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De façon simple, un réseau électrique fait liaison entre une source de production (créant de l’électricité à partir d’une autre énergie dite primaire) et un puits de consommation (éclairage, moteur, chauffage, climatisation, électronique/informatique). Ce qui le justifie tient à cette capacité de transporter une énergie d’un point à un autre selon un mode commun aux deux points (défini par une tension et une fréquence), et peu importe la source d’énergie primaire utilisée (eau, charbon, pétrole, gaz, nucléaire, bois, vent, soleil, …).

Le choix d'utiliser des lignes à haute tension s'impose dès qu'il s'agit de transporter de l'énergie électrique sur des distances supérieures à quelques kilomètres. Le but est de réduire les chutes de tension en ligne, les pertes d’énergie en ligne et également d'améliorer la stabilité desdits réseaux. Les pertes en ligne (facteur majeur de mesure de l’efficacité d’un réseau tant technique qu’économique) sont principalement dues à l'effet Joule qui ne dépend que de deux paramètres : la résistance et l'intensité du courant. L'utilisation de la haute tension permet, à puissance P transportée équivalente (avec P = U x I, où U est la tension et I l’intensité transitée), de diminuer le courant et donc les pertes puisque l’énergie perdue par effet Joule se calcule selon la formule E = R x I2, où R est la résistance des câbles et I l’intensité transitée

sur ceux-ci. Les tensions utilisées varient d'un pays à l'autre. Schématiquement, dans un pays, on trouvera des tensions de l'ordre de 63 kV à 90 kV pour de la distribution urbaine ou régionale, de l'ordre de 110 à 220 kV pour les échanges entre régions, et de l'ordre de 345 à 500 kV pour les principales interconnexions nationales et internationales. Dans certains pays, comme au Canada (province de Québec), on utilise aussi du 735 kV (liaison entre Manic- Outardes sur la cote nord et la région de Québec, mise en service en 1965), et même des tensions plus élevées comme dans l'ex-URSS où des essais de transport en « ultra haute tension » ont été effectués à 1 200 kV (liaison entre Elektrosal, près de Moscou, et la centrale électrique de Ekibastouz au Kazakhstan, mise en service en 1982). Mais ce type de tension ne se justifie que pour un transport sur une distance de l'ordre du millier de kilomètres, ce qui ne correspond pas à la géopolitique électrique actuelle de l’Europe de l’Ouest où la « bonne tension de transport » est jusqu’à présent comprise entre 345 et 400 kV11, avec un taux de pertes électrique associé inférieur à 2 % de l’énergie consommée12.

Schématiquement, les réseaux de transport transportent généralement l’électricité qui leur est délivrée sous la forme de systèmes triphasés en courant alternatif. Ils sont alors caractérisés par fréquence, niveau de tension et type de couplage. Deux éléments principaux ont joué historiquement à l’avantage du régime « alternatif » sur celui « continu » :

11%Actuellement,%les%distances%entre%les%sites,%à%plus%forte%raison%avec%le%fort%développement%des%énergies%

renouvelables%limitent%le%besoin%du%recours%à%des%tensions%supérieures%à%225%kV.%Pour%autant%il%y%a%bien%un% intérêt%à%organiser%des%échanges%de%blocs%d’énergie%à%grande%échelle%(Nord/Sud%et%Est/Ouest),%mais%comme% cela%concerne%les%territoires%relativement%denses,%l’acceptabilité%sociétale%de%l’ultra%haute%tension%est%loin% d’être% acquise.% Par% exemple,% en% France,% la% limite% réglementaire% de% 5kv/m% pour% le% champ% électrique% à% l’aplomb%des%lignes%conduirait%pour%respecter%cette%contrainte%à%faire%des%lignes%de%très%grande%hauteur.%De% fait,% les% solutions% qui% se% développent% en% Europe% s’appuient% sur% le% courant% continu% (VSC%:% voltage% source% converter)%qui%permet%de%passer%en%souterrain%et%sous%marin.# % 12 Les%pertes%représentent%principalement%l'énergie%dissipée%par%effet%joule%lors%du%transport%sur%le%réseau% haute%et%très%haute%tension.%Elles%dépendent%essentiellement%de%la%consommation,%du%plan%de%production,%et% des%échanges%transfrontaliers.%Les%taux%de%pertes%sur%l’ensemble%du%réseau%de%transport%français,%tous% niveaux%de%tension%confondus,%sont%compris%entre%2%et%3,5%%de%la%consommation,%suivant%les%saisons%et%les% heures%de%la%journée.%En%moyenne,%le%taux%s'est%établi%à%2,5%%en%2011,%ce%qui%a%représenté%environ%11,5% TWh%(TeraWattMheure). %

- le coût au kilomètre d’un réseau en régime alternatif a tendance à augmenter avec la distance à parcourir, essentiellement du fait du coût des conducteurs plus complexes qu’en continu. Et, à l’inverse, le coût au kilomètre d’un réseau continu a tendance à chuter avec la distance étant donné que ce sont les extrémités de ce réseau qui sont complexes. La distance « critique » à partir de laquelle un réseau en courant continu est plus performant qu’en alternatif se situait en 200813 autour de 800 km. Ceci explique que les pays de taille moyenne, tels que les pays européens, ont conçu des réseaux en courant alternatif, sauf difficulté géographique ou politique majeure (traversée de la Manche ou liaisons entre deux poches électriques de caractéristiques différentes telles que l’Ouest et l’Est à travers la Yougoslavie pendant la guerre froide par exemple).

