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Le quorum sensing chez les bactéries à Gram-positif

Les bactéries à Gram-positif utilisent essentiellement les oligopeptides comme molécules de

signalisation dans les mécanismes du QS (Miller and Bassler, 2001). Comme précédemment indiqué,

ces oligopeptides linéaires et parfois modifiés sont appelés phéromones (Kleerebezem et al., 1997). Le

terme phéromone, inventé en 1959, dérive des mots grecs « pherein » pour transférer et « hormon » pour

exciter (Karlson and Lüscher, 1959). La phéromone est définie comme un composé sécrété par un

organisme dans l’objectif d’obtenir une réponse spécifique chez un autre individu de même espèce

(Stephens, 1986). Parfois certaines de ces phéromones jouent un double rôle et sont à la fois une

molécule de signalisation de QS et un peptide anti-microbien (Sturme et al., 2002). Ces phéromones

spécifiques connues sous le nom des bactériocines ne seront pas évoquées par la suite. Les phéromones

contrôlent des fonctions diverses telles que la compétence chez B. subtilis (Pottathil and Lazazzera,

2003), la virulence chez S. aureus (Mayville et al., 1999), la conjugaison chez Enterococcus faecalis

(Clewell and Weaver, 1989) ou la formation d’un biofilm chez Streptococcus pyogenes (Chang et al.,

2011).

Le cycle de vie des phéromones est divisé en quatre étapes. D’abord la biosynthèse ribosomale sous

forme de précurseurs puis la sécrétion vers le milieu extracellulaire et la maturation de précurseurs en

phéromone mature. L’étape de la détection de la phéromone mature aboutissant au contrôle de

l’expression des gènes cibles se fait soit en extracellulaire soit en intracellulaire (Monnet et al., 2014).

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Le gène produisant la phéromone est souvent une des cibles. Dans ce cas, une boucle d’auto-contrôle

positive est mise en place. Même si l’étape de biosynthèse des phéromones et le mécanisme de détection

ont été bien décrits dans la littérature, les acteurs intervenant dans l’étape de sécrétion et maturation ne

sont pas toujours mis en évidence pour tous les mécanismes de QS. La connaissance des facteurs

contribuant à la stabilité des phéromones ainsi que des acteurs impliqués dans l’arrêt de la vie des

phéromones reste également très limitée dans la littérature (Neiditch et al., 2017).

Lorsque la détection de la phéromone est extracellulaire, les systèmes à deux composants ou Two

Component System (TCS) contribuent à la transduction du signal. Le premier composant du TCS est un

« senseur » qui est un récepteur membranaire de la famille Histidine Kinase (HK). Ce senseur HK

s’autophosphoryle puis transfère son groupement phosphate au deuxième composant qui est

cytoplasmique et appelé « Response Regulator » (RR). Ces RR sont souvent des régulateurs

transcriptionnels contrôlant l’expression des gènes cibles de manière directe en se liant à leurs régions

promotrices au niveau de l’ADN (Liu et al., 2019). Quant à la détection en intracellulaire, les

phéromones matures sont réimportées par le transporteur d’oligopeptides Opp et s’associent aux

régulateurs cytoplasmiques appartenant à la grande famille RRNPP. Ce nom dérive des initiales des

membres prototypes de cette grande famille : Rgg, Rap, NprR, PlcR et PrgX. A l’exception des Rap qui

sont des phosphatases, les autres sont des régulateurs transcriptionnels. Ces senseurs cytoplasmiques des

phéromones étudiés jusque-là se trouvent chez les bacilles, les entérocoques et les streptocoques. Ils sont

regroupés au sein de la même famille sur la base d’une similarité au niveau structural même si les

fonctions contrôlées sont différentes (Declerck et al., 2007 ; Neiditch et al., 2017). Le Tableau 1

ci-dessous résume les membres de ces régulateurs étudiés et leurs phéromones associées. La Figure 3

illustre un schéma général des différentes étapes de cycle de vie des phéromones qui seront décrites dans

le chapitre 2.

