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2.1 Le préformage

2.1.2 Le préformage des renforts à fibres naturelles

La majorité des travaux sur le préformage 3D des renforts 2D à fibres naturelles concerne les tissus. Généralement, le renfort est préformé sur un dispositif externe ayant la même géométrie que le moule d’injection mais permettant d’imposer des forces de déformation plus importantes que lors de la fermeture du moule d’injection. Les déformations qui se produisent durant le préformage d’un renfort multicouche sont une combinaison de plusieurs

phénomènes complexes (traction biaxiale, cisaillement intraplis, compaction, flexion). Selon l’architecture et l’orientation du renfort par rapport au poinçon, le nombre de plis et la complexité géométrique du poinçon, certains défauts apparaissent.

Moothoo et coll. [64] ont étudié le préformage d’un renfort de lin de type taffetas sur un dispositif de formage muni d’un poinçon tétraédrique et d’une matrice (moule femelle) ouverte permettant la prise d’images par caméra. Les auteurs observent la présence de certains défauts comme des surépaisseurs et des replis sur certaines faces de la préforme et en dehors de la zone utile (Figure 2.2). Ces replis s’expliquent par le fait que sous l’effet des déformations imposées par le dispositif, les mèches viennent en contact les unes avec les autres au fur et à mesure que le cisaillement intraplis augmente. L’augmentation progressive et continue de ce contact se traduit par une augmentation des phénomènes de compression latérale entre les mèches, une augmentation de la rigidité de cisaillement et une diminution de l’angle entre les fils de trame et les fils de chaîne. En-dessous d’un certain angle, dit angle de blocage, les fils commencent à onduler, ce qui se traduit par l’apparition de replis. Cette étude montre que certains paramètres comme la constitution des mèches, le nombre de fibres par fils, l’alignement des fibres ainsi que l’architecture (taffetas, toile, sergé) du renfort ont une influence significative sur sa déformabilité et la qualité finale de la préforme. Les auteurs observent aussi qu’il est possible de réduire l’amplitude des replis ou du moins de limiter leur apparition en augmentant localement la tension dans les fils des renforts grâce à un serre- flan. La Figure 2.3a présente les courbes de cisaillement obtenues dans le test de cisaillement intraplis (cisaillement treillis). On y distingue trois zones caractéristiques du cisaillement des tissus et les angles correspondants. Au début de la zone 1, l’effort mesuré est faible car il y n’a pas encore de contact entre les mèches de même direction et les seuls efforts sont causés par le frottement entre fils de chaine et fils de trame. Dans la zone 2, les mèches commencent à se toucher et l’angle de blocage (Figure 2.3b) est atteint. Ce contact entre mèches voisines s’accompagne d’un début de compaction latérale. Cette dernière est d’abord partielle dans la zone 2 puis s’intensifie dans la zone 3; ce qui se traduit par l’augmentation nette de l’effort de cisaillement. À partir de la zone 3, on commence observer la formation de replis [60, 90]. La Figure 2.3b, décrit l’angle de blocage et les deux manières de le calculer en fonction de la rotation des fils de trame (en rouge) [63].

Figure 2.2: Préforme de lin, architecture taffetas: (a) rides en dehors de la zone utile, (b) position des surépaisseurs et (c) zoom sur les boucles (ou flambements) [64].

Figure 2.3: (a) Courbe de cisaillement issu d’un test de cisaillement en biais et phénomènes mésoscopiques [60] et (b) angle de blocage [63].

Les paramètres géométriques des renforts ne sont pas les seuls à influencer leur préformage. Capelle et coll. [33] ont examiné le préformage à sec de renforts tissés faits de fils de lin détordus (“untwisted”, en anglais). Ils ont utilisé le même montage expérimental que Moothoo et coll. [56] afin de modifier localement la pression moyennant une optimisation de la géométrie du serre-flan. Les replis ont été substantiellement réduits grâce à des ajustements locaux de la tension (diminution de la tension dans les fils passant par le point triple du poinçon et augmentation dans les fils présentant du flambage). Leurs résultats montrent que les paramètres procédé (pression de serre-flan, géométrie du moule) ont une forte influence sur la qualité finale de la préforme. Un bon ajustement de ces paramètres permet d’améliorer la qualité des préformes. En variant le ratio entre les fils de trame et de chaîne, on peut aussi améliorer la formabilité des tissus. Par exemple, Vanleeuw et coll. [91] ont étudié la déformabilité et le formage d’un tissu quasi-unidirectionnel de lin (95,5 % de fils de chaîne et 4,5 % de fils de trame) en utilisant une machine de formage munie d’un poinçon en double dôme pénétrant une matrice ouverte (Figure 2.4 a et b). La faible proportion de fils de trame dans le tissu induit peu d’interactions chaîne-trame et limite l’action des forces de frottement dans la phase initiale du cisaillement [91]. Une autre conséquence de cette distribution des fils est que les préformes obtenues ne présentent pas de défauts visibles (replis, ouvertures). En effet, la distribution des angles de cisaillement sur la préforme montre que partout les angles de cisaillement restent bien inférieurs à l’angle de blocage du renfort. Ouagne et coll. [58] ont étudié les défauts tels que le flambement ou le désalignement des mèches lors du préformage de tissus de lin sur un moule tétraédrique. Leurs travaux montrent qu’il est difficile de prévenir le flambement des fils juste en ajustant seulement les paramètres procédés (la pression de serre-flanc, l’orientation des renforts, …). L’optimisation ou l’adaptation de l’architecture du renfort en fonction du moule de préformage est nécessaire, tant à l’échelle mésoscopique (espacement entre les fils de trame et de chaîne) que macroscopique. Toutefois, il est aussi possible de réduire significativement la formation de certains défauts tels que le flambement et le glissement des fils en optimisant la géométrie du serre-flan pour permettre d’augmenter ou réduire localement la tension dans certains fils pendant le préformage comme l’ont montré Capelle et coll. [33].

Figure 2.4: Géométries du (a) poinçon double dôme et de (b) la matrice ouverte (b) [91]. Un autre avantage de l’optimisation de la géométrie du serre-flanc est qu’il n’est plus nécessaire d’optimiser le tissu à préformer pour le préformage de géométries complexes. Omrani et coll. [92] ont étudié la déformabilité et le préformage de renforts non tissés (mats) à fibres de lin. Ils ont observé que moyennant un bon ajustement de la pression du serre-flanc et une densité surfacique de renfort suffisamment élevée, il est possible de former des préformes ayant des géométries complexes (Figure 2.5 a et b) sans défauts apparents, notamment les replis ou les vides.

Figure 2.5: Préformes faites de plis 0/90° de renforts non-tissés de lin de différents grammages : (a) 300 g.m-2 et (b) 450 g.m-2 [92].

Néanmoins, les préformes obtenues peuvent présenter localement des différences de densité surfacique des fibres (et donc de taux volumiques de fibres); ce qui peut fausser la perméabilité des préformes et induire des zones de faiblesse dans les composites obtenus

après moulage. Ainsi, deux facteurs importants à contrôler lors du préformage de ce type d’architecture sont : la force de serre-flan et la densité surfacique locale du renfort ou de la préforme.