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A. Le priming immunitaire antibactérien

Dans le contexte de cette maladie poly-microbienne, nous avons montré un priming immunitaire antiviral efficace pour protéger les huîtres d’infections virales. Cependant, dans cette maladie poly-microbienne, l’huître est soumise à différentes populations bactériennes au cours de sa vie, dont certaines sont pathogènes (LeRoux et al. 2015, Bruto et al. 2017). Des travaux récents réalisés chez l’huître ont permis de révéler l’existence d’un priming immunitaire antibactérien lors de stimulations des huîtres avec des bactéries du genre Vibrio, du clade Splendidus (Zhang et al. 2014, Liu et al. 2016, Li et al. 2017a). Ces travaux se sont focalisés sur les réponses cellulaires de l’huître mise en place au cours de ce priming mais ne se sont pas intéressés à l’effet de cette primo-stimulation en termes de survie lors de la seconde infection. C’est un aspect que nous avons abordé au cours de ma thèse au travers de travaux préliminaires.

Pour identifier si le priming immunitaire antibactérien est efficace pour protéger des mortalités lors d’infections bactériennes, nous avons injecté 135 naissains standardisés de l’Ifremer de la cohorte 2015_1 avec chacune 50µl d’eau de mer contenant 1.88x108 CFU de Vibrio

tasmaniensis LGP32 (Gay et al. 2004) tués à la chaleur (90°C, 10min) (LGP32 HK). Cette solution a été

contrôlée comme dépourvue de bactéries vivantes par étalement de 50µl de cette solution sur milieu LB NaCl. Comme contrôle de primo-stimulation, 135 huîtres ont été injectées avec le même volume d’eau de mer autoclavée et filtrée à 0.2 µm (FSW). Vingt-quatre heures après cette primo stimulation, nous avons infecté ces différentes huîtres, soit avec un inoculum viral enrichi en OsHV-1 (1.43x108 unités génomiques / huîtres) (Schikorski et al. 2011b), soit avec 1.88x108 CFU/huître de

Vibrio tasmaniensis LGP32, soit avec de l’eau de mer autoclavée et filtrée à 0.2µm comme contrôle

négatif d’infection. Chaque condition de traitement a été réalisée en trois réplicas en déposant 15 huîtres dans des bacs contenant 800ml d’eau de mer filtrée. Un suivi de mortalité quotidien a été réalisé pendant 15 jours (Figure 15) et les huîtres mortes ont été retirées des bacs d’infection.

78 Figure 15 : Effet du priming bactérien sur la survie des huîtres lors d’infections bactériennes. Courbe de survie d’huîtres injectées avec de l’eau de mer autoclavée et filtrée à 0.2µm (FSW, courbes pleines) ou avec 1.88x108 CFU/huître de Vibrio tasmaniensis LGP32 tués à la chaleur (LGP32 HK, courbes pointillées), puis injectées 24h après par 1.43x108 copies de virus OsHV-1/huître (vert) ou par 1.88x108 CFU/huître de Vibrio tasmaniensis LGP32 (rouge) ou avec de l’eau de mer autoclavée et filtrée à 0.2µm (bleu). Test de log-rank ; p-value=0.0013 ; n=45.

Concernant les infections bactériennes, le taux de survie des huîtres non stimulées avec les bactéries tuées (i.e. FSW + LGP32) est faible, avec 6.7% de survie 15 jours après l’infection (courbe pleine, rouge). En revanche, chez les huîtres primo-stimulées avec les bactéries tuées (courbe pointillée, rouge) bien que le taux de survie final soit similaire à la condition contrôle 8.9% de survie à 15 jours, la cinétique de la courbe de survie est différente. En effet, durant les 4 premiers jours d’infection, le taux de survie est amélioré de 20% chez les huîtres stimulées avec les bactéries tuées par rapport aux huîtres de la condition contrôle. Cette protection diminue ensuite pour finalement atteindre à 15 jours le même taux de survie que les huîtres non stimulées. Ces résultats préliminaires montrent pour la première fois que la stimulation d’huîtres par des bactéries tuées ne permet pas de protéger des mortalités aux doses utilisées dans le contexte de notre étude. Il est possible que cete inefficacité soit due à la durée entre la stimulation et l’infection qui pourrait ne pas avoir permis une réponse immunitaire efficace et adaptée en 24h. Cependant, nos résultats suggèrent pour la première fois que cette primo stimulation des huîtres par Vibrio tasmaniensis LGP32 permet de ralentir significativement la cinétique d’infection d’au moins 4 jours lors d’infections bactériennes. Plusieurs hypothèses peuvent être émises par rapport à cette observation. Nous pouvons émettre comme première hypothèse que le délai entre la primo-stimulation et l’infection était trop court pour permettre une activation efficace des mécanismes impliqués dans le priming immunitaire. Dans ce cas, il serait intéressant de répéter cette expérimentation avec des délais plus importants entre la

