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CHAPITRE II. COMPORTEMENT DIFFÉRÉ LIBRE ET EMPÊCHÉ

II.3. DÉFORMATIONS DIFFÉRÉES LIBRES 66

II.3.1. Le retrait libre 66

II.3.1.1. Le retrait endogène

a) La contraction de Le Chatelier ou Retrait chimique

Le volume des hydrates formés dans la réaction d’hydratation est nettement inférieur à la somme des volumes des deux constituants, ciment anhydre et eau, qui entre dans la réaction (contraction Le Chatelier), la différence est comprise, selon les ciments, entre 8 et 12% du volume initial (figure II.14). Si un tel retrait se produisait, il créerait de tels désordres que la construction avec du ciment Portland serait impossible, en fait, dès le début de la prise, ce retrait est gêné par la structure naissante. Il est donc d’intensité beaucoup plus faible [35] et peut alors être interprété comme résultant de l’apparition de tensions capillaires liées à un séchage interne (autodessiccation) de la pâte dû à la poursuite de l’hydratation [5]. Le retrait chimique peut varier en fonction de la nature du ciment et des additions dans le béton ou le mortier. Par exemple, la présence de filler de calcaire accélère le retrait chimique par consommation d’eau due à la surface spécifique importante de ces particules [36-39]. La surface spécifique supplémentaire créée par les particules calcaires constitue des sites de nucléation des hydrates. La cristallisation se fait donc plus rapidement.

Le retrait chimique dépend fortement de la nature du ciment. Il est plus important pour un CEM II du fait des additions présentes par rapport à un CEM I [39].

Figure II.14. Schéma de la contraction Le Chatelier [35] b) Le retrait d’auto-dessiccation

Le retrait d’auto-dessiccation (ou retrait endogène) n’apparaît que lorsque l’hygrométrie relative dans le matériau devient inférieure à 100% et que son intensité dépend de la chute de cette hygrométrie. Le paramètre fondamental sera donc le rapport E/C qui pilote l’eau disponible dans le mortier ou le béton [40]. La figure II.15 montre que les pâtes de ciment de faibles E/C ont une humidité relative interne qui peut descendre jusqu’à 75%, alors que les pâtes de forts E/C gardent une humidité relative interne proche de 100%. Ces dernières ne présenteront donc qu’un faible retrait endogène [41]. La résistance dépendant directement du rapport E/C, ceci explique pourquoi dans l’Eurocode 2 le retrait endogène est proportionnel à la résistance en compression du béton ou mortier [5].

Ce type de retrait dépend de plusieurs paramètres dont la composition du matériau et la composante fluage sous une pression quasi-constante dans les pores [42].

Trois principaux mécanismes sont généralement avancés pour lier physiquement l'auto dessiccation au retrait obtenu lors du durcissement du matériau cimentaire dans des conditions endogènes :

 Le mécanisme de dépression capillaire, traduisant l'auto dessiccation au sein de la porosité capillaire

 Le mécanisme de variation de tension superficielle, correspondant au départ de l'eau adsorbée sur le squelette solide

 Le mécanisme de variation de pression de disjonction, lié à l'auto dessiccation au sein des nanopores des gels d'hydrates

Sachant que la tension superficielle et la variation des pressions de disjonction ont des effets négligeables sur le retrait endogène [43]

c) Gonflement

Les phénomènes de capillarité sont responsables du gonflement sous l’eau [44]. Par contre, les origines du gonflement qui se produit en conditions isothermes n’ont pas été complètement élucidées. Trois explications ont été proposées : (1) la réabsorption de l’eau de ressuage qui s’accumule en surface de l’échantillon au moment de la prise, en particulier pour les matériaux cimentaires avec des rapports E/C élevés [45]. (2) la formation d’ettringite et la croissance des phases cristallines de la portlandite qui peuvent générer des pressions sur les parois des pores [46-50]. Ce mécanisme s’applique plutôt au mélange avec faible rapport E/C (3). Le gonflement peut être aussi expliqué par le fait que les hydrates formés occupent un volume plus grand que les grains de ciment anhydres qui se sont hydratés [51].

d) Techniques de mesures du retrait endogène

Pour un essai endogène, il est nécessaire d’avoir une étanchéité parfaite de l’échantillon et un contrôle permanent de la température. Il faut de plus démarrer la mesure le plutôt possible. Notamment, une mesure qui démarre à 24h « perd » une partie du phénomène. Les principales familles d’essais sont les essais volumiques (où on mesure une variation de pesée

hydrostatique) et les essais linéiques horizontaux et verticaux, chacune présentant des avantages et inconvénients [5].

Ces essais nécessitent en général d’être couplés à un autre essai afin de déterminer le seuil de percolation mécanique qui donnera le t0 de la mesure du retrait. Par exemple, pour les essais

volumiques, ce moment correspondra à la divergence entre l’essai de retrait endogène et l’essai de contraction Le Chatelier (figure II.16). Pour les essais linéiques, une mesure calorimétrique et/ou ultrasonore peut donner l’indication [5].

Figure II. 16. Evolution du retrait endogène comparé à la contraction Le Chatelier [52]

 Les mesures volumiques

La mesure volumique est utilisée dans le cas endogène [53,54]. Elle est généralement basée sur la technique de pesée hydrostatique [55] où la pâte de ciment (ou le mortier) est placée dans une membrane souple et puis plongée dans l’eau maintenue à température constante (figures II. 17). La variation de volume du matériau est déterminée par pesée hydrostatique.

Figure II. 17. Dispositif expérimental de mesure des variations volumiques a) [56]. b) [57]

 Les mesures linéiques

Les mesures linéiques des déformations endogènes consistent généralement à mesurer le changement de longueur de l’éprouvette par l’emplacement d’un transducteur au bout de l’échantillon. Deux groupes peuvent être distingués : les mesures verticales et horizontales

[58] (figure II. 18)

Figure II. 18. Dispositifs de mesure de retrait endogène linéique a) verticale [59] b) Horizontal [60].

Les mesures linéiques de déformations endogènes sont très sensibles à la direction de la mesure et les deux configurations de l’essai (vertical ou horizontal) montrent un désaccord entre leurs résultats aux moins dans la période qui précède la prise. Ce phénomène s’explique par une perte d’homogénéité avant la prise dans le cas de la mesure verticale suite à la sédimentation du matériau. Barcelo [61] suppose que la déformation endogène peut ne pas

a) b)

être isotrope même après la prise, et ceci peut expliquer, en partie, la différence entre les deux techniques [58].