- une utilisation massive de transformateurs (pour élever ou abaisser un niveau de tension) n’est possible qu’en régime alternatif. Cela permet de transporter l’énergie de manière optimale par rapport à une distance donnée, et d’adapter efficacement le service à rendre, service qui va de la desserte locale en basse tension jusqu’aux transports sur des distances transnationales ou internationales en 400 000 volts, voire davantage dans certains pays comme la Russie ou le Canada tels que déjà évoqués.

Depuis 1887, où le physicien croate Nikola Tesla initia les premiers courants alternatifs produits par un alternateur, des liens se sont ainsi développés entre sources et puits, selon des modalités techniques d’abord assez variées. La normalisation du fonctionnement de ceux-ci s’est rapidement avérée incontournable afin de pouvoir les interconnecter entre eux. L’émergence de ces réseaux de lignes a rendu petit à petit plus complexe leur gestion, et

l’impossibilité de stocker a eu pour corollaire le développement d’une gestion « en temps réel ».

Après la Seconde Guerre mondiale, les réseaux nationaux européens sont ainsi globalement constitués, même si en 194914 coexistent encore 5 systèmes électriques distincts en Europe de l’Ouest, non synchrones entre eux : le système allemand (relié avec la Belgique, la Hollande, la Suisse, l’Autriche, la Tchécoslovaquie), le système français, (avec l’Espagne et la Suisse), celui du nord de l’Italie (avec la suisse), celui couvrant le sud de l’Italie, et enfin le système insulaire de l’Angleterre. Des lignes de liaison existaient déjà entre ces différents systèmes, lignes d’interconnexion qui étaient gérées de manière indépendante, comme des « poches électriques » autonomes. Au confluent de ces systèmes, avec la particularité de gérer des relations électriques à la fois avec les systèmes français, allemand et italien du nord, on trouvait la Suisse, profil atypique tant du point de vue de l’énergie qu’au niveau économique et politique.

Petit à petit, de manière concomitante aux renforcements des réseaux nationaux, renforcements augmentant leurs stabilités, des chaines électriques « en série » s’organisent, chaque pays réglant la puissance échangée au travers d’une de ses frontières ce qui lui assure la maîtrise des flux le traversant. Finalement, en 56, trois chaines électriques cohabitent, et s’interfacent encore sur le territoire suisse.

14%Henri%Persoz,%L’interconnexion"européenne,%Histoire%de%l’électricité%en%France,%tome%troisième,%1946M

1987,%sous%la%direction%de%Henri%Morsel,%Association%pour%l’Histoire%de%l’électricité%en%France,%Arthème% Fayard,%1996,%p.790.%

Figure 2 : Les trois zones de synchronismes distincts en Europe de l’Ouest en 195615

Finalement, sous impulsion helvète, les trois systèmes sont enfin couplés en 1958, dans la région de Bâle. Afin d’assurer à chaque pays le maintien de la maîtrise des transits, ce couplage est d’abord réalisé en étoile, en cet unique point. Puis, une fois la maîtrise de ce nouvel exercice acquise et la crainte de perte de contrôle atténuée, les lignes entre les réseaux se sont petit à petit reconnectées sur les réseaux nationaux, augmentant graduellement l’interconnexion des réseaux nationaux, leur maillage, mais pas vraiment leur intégration au sein d’un système fonctionnant de manière totalement homogène.

Finalement, à l’aube des années 70, dix pays fonctionnent totalement en parallèle16. D’ouest en est, il s’agit du Portugal, de l’Espagne, de la France, de la Belgique, de la Hollande, du Luxembourg, de la République Fédérale d’Allemagne, de l’Autriche, de la Suisse et de l’Italie, auxquels vient se joindre la Yougoslavie en 1976, puis la Grèce, et en 1985 l’Albanie.

15%Idem.% 16%Idem.%

À cette maille géographique s’est rajoutée l’Angleterre en 1961, grâce à une première liaison sous marine à courant continu de 160 MW la reliant à la France. Cette liaison, sans permettre le synchronisme des systèmes, ouvre néanmoins la porte aux échanges d’énergie. Elle sera remplacée en 1986 par quatre liaisons à courant continu reliant les postes de transformation électriques de Sellindge en Angleterre et des Mandarins en France à 270 kV et pour une puissance totale de 2 000 MW.