0 5 1 0 1 5 0 5 0 1 0 0 D a y s p o s t- in fe c t io n P e r c e n t s u r v iv a l F S W L G P 3 2 H K ** L G P 3 2 H K F S W L G P 3 2 H K + F S W + O s H V - 1 + L G P 3 2

79 primo-stimulation et l’infection. Par ailleurs, nous pouvons émettre comme hypothèse que l’injection de bactéries tuées dans les huîtres puisse saturer les récepteurs hémocytaires et ainsi ralentir le processus infectieux lors de l’injection des bactéries V. tasmaniensis LGP32 virulentes. Des d’études réalisées par d’autres auteurs sur le priming immunitaire antibactérien chez l’huître (Liu et al. 2016) suggèrent l’implication de la superoxide dismutase extracellulaire (EcSOD) dans les mécanismes de priming immunitaire. Cependant, il est difficile de pouvoir comparer leurs observations avec nos résultats puisque la souche bactérienne qu’ils ont utilisée dans leurs expérimentations est un Vibrio

splendidus identifié chez le pétoncle Patinopecten yessoensis dont l’effet sur l’huître est encore

inconnu (Liu et al. 2013a). Ensuite, nous pouvons émettre comme hypothèse que les mécanismes de la phagocytose pourrait être saturés par les bactéries tuées primo-injectées et ainsi les V.

tasmaniensis LGP32 virulentes ne pourraient plus entrer dans les hémocytes et exercer leur pouvoir

pathogène (Duperthuy et al. 2011, Vanhove et al. 2016). Concernant cette hypothèse, d’autres travaux réalisés sur le priming immunitaire antibactérien chez l’huître ont suggéré un rôle important de l’augmentation de l’activité de phagocytose dans ce phénomène (Zhang et al. 2014). Ces observations ont été d’ailleurs soutenues par des travaux montrant une augmentation de l’hématopoïèse suite à une primo-stimulation par des bactéries tuées (Li et al. 2017a). Ces résultats pourraient aller dans le sens de notre hypothèse impliquant le rôle de la phagocytose dans cette protection transitoire. D’une part, pour confirmer l’hypothèse que les mécanismes de phagocytose sont saturés par les bactéries injectées lors de la primo-stimulation, les contenus hémocytaires pourraient être analysés. Pour cela il pourrait être envisagé de stimuler des huîtres avec Vibrio

tasmaniensis LPG32 tués à la chaleur alors que d’autres huîtres seraient non stimulées. Vingt-quatre

heures après, l’ensemble de ces huîtres seraient infectées avec la souche Vibrio tasmaniensis LGP32 porteuse d’un plasmide exprimant la GFP. A partir des hémocytes prélevés dans ces différentes conditions, si la phagocytose est saturée par les bactéries tuées primo-injectées, il y aurait très peu de bactéries GFP phagocytées et par mesure de fluorescence, nous pourrions conclure si ce phénomène est impliqué ou non. De plus, pour confirmer cette hypothèse, il serait alors intéressant de pouvoir bloquer ce mécanisme de phagocytose via l’utilisation de billes de latex pour ainsi confirmer le rôle de la phagocytose in vivo.

Concernant les infections virales, notre expérimentation nous a permis de montrer un taux de survie important de 84.4% 15 jours après l’infection chez les huîtres primo-injectées avec l’eau de mer puis infectées avec l’OsHV-1 (courbe pleine verte). En revanche, chez les huîtres primo-stimulées avec les bactéries V. tasmaniensis LGP32 tuées à la chaleur (courbe pointillée verte), il n’y a pas de protection croisée, au contraire les mortalités sont aggravées avec 53.3% de survie 15 jours après les infections. Des résultats obtenus récemment au laboratoire ainsi que des données de la littérature

80 suggèrent qu’il existe des réponses antivirales et antibactériennes bien distinctes mais dont les bases cellulaires, mécanismes d’activation voire de différenciation restent à établir (Zhang et al. 2015, Green et al. 2016b). Il se pourrait donc que dans notre étude, l’exposition préalable de l’huître à une bactérie pourrait induire une réponse spécifique antibactérienne lors du priming et empêcher l’hôte de mobiliser une réponse antivirale efficace lors de la rencontre avec le virus. Afin de pouvoir confirmer cette hypothèse, il serait important de pouvoir confirmer ces résultats dans un premier temps et de pouvoir comparer par une approche globale, les réponses immunitaires d’huîtres dans un contexte d’infection bactérienne ou virale. L’approche transcriptomique globale par RNA-seq réalisée dans le cadre de la thèse de Tristan Rubio (Thèse de Doctorat de Tristan Rubio, 2014-2017) lors d’infection bactérienne combinée à nos travaux réalisés sur l’étude des mécanismes du priming immunitaire lors d’une infection virale (cf Chapitre 1, Article 1) pourraient permettre de comprendre si l’immunité antibactérienne se met en place au détriment de l’immunité antivirale.

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