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Le protocole Controlled Reversible Inhomogeneous Broadening

Le protocole CRIB [Nilsson2005, Moiseev2001, Alexander2006, Kraus2006] tout en s’inspirant du 2PE permet d’en éviter l’écueil. Il faut souligner dans ce domaine le travail de M. Sellars qui fut et reste moteur pour la conception [Alexander2006] et la réalisation expérimentale [Hedges2010] du CRIB.

L’idée est simple. L’impulsion π permet le rephasage des cohérences, mais induit une inversion de population rédhibitoire. Le CRIB consiste à effectuer le rephasage sans impulsion π. Il n’y aura ni inversion de population ni risque pour le détecteur d’être aveuglé par une impulsion puissante. Comme son nom l’indique, ceci est possible si on contrôle le désaccord des cohérences dans l’élargissement inhomogène. On cherche par opposition à l’écho de photon (eq. 20) à réaliser directement l’opération ∆ → −∆ à

l’instant t12 sans inverser les populations. On obtiendra un rephasage des cohérences à

2t12.

On produit ainsi un écho par contrôle de l’élargissement inhomogène. C’est bien plus facile à dire qu’à faire. L’élargissement inhomogène naturel est produit par des distorsions microscopiques de la maille cristalline qui déplacent les raies par inter-action coulombienne. Il n’est pas contrôlable de façon dynamique. Dans le protocole [Alexander2006], on propose d’utiliser l’effet Stark statique pour maîtriser les désaccords de chaque dipôle. On suppose être capable de préparer initialement une raie homogène artificielle par pompage optique (SHB). On applique ensuite au moyen d’électrodes un champ électrique statique qui élargit la raie de façon inhomogène et contrôlable.

En fonction de la réponse Stark du milieu, on doit distinguer deux configurations de CRIB, transverse ou longitudinal.

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signal ∆ → −∆ écho

2t

12

t

12

0

∆t

Figure17 – En haut, schéma temporel d’une séquence de CRIB. Le contrôle dynamique

du désaccord ∆ assure le rephasage des cohérences. En bas, représentation de la phase

accumulée par les cohérences exp(i∆t12) pour trois désaccords différents à comparer à

la figure 14. −20 0 20 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 Fréquence ω/γ

Absorption (u.a.)

E(0, ω)˜

−20 0 20 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 Fréquence ω/γ

γ

Figure 18 – Élargissement (à droite) par effet Stark statique d’une raie homogène

(à gauche) par application d’un champ électrique inhomogène spatialement. La bande d’absorption après élargissement doit couvrir le spectre incident. La réduction de l’ab-sorption au centre est proportionnelle au facteur d’élargissement de la raie, l’aire sous la courbe est conservée.

5.2.1 Le CRIB transverse

C’est la situation la plus proche de l’écho de photon. On suppose ici que l’élargis-sement Stark (fig. 18) est obtenu en chaque point ou en chaque tranche dz du milieu. La raie est élargie de façon uniforme le long de z (voir fig. 19 pour une représentation

schématique). 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 Coordonnée z (u.a.) 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 −20 −10 0 10 20 0 0.5 1 Fréquence ω/γ Absorption (u.a.)

˜

E(0, ω)

−20 −10 0 10 20 0 0.5 1 Fréquence ω/γ

Figure19 – Différence entre le CRIB transverse (à gauche) et longitudinal (à droite).

Pour le CRIB transverse, l’élargissement de la raie se produit pour chaque tranche dz du milieu). Pour le CRIB longitudinal, la raie n’est pas élargie, mais elle est décalée en fonction de la profondeur z du milieu. Dans les deux cas, le spectre de transmission intégré (en bas) est le même et fait apparaître une transition élargie.

Cette situation n’est pas commune dans les cristaux dopés terre rare. Le dipôle électrique quand il existe une orientation bien définie dans la maille cristalline. Dans ce cas, l’application d’un champ électrique induit un décalage de la raie et non pas un élargissement. C’est en revanche le cas pour des verres dopés où l’orientation locale des dipôles est aléatoire. L’application d’un champ électrique uniforme (électrodes déposées sur le matériau) induit un élargissement de la raie [Hastings-Simon2006]. Il suffit alors de basculer la tension des électrodes pour réaliser l’opération ∆ → −∆. On est bien dans la situation du CRIB transverse.

On peut reprendre l’analyse de la partie 5.1.1 pour calculer l’efficacité. Le bascule-ment du champ électrique réalise pour la cohérence la transformation locale :

rsignal(∆, z, t+

12) = rsignal(−∆, z, t 12)

(25)

La population est inchangée ce qui est la grande force du protocole : w(∆, z, t+

12) = w(∆, z, t

12) = −1. On obtient une équation de propagation analogue à l’eq.22 avec pour

différence majeure, un terme d’absorption en −α

2 qui traduit l’absence d’inversion de

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∂E(z, t)

∂z +

∂E(z, t)

c∂t = −α2E(z, t) + αS(z, 2t12− t) (26)

On la résout sans peine pour obtenir l’efficacité définie par l’eq.23 :

η (αL) = (αL)2exp (−αL) (27)

