence tel qu’il nous est présenté dans son acception moderne est alors à cet égard très utile. L’existence d’une troisième catégorie en dehors du « savoir » et du « savoir-faire », le « savoir- être » vient répondre à cette nécessité d’adaptabilité et de flexibilité. « Outre des compétences professionnelles, il faut donc inculquer également certains types de « compétences sociales », c’est-à-dire de comportements, d’attitudes.95 » En ef-

fet, « dans un monde en évolution rapide, notamment sous l’effet des changements technologiques et de la société de l’information, la frontière entre éducation et for- mation devient de moins en moins étanche96 » déclare même le conseil européen.

La ministre de l’enseignement autrichienne, Elisabeth Gehrer, précise lors d’un discours en 1998 : « Pour l’école, cela signifie qu’en plus de bonnes connaissances professionnelles, les jeunes gens doivent également acquérir des compétences de méthode, des compétences sociales et des compétences assurant l’autonomie. Au rang de ces compétences-là, également appelés “soft-skills”, on compte : le tra- vail d’équipe, le dialogue, la gestion des conflits, la communication, la flexibilité, la pensée créative, le sens social, la disponibilité à la formation continuée et la

motivation d’apprendre.97 » En 2008, le programme d’éducation musicale issu

du BO spécial n◦06 du 28 août 2008 expliquait à propos de la « contribution originale et indispensable à l’acquisition du socle commun » que la « fréquence des situations collectives, l’éducation d’une écoute critique, la réalisation régu-

92. Boltanski / Chiapello, Luc / Eve, Le Nouvel Esprit du Capitalisme, Edition Gallimard, 1999, 971 pages, page 23.

93. L’« enquête sur les situations familliales » (ESF) réalisée en 1985 et publié en 1994 a montré qu’en France « la probabilité de vivre dans une famille recomposée a doublé en seulement quelques années. » Op. cit. pages 745-746.

94. Hirtt, Nico, Les Nouveaux maître de l’école, Bruxelle, Edition ADEN, janvier 2000, 164 pages, page 62.

95. Op. cit. page 62. 96. Op. cit. page 63. 97. Op. cit. page 63.

lière de projets artistiques développent les compétences sociales et civiques98 tout en renforçant les capacités d’initiative et d’autonomie.99 » Le conseil européen n’hésite d’ailleurs pas à définir la citoyenneté dite « active » en ces termes : « l’apprentissage de la citoyenneté active inclut l’accès aux capacités et aux compétences dont les jeunes auront besoin pour participer efficacement à l’économie dans un contexte de modernisation technologique, de mondialisation de l’économie, et, très concrètement, de marchés européens du travail transna- tionaux.100 » La définition de ce qu’inclut l’apprentissage de la citoyenneté est on ne peut plus explicite, il s’agit bien in fine d’une citoyenneté nous menant à « participer efficacement à l’économie. » Selon l’OCDE, « les impératifs écono- miques, qui découlent des besoins de la société du savoir et du marché du travail, concordent avec la nécessité pour la collectivité de renforcer la cohésion sociale. La démarche de l’apprentissage à vie offre une solution crédible pour faire face à ces phénomènes économiques et sociaux.101 » L’école se voit de facto attribuer le rôle d’apprentissage à la « citoyenneté active » afin de « renforcer la cohésion sociale. » Sans doute pourrait-on s’interroger sur le sens que peut bien revêtir l’expression « cohésion sociale » et sur les moyens mis en œuvre pour la « ren- forcer. » La commission européenne conclut que « ces compétences ne sont pas seulement souhaitables pour quelques-uns, elles sont en passe de le devenir pour tous.102 » Nico Hirtt, quant à lui, conclut d’une toute autre manière : « On peut craindre qu’avec les réformes en cours les « bons citoyens » ne deviennent surtout des citoyens soumis. Le véritable esprit critique, celui qui permet de s’affranchir des dogmes de la pensée dominante, ne se nourrit pas de valeurs mais de savoirs. C’est par l’étude des sciences que l’on acquiert le mode de pensée qui libère des préjugés. C’est par la connaissance de notre environnement géographique, tech- nologique et socio-économique que l’on peut saisir les potentialités qui s’offrent à l’homme et prendre toute la mesure du gâchis économique actuel. C’est par l’histoire que l’on apprend comment se font et se défont les sociétés, que l’on perçoit la force et les conditions de l’action politique et sociale. C’est par la lit- térature, la philosophie et les arts que l’on apprend à préciser, à exprimer et à défendre sa pensée. Au contraire, l’absence de rigueur, les savoirs mal structurés, les compétences pratiques sans assise théorique, l’adaptabilité sans réflexion, ne conduisent l’homme qu’à renoncer à comprendre, à accepter tout sans s’interroger sur rien. Tel est bien le « citoyen responsable » que l’école est chargée de procurer à la société marchande du XXIe siècle.103 » La CGT revient elle aussi sur cet aspect des compétences en dénonçant le fait que désormais l’élève est « évalué·e sur, non plus ce qu’il ou elle sait, mais ce qu’il ou elle est. Avec, au-delà du fait social, des implications psychologiques personnelles, qui pourraient être énormes si ces évaluations étaient, conformément à la loi, explicitées aux élèves et à leurs

98. En gras dans le texte source.

99. Bulletin officiel spécial du n◦06 du 28 août 2008, Section Programmes de l’enseignement

d’éducation musicale, sous-section Une contribution originale et indispensable à l’acquisition du socle commun, 20 pages selon numérotation, page 2.

100. Hirtt, Nico, Les Nouveaux maître de l’école, Bruxelle, Edition ADEN, janvier 2000, 164 pages, page 64.

101. Op. cit. page 64. 102. Op. cit. page 64. 103. Op. cit. page 65.

parents.104 »

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