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C. - LES COMPARAISONS ÉTRANGÈRES

C. - LE FONCTIONNEMENT DU CNAOP

C.- LE RENFORCEMENT DE L’ACCOMPAGNEMENT DES PERSONNES

Le passage d’un accouchement anonyme à un accouchement secret suppose que la mère donne son identité dès la naissance de l’enfant. Cette modification substantielle n’est envisageable qu’à la condition d'un renforcement de l’accompagnement des personnes concernées et ce, à tous les moments clés, que ce soit au moment de :

- l’accouchement et de la période qui le précède, - l’émergence du besoin de connaître ses origines, - la rencontre avec la mère, si elle est possible.

Il ne faut pas oublier non plus l'importance de l’information et du soutien des familles adoptives mais ce n’est pas le sujet de la mission. En effet, dès le dépôt de leur dossier de candidature elles doivent savoir que l’enfant qu’elles adopteront pourra, lorsqu’il aura 18 ans, rechercher sa famille d’origine.

1.- L’accompagnement des mères avant et au moment de la naissance

.- L’accueil au moment de la découverte de la grossesse

Une femme enceinte a, en France, le droit d’interrompre sa grossesse jusqu’à 14 semaines d’aménorrhée. Ce délai est souvent dépassé quand une femme, qui refuse sa grossesse, découvre qu’elle est enceinte. Néanmoins, c’est dès que la femme consulte un médecin ou se rend dans un centre de planning familial pour demander une interruption de grossesse (alors que les délais sont dépassés) qu’il faudrait qu’elle puisse être accompagnée.

La découverte tardive d’une grossesse est l’un des signes du déni de grossesse. « Il est indispensable de savoir poser ce diagnostic afin de prévoir les conditions d’accouchement pour protéger l’avenir de l’enfant » écrit la pédopsychiatre Catherine Bonnet .L’accueil des femmes en situation d’IVG dépassée est encore très insuffisant.

La mission préconise la mise en place d’un suivi de ces femmes de la découverte de la grossesse jusqu’au moment de l’accouchement.

.- L’accueil à la maternité

L’accueil à la maternité de la femme qui souhaite accoucher dans le secret est essentiel. Elle doit, bien évidemment, être informée précisément des aides dont elle peut disposer pour élever son enfant mais, si sa décision de l’abandonner est claire, cette décision doit être respectée. C’est de ce respect et de la manière dont la femme est écoutée que dépend la qualité du contenu du dossier de l’enfant. L’atmosphère qui entoure la mère après l’accouchement peut également être propice au recueil d’informations sur le père de l’enfant.

Il parait utile à la mission que les équipes des maternités qui reçoivent des mères qui accouchent dans le secret soient formées à la spécificité de ces accouchements. Ainsi que l’écrit Sophie Marinopoulos, en parlant de ce qui peut être fait en maternité « nous devons humaniser, soigner, prendre soin ».

Nous ne devons pas oublier, en effet, que le recueil de l’identité, s’il est nécessaire à certains, n’est pas suffisant pour d’autres. C’est parfois la demande apparente mais pas la demande réelle, qui est celle de connaître son histoire et pour cela il faut d’autres éléments de vie que l’identité.

.- L’amélioration du contenu du dossier de l’enfant

Le contenu du dossier personnel de l’enfant peut être amélioré. C’est ce dossier qui lui permettra, devenu adulte, de reconstituer l’histoire de sa naissance et de ses origines.

Le dossier des pupilles comprend en général des documents de procédure (arrêtés d’immatriculation, documents relatifs aux placements, décisions judiciaires, décisions du Conseil de famille, documents relatifs à l’adoption).

Les documents non identifiants tels ceux relatifs aux origines géographiques, culturelles ou sociales sont infiniment plus rares de même que les circonstances et les raisons de l’abandon, l’âge des parents de naissance, leur aspect physique, leur situation matrimoniale, l’existence d’une fratrie, les difficultés rencontrées.

Or, ces éléments sont d’ores et déjà communicables à ceux qui le souhaitent.

