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Le Ratio de Transfert de Magnétisation (MTR)

CHAPITRE 2 REVUE CRITIQUE DE LA LITTÉRATURE

2.3 IRM multiparamétrique

2.3.3 Le Ratio de Transfert de Magnétisation (MTR)

Le phénomène de transfert de magnétisation fut découvert accidentellement à la fin des années 80 par Wolff and Balaban (1989).

2.3.3.1 Principe théorique

Jusqu’à ce jour, il est possible de détecter par IRM seulement les protons ayant un T2 suffisamment long (i.e. plus que quelques ms) car il faut disposer de suffisamment de temps pour que les gradients puissent encoder spatialement l’excitation et l’acquisition avant que les protons

soient revenus à leur état initial. Il existe donc des protons invisibles par IRM. Ceux sont les protons moins mobiles tels que ceux liés aux macromolécules ou à l’intérieur des membranes dans les tissus biologiques. Ces protons ont un T2 inférieur à 1 ms. Cependant, par l’existence d’un couplage entre ces protons liés aux macromolécules et les protons libres, un transfert de magnétisation est possible entre les deux environnements.

En effet, comme le montre la Figure 2.9, les protons liés aux macromolécules ont un spectre de résonance beaucoup plus large que ceux des protons libres. Il est donc possible d’exciter les protons liés aux macromolécules sans exciter directement les protons libres de manière significative (106 fois moins sensibles) ; en appliquant un pulse de champ B1 à une fréquence différente de la fréquence de Larmor (de quelques kHz), on sature les protons liés. C’est alors que par un phénomène quantique complexe (dont l’origine est peu connue) que la magnétisation va être transférée aux protons libres voisins de ces protons liés. Si on image alors en excitant à la fréquence de Larmor des protons libres, on constatera une atténuation du signal puisque certains protons libres proches des protons liés, étant déjà saturés, n’auront pas subi cette excitation.

Le Ratio de Transfert de Magnétisation (MTR) est une métrique permettant de rendre compte de ce transfert de saturation. On l’obtient en acquérant une image de référence (écho de gradient spolié en général) avec excitation à la fréquence de Larmor des protons libres (𝑀0) puis en acquérant la même image mais précédée par un pulse de saturation off-résonance d’environ 2 kHz (𝜔𝑅𝐹− 𝜔0) que l’on note 𝑀𝑆 ou 𝑀1. La carte de MTR s’obtient alors par une simple opération par voxel entre les deux images telle que :

𝑀𝑇𝑅 =𝑀0− 𝑀𝑆 𝑀0

Cependant, dans la pratique, le MTR inclut deux effets différents (R. Henkelman et al., 2001) : la « vraie » contribution du transfert de magnétisation entre les deux populations de protons (𝑀𝑀𝑇) et l’effet direct du pulse de saturation sur les protons libres (𝑀𝑑𝑖𝑟) de telle sorte que :

𝑀𝑇𝑅 = 1 − (𝑀𝑑𝑖𝑟 𝑀0 +

𝑀𝑀𝑇 𝑀0 )

En fonction de la séquence utilisée, l’effet direct peut donc induire dans le MTR des effets T1 et T2 du fait d’une repousse incomplète de la composante longitudinale de la magnétisation si le TR est trop court. À noter que l’effet direct (saturation d’une légère partie des protons libres) est inévitable et qu’il n’est pas non plus possible de saturer entièrement la population de protons liés. Le MTR inclut également des effets du champ B1+ ; certaines méthodes ont été proposées pour corriger de potentielles inhomogénéités de champ B1+ impactant l’amplitude du pulse de saturation (Volz, Nöth, Rotarska-Jagiela, & Deichmann, 2010) ou pour supprimer cette sensibilité au champ B1 (Helms, Dathe, Kallenberg, & Dechent, 2008).

Figure 2.9 : Origine du contraste observé dans une expérience de MTR. Le spectre de résonance des protons liés aux macromolécules (en vert), plus large que celui des protons libres (en rouge), permet de pouvoir saturer sélectivement les protons liés avant l’acquisition du signal. Par couplage entre les deux populations, les protons liés transfèrent leur magnétisation aux protons libres, réduisant ainsi leur excitabilité (lignes rouges pointillées) lorsqu’on image ensuite à la fréquence des protons libres.

