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Géohistoire du nord de la France de la fin du Haut Moyen Âge à nos jours

11.2. Géohistoire du Nord de la France, approche multi-scalaire

11.2.5. Le Royaume de France (XIII e XV e siècles)

Entre 1314 et 1328, les rois de France eurent des problèmes de descendances. Il a fallu improviser des règles de succession. En 1316, Louis X le Hutin mourut. Sa femme était enceinte. Il fut décidé d’atten- dre la naissance de cet enfant. S’il s’agissait d’un homme, ce serait le futur roi. Ce fut un homme, que l’on prénomma Jean, qui ne vécut que cinq jours du 15 au 20 novembre 1316. Qui pouvait prétendre à la Couronne ? Les juristes se tournèrent vers le frère du roi : Philippe V (1316-1322) qui mourut à son tour sans descendant, mais il restait un frère. Ainsi, Charles IV (1322-1328) monta sur le trône. Ce dernier mourut sans enfant. La logique eût voulu que la sœur survivante, Isabelle de France, héritât de la Couronne, mais elle était l’épouse du roi d’Angleterre, Édouard II (1307-1327), ce qui revenait à confier la Couronne de France, à son ennemi juré que représentait le roi d’Angleterre, Édouard III (1327-1377). Il fut donc décidé de confier la Couronne de France au cousin du roi Philippe VI de Valois (1328-1350), au nom de la loi salique (Clovis) qui interdisait les femmes d’hériter des terres, donc du domaine royal. De plus, Philippe fut choisi, car il possédait un successeur potentiel.

En 1328, tout s’était bien passé. Édouard III rendit hommage à Philippe VI en la cathédrale d’Amiens (1329), proche de son fief du Ponthieu. Cependant, en 1336, Édouard III fit valoir officiellement ses droits à la Couronne de France. Immédiatement, Philippe VI répliqua en lui confisquant le Ponthieu. La guerre commença et tourna rapidement à l’avantage de l’Angleterre. Par exemple, à la suite de la bataille de Crécy (1346), Édouard III prit Calais en 1347, mais la situation n’était pas catastrophique pour le roi de France. D’ailleurs, Philippe VI fit sa première acquisition significative au détriment de l’empire en s’em- parant du Dauphiné en 1346. De plus, il acquit définitivement la Champagne, la Brie et Montpellier. Ce ne fut qu’à la bataille de Poitiers (1356) que l’Angleterre écrasa « l’armée française ». Jean II le Bon (1350-1364) y fut fait prisonnier, et par le traité de Brétigny (1360), Édouard III récupéra le Ponthieu (Figure 93), le duché d’Aquitaine en entier et conquit le Calaisis (Figure 93).

En 1364, Charles V le Sage (1364-1380) devint roi à la place de son père, mort dans sa prison de Londres. Il créa rapidement une véritable « armée française » de métier à la tête de laquelle il plaça Du Guesclin. Rapidement, le Ponthieu fut repris (en 1369). À sa mort, Charles V avait laissé aux Anglais : Calais, Bordeaux, Cherbourg, Brest et Bayonne. La guerre dite de Cent ans en serait sans doute restée là. Malheureusement, le sort voulut que Charles VI le Bien-Aimé (1380-1422) devînt fou au cours de son long règne favorisant les intrigues de la part des Grands, et particulièrement du roi d’Angleterre et du duc du Bourgogne.

Figure 93. État des limites historiques connues entre 1300 et 1400 d'après Jean Kerheve (1998)

En 1415, l’armée française fut défaite à Azincourt. Le traité de Troyes (1420) divisa le royaume de France en deux : du nord de la Loire à la Picardie, on avait les territoires du roi d’Angleterre, Henri V (1413-1422) ; au sud de la Loire, le royaume de France de Charles VI, puis Charles VII (1422-1461). Ce traité reconnaissait comme unique héritier du royaume de France, Henri V à la mort de Charles VI. Les rois d’Angleterre devinrent rois de France, titre qu’ils conservèrent jusqu’en 1802 (paix d’Amiens). Entre 1417 et 1430, les Anglais réinvestirent le Ponthieu ; le Calaisis étant resté anglais (Figure 94).