De nombreux progrès ont été réalisés, ces dernières années, dans la rédaction des dossiers dont chacun sait, aujourd’hui, qu’ils pourront, un jour, être consultés par l’enfant. Il est essentiel de veiller particulièrement à ne pas porter des jugements péremptoires et dévalorisants sur les familles de naissance. Une sensibilisation des correspondants du CNAOP qui recueillent les éléments relatifs à l’identité de la mère de naissance à l’importance du choix des mots est indispensable.

Le dossier médical de l’enfant63, son carnet de santé, sont eux aussi communicables ainsi que les documents relatifs à la santé des père et mère de naissance ayant un intérêt préventif comme antécédents médicaux alors que les informations médicales contenues dans les dossiers médicaux des parents ne le sont pas (qu’il s’agisse de l’état de santé de la parturiente, du déroulement de l’accouchement ou de tout autre résultat d’examen médical la concernant). Ils relèvent du secret médical. Or le carnet de santé n’accompagne pas systématiquement l’enfant. Il contient pourtant des informations précieuses, notamment sur la grossesse si elle a été à risques.

Un accompagnement des mères à la maternité, par une équipe sensibilisée au problème des naissances dans le secret, devrait aboutir à ce que la mère fournisse, si elle est en capacité de le faire, le maximum d’informations médicales sur son état de santé, celui du père et leurs ascendants. Il n’y a pas lieu de refaire le carnet de santé de l’enfant qui devrait accompagner l’enfant pendant toute sa croissance, qu’il soit reconnu ou non, adopté ou non. Comme le propose Enfance et Familles d’adoption «un prénom pourrait être écrit au crayon effaçable pour être ensuite remplacé par le nom de la mère ou du père qui le reconnaît ou par les trois prénoms qui lui sont attribués, eux aussi effaçables ».

Obligation devrait être faite de communiquer le carnet de santé et le dossier médical de l’enfant aux adoptants ou aux familles d'accueil.

2.- L’accompagnement des demandeurs

La personne en quête de ses origines, lorsqu’elle formule une demande soit au Conseil général, soit au CNAOP, est souvent vulnérable sur le plan émotionnel. Sa démarche a mûri souvent pendant de nombreuses années avant d’être entreprise. Les personnels des services d’aide sociale à l’enfance ou d’adoption des départements comme ceux du secrétariat général du CNAOP en sont conscients. La possibilité de trouver un dossier vide, de ne pas arriver à localiser la mère de naissance, son refus possible d’être contactée par son enfant si elle est retrouvée méritent une information claire du demandeur. Parfois, une rencontre avec la mère d’origine est possible et elle suffit. Elle a été essentielle et a permis le détachement.

Des compétences particulières d’écoute sont nécessaires et la formation des personnels chargés de ces fonctions est indispensable. Il faudrait aussi qu’elles puissent disposer de relais dans des équipes médico psychologiques spécifiquement formées telles celles qui s’occupent d’aider les enfants adoptés, auxquelles adresser les demandeurs.

3.- L’accompagnement des « retrouvailles »

63 Article L 147-5 du CASF

Les rencontres entre mères et enfants, lorsqu’elles sont acceptées, peuvent être lourdes de conséquence pour les uns et les autres. Tel adulte, qui a idéalisé la rencontre avec sa mère de naissance, peut éprouver une immense déception si elle le repousse et vivre un deuxième abandon. Telle mère qui, sans oublier l’abandon, avait constitué une nouvelle famille et peu à peu reconstruit un équilibre de vie, peut le voir s’effondrer brutalement lorsqu’elle apprend que son enfant la recherche et veut la rencontrer.

Certaines rencontres entre mères et enfants laissent croire à un conte de fées, d’autres sont tragiques et peuvent conduire au suicide. Pour pouvoir aider à les assumer il est indispensable de pouvoir proposer un accompagnement psychologique aux personnes concernées.

Si les départements sont dotés de psychologues, le secrétariat général du CNAOP ne l’est pas. L’intégration d’un psychologue dans l’équipe serait sans doute de nature à apporter un soutien aux chargées de missions.

