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Le projet professionnel à l’entrée dans l’enseignement supérieur

Nous avons analysé les résultats des quatre premières années du suivi individuel d’une cohorte de bacheliers, mise en place par le ministère de l’Éducation nationale au cours de l’année 1996-1997. La population interrogée est représentative de l’ensemble des bacheliers 1996 scolarisés en 1995-1996 dans une classe de terminale d’un établissement public ou privé de France métropolitaine, sur la base des 4 critères suivants : sexe, série de bac, âge au bac, tranche d’unité urbaine de la commune d’implantation de l’établissement scolaire fréquenté en terminale. Au total, 6 436 bacheliers ont été interrogés sur leur situation au 31 octobre 1996, c’est-à-dire à la rentrée qui a suivi l’obtention de leur bac. L’enquête s’est déroulée dans une première phase par voie postale, à partir de la fin du mois de mars 1997 ; une relance a été effectuée par téléphone auprès des non-répondants. Le taux de réponse global a atteint 88 %. Depuis 1997, l’interrogation est répétée chaque année à la même date et selon les mêmes procédures, avec un taux de réponse de plus de 90 %. Les résultats de la quatrième enquête, réalisée en mars 2000, permettent de connaître la situation des répondants à la rentrée 1999, soit trois ans après leur bac.

Outre les questions portant sur les études suivies par les étudiants, et leur obtention éventuelle d’un diplôme, les interrogations successives portent notamment sur les motivations qui ont guidé leurs choix d’orientation, la façon dont ils vivent leur formation, l’évolution de leur situation personnelle, ainsi que leurs projets. Projets en matière de poursuite d’études, mais aussi projets professionnels. L’interrogation sur ce point prend la forme de deux questions simples qui sont répétées chaque année : « Avez-vous un projet professionnel ? » et « Si oui, quel est-il ? ». Les projets ainsi formulés librement par les étudiants par le biais d’une question ouverte sont ensuite codifiés en 15 items, d’importance inégale, correspondant plutôt à des secteurs d’activité :

1.2. La place du projet professionnel chez les nouveaux bacheliers

Les nouveaux bacheliers qui s’inscrivent dans l’enseignement supérieur sont nombreux à avoir un projet professionnel : près des deux tiers déclarent en effet être dans ce cas (Graphique 1).

Mais cette part varie sensiblement selon l’orientation qu’ils ont prise après leur bac : 70 % des bacheliers qui se sont inscrits à l’université disposent d’un projet, tandis qu’à l’opposé ce n’est le cas que pour 55 % de ceux qui préparent un BTS, et moins de la moitié de ceux qui intègrent un IUT. Le résultat peut paraître paradoxal, mais d’autres études, notamment régionales (ORFS-1999, Observatoire des étudiants de l’université de Franche-Comté-2000), aboutissent au même constat concernant les premiers cycles

professionnalisés (IUT, STS). Quant aux étudiants inscrits en CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles), « ceux qui réussissent leurs études ont très souvent un projet professionnel flou ou n’ont pas de projet » comme le souligne J.-P. Boutinet (1996).

Graphique 1

PART DES NOUVEAUX ÉTUDIANTS DÉCLARANT AVOIR UN PROJET PROFESSIONNEL (EN %)

69,8

63,9

59,1

54,5

45,7

Université (hors IUT)

Ens. Nouveaux étudiants

CPGE STS IUT

Source : panel de bacheliers du MEN.

L’analyse du contenu des réponses de l’ensemble des nouveaux bacheliers quant à leurs projets professionnels fait apparaître cependant la diversité de ce qu’ils mettent derrière. Certains font état d’un projet professionnel déjà très élaboré, comme « enseignante spécialisée pour les jeunes sourds »,

« traitement des réactifs chimiques usés », « médecin spécialiste en neurochirurgie », « création d’une entreprise de courtage maritime ». D’autres se contentent de citer un domaine d’activité, par exemple,

« travailler dans l’environnement », ou « trouver un emploi dans le domaine commercial »… D’autres encore paraissent confondre projet professionnel et projet de formation et indiquent « faire un DECF » ou bien « entrer à l’école de la Magistrature ». Mais il s’agit toujours de formations qui correspondent à des débouchés professionnels relativement précis ; projet de formation et projet professionnel se rejoignent dans ce cas. Le projet peut même être déjà très élaboré et s’inscrire dans le long terme comme « faire un DESS en Génie biologique et biochimique, puis un doctorat en Biologie appliquée ». Parfois deux, voire trois projets sont évoqués, par exemple « ingénieur ou enseignant ». L’hésitation s’explique alors souvent par une incertitude quant à l’évolution de leur parcours de formation.