L’efficacité est maximale αL = 2 et vaut 54%. Ensuite elle décroît à forte épaisseur optique. Cela n’a rien d’étonnant puisque la réémission de l’écho demande un compromis pour l’épaisseur optique. Il faut qu’elle soit suffisamment grande pour que le signal soit absorbé complètement. Mais elle ne doit pas être trop importante sinon l’écho est réabsorbé. Le CRIB vers l’avant n’est pas efficace à 100% mais est exempt de bruit dû à l’émission spontanée ou à la présence d’une impulsion forte dans la séquence temporelle. Il est possible d’imposer une réémission de l’écho vers l’arrière pour obtenir une efficacité de 100%. Pour ce faire, il est nécessaire de pouvoir appliquer des impulsions Raman pour convertir la cohérence optique en cohérence de spin comme nous l’avons vu à plusieurs reprises (voir par ex. 4.2.2 avec la figure 8 pour le schéma de principe). On applique deux impulsions Raman contra-propagatives [Alexander2006]. Cela a deux avantages. D’une part, on allonge significativement le temps de stockage en exploitant la longue durée de vie du spin. D’autre part, on modifie la condition d’accord de phase de réémission de l’écho. L’accord de phase n’est plus réalisé vers l’avant, mais vers l’arrière à cause du facteur exp (2kz) qu’impose les deux impulsions Raman. On peut alors écrire l’équation de propagation du mode vers l’arrière, peu différente de l’eq. 26 :

∂E(z, t)∂z + ∂E(z, t)

c∂t = −α2E(z, t) + αS(z, 2t12− t) (28)

On la résout pour le mode vers l’arrière avec la condition aux limites E(L, t) = 0 afin de calculer l’intensité de l’écho sortant en E(0, t). On trouve ainsi l’efficacité :

η (αL) = [1 − exp (−αL)]2 (29)

L’efficacité atteint 100% pour une épaisseur optique suffisamment importante. Il n’y a pas de problème de réabsorption dans ce cas, car l’écho se propage vers l’arrière et retraverse la partie du milieu (de taille 1/α) dont le rephasage de cohérence lui redonne de façon cohérente l’énergie que contenait le signal entrant.

L’application d’impulsion Raman n’est pas toujours possible si un niveau de spin n’est pas disponible et reste une complication expérimentale. Une alternative remar-quable a été proposée par M. Sellars [Alexander2006].

5.2.2 Le CRIB longitudinal ou Gradient Echo Memory

L’apport majeur du CRIB longitudinal appelé aussi Gradient Echo Memory (GEM) [Hétet2008b] est la possibilité d’obtenir une efficacité de 100% vers l’avant (sans trans-fert Raman). Contrairement au CRIB transverse où on applique un champ électrique

uniforme et on s’appuie sur l’orientation aléatoire des dipôles électriques pour obtenir l’élargissement de la raie, on utilise maintenant un gradient spatial de champ électrique. Dans les cristaux dopés où l’orientation du dipôle est bien définie dans la maille, on obtient un décalage de fréquence qui dépend de la profondeur dans le milieu. Comme on peut le voir sur la figure 19 (à droite), la transmission intégrée du milieu est la même que pour le CRIB transverse, mais dans le cas longitudinal il y a une relation entre le décalage de fréquence et la position. On ne peut pas établir d’équation de propagation du type eq.26. La résolution est plus complexe mais la possibilité d’obtenir, une effica-cité de 100% a été démontrée [Longdell2008]. Cette configuration reste plus accessible avec des cristaux dopés. Des électrodes en configuration quadrupolaire suffisent alors. Elle fut à l’origine d’une démonstration éclatante à forte efficacité (69%), le caractère quantique du champ étant vérifié en sortie [Hedges2010].

Il faut souligner que le GEM est aussi un protocole phare dans les vapeurs atomiques [Hétet2008a, Hosseini2009, Buchler2010, Sparkes2010, Hosseini2011a, Hosseini2012, Glorieux2012, Higginbottom2012, Sparkes2012] avec une efficacité record tous systèmes confondus de 87% [Hosseini2011b]. Cette production impressionnante traduit bien la maîtrise du groupe de P.K. Lam et B. Buchler. On utilise ici l’absorption Raman qui permet de considérer l’atome comme un système à deux niveaux effectif de longue durée de vie. L’élargissement de la raie est obtenu par effet Zeeman et non par effet Stark. Le principe et la description restent les mêmes.

5.2.3 Le CRIB était presque parfait

Malgré des résultats remarquables [Hedges2010], le CRIB reste délicat à mettre en œuvre. Une limite intrinsèque pour les cristaux dopés est qu’il n’est applicable qu’aux composés où l’effet Stark existe. Ce n’est pas toujours le cas pour des raisons de symétrie

cristalline comme pour Tm3+:YAG. Même si j’ai très peu parlé de la phase préparatoire

qui consiste à créer une raie homogène artificielle par SHB, elle peut être une difficulté

expérimentale majeure. Par exemple, Er3+:YSO dont les propriétés de cohérence sont

excellentes et dont la longueur d’onde est directement compatible par la bande télécoms ne possède pas de niveaux de réserve où on puisse accumuler les populations par pompage optique [Böttger2006]. Les sous-niveaux Zeeman utilisés pour le SHB n’ont pas une durée de vie suffisante pour tailler une raie artificielle suffisamment absorbante et réaliser le CRIB de façon efficace [Lauritzen2010].

On voit aussi poindre une limite fondamentale du protocole. Partant d’une raie homogène que l’on élargit ensuite, il nécessaire de disposer d’une absorption considérable pour garder ensuite une absorption non négligeable après élargissement. La préparation par pompage optique en est d’autant plus délicate. C’est le tour de force pourtant réalisé par Hedges et al. [Hedges2010]. On exploite finalement mal l’épaisseur optique initiale que l’on sacrifie au prix de la bande passante.

Malgré ces limites, le CRIB, comparé à l’écho de photon, est particulièrement éclai-rant, car il en résout les problèmes. Il perd cependant quelques avantages par rapport à son ancêtre, ce dernier ne nécessitant aucune préparation préalable. Nous avons donc très récemment décidé de reconsidérer l’écho de photon sous un angle nouveau.

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