Parallèlement, les Bourguignons profitèrent de la faiblesse de Charles VI et de leur position stratégique entre le royaume de France et l’empire pour agrandir leur territoire. Tout commença en 1369 lorsque le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi (1364-1404), épousa Marguerite de Flandre qui lui apporta en dot l’Artois, la Flandre, le comté de Saint-Pol, le comté de Montreuil et le comté d’Hesdin. Il possédait déjà le duché de Bourgogne (France) et le comté de Bourgogne (empire) et il avait donné en apanage à ses fils le comté de Nevers et celui de Rethel. On considère la paix de Tournai (1385) comme l’acte de nais- sance de l’État bourguignon (Schnerb, 1999).

En 1428, Jeanne d’Arc rencontra Charles VII à Chinon. Elle le convainquit de se faire sacrer roi de France à Reims. Les hostilités anglo-françaises reprirent. Alors que Philippe le Bon (1419-1467) avait pris le parti des Anglais en 1420. Il se rangea rapidement au côté de Charles VII et l’aida à reconquérir son royaume. En 1435, le traité d’Arras donna les villes de la Somme et le Ponthieu à Philippe le Bon (Figure 94) qu’il unifia sous le nom de Picardie. Les Bourguignons possédaient alors toute la partie nord du roy- aume de France, à laquelle il fallait ajouter : les possessions de Philippe le Hardi ainsi que le duché de Luxembourg (empire), Limbourg (empire), le comté de Hollande (empire), le comté de Namur (empire), le comté du Hainaut (empire) et le comté de Boulogne (France). Les Bourguignons étaient en train de recon- struire, de manière consciente ou inconsciente, la Lotharingie historique qui avait disparu pendant cinq siècles.

Parallèlement, en 1449, la France reprit la Normandie. Les Anglais ne possédaient plus que Calais dès 1453. Louis XI (1467-1483) poursuivit l’œuvre de son père en gagnant sur l’empire : la Provence et en récupérant le Maine en 1481. Il dut surtout combattre la puissance bourguignonne. Louis XI racheta les villes de la Somme à Philippe le Bon en 1463, mais il les lui rendit en 1465 par le traité de Conflans à cause du fils de Philippe, Charles. Les Bourguignons devinrent une véritable menace avec Charles le Téméraire (1467-1477). En 1472, ce dernier envahit le royaume par le sud de la Somme. Il fut stoppé par Jeanne Hachette à Beauvais. Toutefois, il conquit le comté d’Eu. En janvier 1477, il mourut lors du siège de Nancy. Immédiatement, Louis XI récupéra définitivement le duché de Bourgogne et provisoirement le comté de Bourgogne (Franche-Comté), perdu par Charles VIII (1483-1498). En 1482, lors de la paix d’Arras, il récupéra de manière définitive pour la France, la Picardie et le Boulonnais. L’Artois entra un temps dans la mouvance française, perdu par Charles VIII. Toutefois, Charles VIII épousa Anne de Bre- tagne, ce qui permit d’intégrer le duché dans le royaume de France. La mort prématurée de Charles VIII obligea son oncle et successeur, Louis XII, d’épouser Anne de Bretagne, faisant entrer définitivement la Bretagne dans le royaume de France. Désormais, le royaume est pratiquement un espace continu toutes les principautés, à l’exception du comté de Flandres, furent intégrée. Ils ne restent que quelques enclaves comme Calais ou le comtat Venaissin. Il peut s’ouvrir à la « reconquête de la Lotharingie ».

Figure 94. État des limites historiques connues entre 1400 et 1500 d'après Jean Kerheve (1998)

À l’aube du XVIe siècle, la Picardie et le Boulonnais furent profondément ancrés dans le royaume de France. La menace anglaise n’existait plus. Désormais, il fallait fixer la limite entre l’empire et la France. Il faut noter que les châteaux avaient changé de fonction au cours de la fin du Moyen Âge, l’appari- tion des premiers canons au XVe siècle rendit inutile les forts dans les campagnes (Contamine, 1980). Ce qui fait qu’à l’aube du XVIe siècle, les châteaux pouvaient être encore des lieux de pouvoirs, mais difficile- ment des forts. Leur architecture en sera profondément modifiée (Mesqui, 1997; Babelon, 1989).