L’image résultante montre donc un signal plus faible que l’image acquise sans pulse de saturation préalable, d’où le contraste observé. Source : Mossahebi (2013)

De plus, le MTR dépend fortement du système IRM utilisé, des paramètres d’acquisition et notamment de ceux utilisés pour le pulse de saturation. Effectivement, dans une étude sur 6 sites différents (utilisant différents scanners et différentes séquences), Berry et al. (1999) reportèrent des valeurs allant de 9 à 51% dans la matière blanche saine.

2.3.3.2 Valeurs standards et reproductibilité dans la moelle

À ce jour, peu d’études ont reporté de valeurs du MTR dans la moelle épinière cervicale sur un échantillon de grande taille. Les résultats des études publiées à ce jour sont résumés dans le Tableau 2.5.

Tableau 2.5 : MTR (%) reporté dans les différentes régions de la moelle cervicale chez des sujets sains : moyenne ± écart-type ou médiane (distribution). N=taille de l'échantillon, MB=matière blanche, MG=matière grise, CD=colonnes dorsales, CLg=colonne latérale gauche, CLd=colonne

latérale droite, CL=colonnes latérale.

Référence N Niveau vertébraux Moelle MB MG CD CLg CLd Samson et al. (2013) 13 C1-C5 40,4±1,53 40,6±2,6 44,5±1,9 44,6±2,2 43.7±2.5 Yiannakas et al. (2012) 10 C2-C3 51,4±1,5 49,7±1,6 50,7±1,8 51,2±1,7 J. Cohen- Adad et al. (2011) 14 C2-T2 ~32,1 (28,5- 36,0) Julien Cohen-Adad et al. (2013) 21 C2-T2 ~33,5±1,93 ~ 32,3±1,88

Tout comme noté précédemment pour les études dans la matière blanche du cerveau, on constate donc une grande variabilité des mesures entre les études, illustrant la difficulté de généraliser l’utilisation du MTR dans des études multi-sites et multi-manufacturiers.

Concernant la reproductibilité, Samson et al. (2013) reportèrent un coefficient de variation inter-sujets de 6.8% dans la moelle et de maximum 5.8% dans les ROI. Aucune autre étude n’a reporté la reproductibilité du MTR dans le système nerveux central par test/re-test jusqu’à aujourd’hui.

2.3.3.3 Sensibilité et spécificité aux propriétés du tissu nerveux

Comme expliqué précédemment, la variation de signal entre l’image 𝑀0 et l’image 𝑀1 théoriquement espérée provient du transfert de magnétisation de la population des protons liés aux macromolécules ou à l’intérieur des membranes vers la population des protons libres. Plus on a de protons liés à des macromolécules, plus la variation de signal entre les deux images devrait être grande. On s’attend donc à ce que le MTR corrèle avec la quantité de protons liés à des macromolécules donc, par extension, avec la quantité de macromolécules. Or, la myéline est constituée à 70% de couches de lipides (20% of cholestérols, 20% de galactolipides et 30% de phospholipides), qui sont des macromolécules (Norton & Autilio, 1966). Le MTR serait donc un indice indirect du contenu en myéline. Et en effet, plusieurs études ont montré la forte corrélation entre le contenu en myéline et le MTR par histopathologie chez des sujets atteints de sclérose en plaque (Mottershead et al.; Schmierer, Scaravilli, Altmann, Barker, & Miller, 2004). Une forte corrélation avec le nombre d’axones est également mise en évidence dans ces études. Schmierer et al. (2004) mirent en évidence une différence significative entre le MTR des lésions démyélinisées et des lésions remyélinisées, le contenu en myéline et le nombre d’axones caractérisés par histopathologie étant diminués de 60% dans la lésions démyélinisées par rapport aux lésions myélinisées. Entre les lésions et la matière blanche apparaissant normale (chez les sujets atteints de sclérose en plaques), le contenu en myéline est 150% plus grand et le nombre d’axones 50% plus grand. Cependant, une forte corrélation entre MTR et temps de relaxation T1 est également montrée. Selon Kucharczyk, Macdonald, Stanisz, and Henkelman (1994), les lipides de la matière blanche ayant le plus d’effet sur le transfert de magnétisation sont les galactocérébrosides, marqueurs pour les oligodendrocytes.