Mais quel que soit son degré de précision, le projet professionnel joue un rôle important dans le choix de l’orientation puisque 42 % des nouveaux bacheliers le citent parmi les principales motivations de leur inscription dans leur filière (Tableau 1). Les étudiants inscrits à l’université sont les plus nombreux à s’être déterminés en fonction de leur projet professionnel, alors qu’à l’inverse l’attrait des débouchés joue un rôle plus important dans la motivation des bacheliers inscrits dans une filière sélective, qui ont par ailleurs moins souvent un projet professionnel. Ce résultat traduit l’intérêt d’un bachelier qui ne sait pas encore très bien ce qu’il veut faire, pour une filière dont il pense qu’elle lui ouvrira plus de débouchés ; cela lui permet de remettre à plus tard la définition de son projet professionnel. Dans le même sens, le souci de se garder le plus de portes ouvertes pèse un poids non négligeable dans l’orientation en classe préparatoire.

Tableau 1

PRINCIPALES MOTIVATIONS DES NOUVEAUX BACHELIERS* DANS LE CHOIX DE LEUR FILIÈRE(EN %) CPGE Université

Résultats scolaires précédents 28,1 18,0 10,5 17,7

Durée des études 2,6 3,1 39,0 34,3

Proximité du lieu de formation 5,8 15,6 14,3 22,2

Encadrement et suivi 28,2 2,1 34,3 22,0

Passerelle pour une autre filière 6,6 13,0 10,4 5,2

Stages ou échanges avec l'étranger 4,1 4,4 15,4 14,7

*y compris les nouveaux bacheliers inscrits dans d’autres formations (essentiellement des écoles) Source : panel de bacheliers du MEN.

1.3. La nature des projets professionnels à l’entrée dans l’enseignement supérieur

Parmi les projets professionnels mis en avant par les nouveaux bacheliers, les métiers de l’enseignement et de la recherche d’une part, et les professions de santé ou du secteur social d’autre part, dominent nettement (Tableau 2). Lorsqu’il sait ce qu’il veut faire, plus d’un nouvel inscrit à l’université sur trois, mais aussi plus d'un élève inscrit en classe préparatoire sur quatre, veut devenir enseignant. Par ailleurs, la moitié des élèves qui aimeraient travailler dans le domaine paramédical ou social sont inscrits à l’université.

Tableau 2

PROJETS PROFESSIONNELS DES NOUVEAUX ÉTUDIANTS QUI DÉCLARENT EN AVOIR UN (EN %) CPGE Université

Industrie/informatique 33,6 2,9 20,3 12,8 9,3

Commerce/artisanat 5,5 2,8 13,4 18,6 7,7

Fonction publique 7,1 8,9 12,1 5,1 7,6

Professions médicales 0,2 9,5 - - 4,7

Communication et relations publiques 7,1 5,1 5,0 1,9 4,1

Professions artistiques 3,0 3,3 0,6 2,3 4,1

Tourisme, hôtellerie 3,8 2,2 5,0 6,2 4,0

Divers 8,0 10,6 16,9 19,3 12,6

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

*y compris les nouveaux bacheliers inscrits dans d’autres formations (essentiellement des écoles) Source : panel de bacheliers du MEN

L'enseignement et les professions paramédicales et sociales sont également les deux domaines professionnels auxquels les étudiants se montrent les plus durablement attachés : en effet, trois ans plus tard, plus de 70 % d’entre eux les citent toujours, alors que dans le même temps 56 % seulement de l’ensemble des étudiants ont conservé le même projet.

Ces changements de projet peuvent être liés à un changement de formation. Parmi tous les nouveaux bacheliers, près d’un sur cinq va en effet se réorienter à l’issue de la première année d’enseignement supérieur : une fois sur deux il s’agit d’une première année de DEUG. Après la deuxième ou la troisième année, les changements les plus fréquents concernent des poursuites d’études après un BTS ou un DUT ; mais on constate encore des abandons en cours de cursus universitaire, en particulier lors du premier cycle d’études médicales. Comment évoluent les projets professionnels de ces étudiants ? Peut-on faire apparaître un lien entre cette évolution et les bifurcations successives de leur parcours, qui peuvent elles-mêmes être liées également à leurs résultats aux examens, ou à des opportunités nées de l’offre de formation ?

2. Évolution des projets professionnels et changement de filières : quelles