4 .- La mise en place d'un groupe de travail

L'ensemble de ses propositions destinées à faire évoluer les textes mérite un travail de réflexion approfondi. Un Comité de Pilotage pourrait être confié à un parlementaire en collaboration du Haut Conseil de Famille comprenant des personnalités qualifiées et des experts. Un groupe d'appui administratif (ministère de la justice, ministère des solidarités et de la cohésion sociale) serait également mis en place, chargé d'examiner chacune des pistes de réflexion du rapport, valider leur faisabilité et proposer au Comité de pilotage les modifications législatives et réglementaires correspondantes ainsi que les mesures nécessaires d'accompagnement.

CONCLUSION

Peut-on «Naître sans mère» ? Le simple fait de poser cette question dérange.64 Trois mots, suspendus à un point d'interrogation qui posent la complexité d'un débat qui se poursuit depuis 2002 sur l'accouchement sous X, car tout se déroule, selon la loi, comme si la parturiente n'avait pas accouché.

Un enfant né sous X ne sait pas d'où il vient; il est né, sans mère, sans père et sans repères.

Pourtant, cet enfant, né sans mère, fait partie d'une histoire personnelle qu'il souhaite poursuivre et transmettre à son tour aux générations futures. Mais pour autant, l'enfant qui connaît le lien biologique qui l'attache à sa mère et son père, sait-il, lui aussi, d'où il vient ?

Enfants, mères de naissance, psychologues, psychiatres, médecins et professionnels interrogés soulignent, pour la plupart, que la connaissance des origines est une exigence naturelle de l'enfant et qu'elle ne peut lui être refusée. Très souvent, cet enfant devenu adolescent entame des recherches sur ses origines personnelles. Dans cette longue quête, l'ouverture d'un dossier le concernant, pratiquement vide, devient une réelle souffrance et le «besoin de savoir » risque alors de prendre, dans certain cas, un caractère obsessionnel.

En France, le besoin de rechercher ses origines est très souvent ressenti à des moments clés dans la vie des enfants adoptés : devenir adolescent, se marier, être parent ou perdre ses parents adoptifs. Mais la recherche de son histoire personnelle est ponctuée d'épreuves, de souffrances, de mal-être, de non-dit et de secrets où chacun, enfants, parents adoptifs, mère et parfois père de naissance, laisse les traces conscientes ou inconscientes de son histoire personnelle.

La revendication du droit de connaître ses origines est souvent présentée comme une idée de modernité, car elle repose sur la liberté de connaître son histoire, pour mieux exister. En revanche, la dimension biologique de la naissance d'un être apparaît, pour certains comme archaïque, tant l'histoire a pu en montrer les dérives. La loi de 2002 concilie deux conceptions modernes de la société qui, jusque là, s'opposaient : l'importance pour un individu de connaître ses origines et la liberté pour la femme de donner son identité.

Au cours de la mission parlementaire, chaque interlocuteur a reconnu que 2002 constitue une première étape dans la perception de la connaissance des origines de l'enfant adopté, voire même qu'elle constitue un socle normatif. Le terme « socle » traduit bien, d'ailleurs, l'idée qu'un consensus se dégage de l'ensemble des participants autour de la nécessité pour l'individu de connaître ses origines. Pour autant le débat sur la levée de l'anonymat de la mère est loin de recueillir tous les suffrages.

Le dilemme éthique soulevé fait état de positions défendables. Mais, au delà des nuances qu'apporte chaque nouveau débat au sein des auditions, la même question se pose aux défenseurs et aux opposants : quels risques fait-on encourir à l'enfant, à sa mère et à sa famille si l'on maintient ou si l'on supprime l'anonymat de l'accouchement ?

Si l'on porte un regard sur les débats législatifs (et pas seulement sur les lois promulguées), depuis une dizaine d'années, il faut bien constater que les interrogations, les questionnements et bien des hésitations ont contribué à faire naître la discussion sur l'accès aux origines. Dès 1993, lors des débats sur la loi modifiant le Code Civil, relative à l'état civil, à la famille et aux droits de l'enfant, les parlementaires vont proposer les prémices de la création du futur CNAOP.