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Les mécanismes de QS sont très répandus chez les bactéries. Même si la nature des auto-inducteurs

utilisés par les bactéries à Gram-négatif et les bactéries à Gram-positif diffère ainsi que leurs modes de

transport à travers la membrane, la détection à partir d’un certain seuil et un contrôle cordonné de

l’expression des gènes spécifiques restent le noyau de la communication bactérienne soumis aux

mécanismes de QS. Les facteurs externes pouvant influencer l’expression des gènes contrôlés par les

mécanismes de QS, la dissection de ces mécanismes dans les milieux complexes et lorsque les bactéries

vivent en communauté avec d’autres espèces reste un grand défi.

Tableau 1. La famille des régulateurs RRNPP. Les membres prototypiques de la famille des senseurs

cytoplasmiques des phéromones avec le nom de leurs phéromones associées, leurs répartitions parmi les

Firmicutes et les fonctions physiologiques associées connues. D’après Gardan et al., 2013.

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Figure 3. Schéma des étapes clés du cycle de vie des phéromones chez les bactéries à Gram-positif. Les phéromones

synthétisées par les ribosomes (1), maturées et sécrétées par différents acteurs (2) peuvent être détectées soit en milieu

extracellulaire par le senseur membranaire HK soit en milieu intracellulaire par les senseurs cytoplasmiques de la famille

RRNPP. Dans la détection extracellulaire (3) le senseur HK s’autophosphoryle lors de la détection des phéromones (3.1),

puis transfère le signal en phosphorylant le « response regulator » RR cytoplasmique (3.2). Dans la détection en

intracellulaire (3’.1), les phéromones matures sont re-internalisées par un transporteur d’oligopeptides (3’.1) et s’associent

avec leurs senseurs cytoplasmiques correspondants de la famille RRNPP (3’.2). Les deux voies de détection mènent au

contrôle de l’expression des gènes cibles (4). La région promotrice des gènes cibles est dessinée avec une boîte rouge. Dans

le cas de biosynthèse des phéromones à partir de sORF, la détection des phéromones active la production de phéromone

détectée créant ainsi une boucle d’auto-contrôle positive. D’après Monnet and Gardan, 2015.

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✓ Le QS est un des mécanismes de communication dépendant de la densité cellulaire

permettant aux bactéries de se comporter comme un groupe.

✓ Le QS contrôle des fonctions biologiques diverses et variées par l’expression coordonnée

de gènes spécifiques et à la suite de la détection des molécules de signalisation ou

auto-inducteurs.

✓ Les AHL, issus de métabolites secondaires, sont les auto-inducteurs des bactéries à

Gram-négatif et sont perméables à la membrane.

✓ Les oligopeptides parfois modifiés sont les auto-inducteurs des bactéries à Gram-positif

et sont imperméables à la membrane. Ce projet s’intéressera à la sécrétion de ces peptides

chez une des bactéries à Gram-positif.

✓ La maîtrise de la communication bactérienne pour contrôler les fonctions biologiques et

la compréhension de la communication inter-espèces restent des champs du domaine de

la microbiologie sociale à explorer.

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Chapitre2. Le cycle de vie des phéromones chez les bactéries à

Gram-positif

Nous avons vu dans le chapitre 1 [1.3] les généralités sur le mécanisme de QS chez les bactéries à

Gram-positif. Dans ce chapitre, je développerai distinctement chaque étape du cycle de la vie des phéromones

en précisant les similarités mais aussi les spécificités de certaines étapes selon les mécanismes du QS

étudiés. Dans un premier temps, je décrirai la biosynthèse des phéromones. Ensuite, je détaillerai les

étapes de la sécrétion et de la maturation selon leurs spécificités dépendant des caractéristiques des

phéromones étudiées en soulignant les lacunes concernant ces étapes. Par la suite, je présenterai

brièvement le mécanisme de la détection des phéromones en extracellulaire à travers l’illustration de la

compétence chez S. pneumoniae. Enfin, j’exposerai les mécanismes de la détection des phéromones en

intracellulaire par la famille des régulateurs RRNPP à l’exception du mécanisme associé aux régulateurs

Rgg qui sera décrit dans le Chapitre 3. « Le cycle de vie des phéromones chez Streptococcus

thermophilus » consacré au modèle d’étude de ce projet.