Huit ans après la loi de 2002 nous assistons toujours au combat de ceux qui défendent l'anonymat de la filiation comme un « mal nécessaire », ceux hantés par les risques que fait courir aux

64Cécile Ensellem, docteur en sociologie tente de répondre dans l'ouvrage publié en 2004 aux Presses Universitaires de Rennes.

familles adoptives et aux mères de naissance « la levée du secret » et ceux qui revendiquent l'accès aux origines.

Pour ma part, je considère que toute évolution du dispositif actuel doit s'appuyer sur le respect de toutes les personnes concernées, qu'il s'agisse de la mère, de l'enfant ou des parents adoptants.

Toutes et tous doivent être accompagnés et entourés dans toutes les étapes de leurs démarches.

L'exemple du Royaume Uni est un des modèles dont la France pourrait s'inspirer. Bien que l'accouchement sous X n'existe pas, la loi anglaise organise une rencontre obligatoire avec un professionnel qualifié avant de pouvoir communiquer toutes informations utiles, relatives à l'enfant. Par ailleurs, la création de registres et de fichiers permet de croiser les demandes des intéressés. Ainsi, le plus ancien fichier de l'association « National Organisation for the Counselling of Adoptees and Parents » (NORCAP). a permis, depuis 1980, d'organiser de façon très précise ( à partir des contacts, où figurent les noms et adresses des parents biologiques et des personnes adoptées devenues majeures) près de 2500 retrouvailles dans des conditions d'accompagnement particulièrement exemplaires.

En France, toutes les personnes auditionnées reconnaissent et soulignent la nécessité de la mise en place d'accompagnements spécifiques. Qu'il s'agisse de l'accueil de la mère avant et lors de la naissance de l'enfant, des démarches entreprises pour l'adoption, de la recherche des origines, ou des retrouvailles, du refus de rencontre ou de l'impossibilité de retrouver le mère biologique, ce sont autant de facteurs d'angoisses et d'épreuves douloureuses qui nécessitent la mise en place d'un dispositif d'accompagnement efficace.

Par ailleurs, il ne faut nullement négliger que certaines femmes souhaitent, pour des raisons qui leurs sont personnelles, rompre définitivement avec leur passé. Pour autant, l'installation dans de nombreux pays d'Europe de « boîtes à bébé » destinées à recueillir l'enfant abandonné, même dans des pays comme l'Italie où l'anonymat de la mère est autorisé, est sans doute « une fausse bonne idée » et mérite plus ample réflexion. Ces « boîtes à bébé » n'empêchent pas l'abandon sauvage dans d'autres lieux et privent les enfants recueillis de leur histoire.

La mission parlementaire a manqué de temps pour appréhender un sujet qui touche l'être dans son intimité la plus profonde et nécessite un juste équilibre entre les différents points de vues.

Chacune des personnes auditionnées, mère de l'ombre ou enfant né sous X, vit et revit, à chaque interview sa propre histoire. Il me semble inconcevable d'opposer les droits de l'enfant et les droits de la mère.

Les perspectives d'évolution proposées par la mission sont regroupées en 10 propositions. Les unes relèvent de la loi et du règlement, les autres précisent une séries de mesures liées à l'amélioration du dispositif actuel, à l'accompagnement des personnes concernées et à la formation de ceux qui les reçoivent.

Après ces quelques mois de mission parlementaire, je considère que, si une avancée législative importante doit être engagée, elle ne peut se réaliser sans un vrai travail de fond en amont. C'est pourquoi, je propose au Premier ministre de constituer, très rapidement, un comité de pilotage parlementaire, en collaboration avec le Haut Conseil de la Famille, qui pourrait être composé de personnalités qualifiées et d'experts, soutenu par un groupe de travail administratif chargé d'examiner les propositions de mon rapport. En ce qui concerne l'évolution du fonctionnement du CNAOP, elle fait l'objet d'une mission de l'inspection générale des affaires sociales qui devrait donner ses conclusions au cours du premier trimestre de l'année 2011.

Brigitte Barèges Député de Tarn-et-Garonne