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5. Le pathosystème Leptosphaeria maculans / colza

5.2 Le Phoma du colza dû à Leptosphaeria maculans

5.2.1 Importance économique de la maladie

Le Phoma du colza (aussi appelé Nécrose du collet) est la maladie la plus préjudiciable aux cultures du colza, à la fois sur variétés d'hiver et de printemps. Cette maladie a une importance économique majeure en Europe, en Amérique du nord et en Australie (West et

al., 2001 ; Fitt et al., 2006). En France, où le colza est principalement une culture d'hiver, la

diminution de rendement due à la verse des plantes peut atteindre 20% (Pinochet et al.,

2003). Au Royaume-Uni, les pertes liées à la maladie ont été estimées à 56M€ par saison

en 2000-2002 (www.cropmonitor.co.uk). Dans l'ouest Australien, pendant les saisons de

culture 1998 et 1999, les pertes ont respectivement été estimées à 18.6M€ et à 49.4M€

(Khangura & Barbetti, 2001).

5.2.2 Taxonomie

Le Phoma du colza est actuellement considéré comme dû à un complexe d'espèces très similaires morphologiquement (Howlett, 2004). Auparavant, l’espèce « L. maculans » était divisée en deux groupes de souches, virulentes et avirulentes, agressives et non-agressives, Tox + et Tox 0, ou groupe A et groupe B (West et al., 2001). Sur la base d'analyses de séquences d'ADN et de comparaisons morphologiques des fructifications produites in vitro, ces deux groupes sont aujourd'hui considérés comme deux espèces distinctes, le groupe A responsable principal de la nécrose du collet correspondant à L. maculans et le groupe B responsable d'autres dégâts correspondant à L. biglobosa (Shoemaker & Brun, 2001; Mendes-Pereira et al., 2003). Nous considérerons seulement dans cette étude L. maculans qui est le principal responsable des dégâts les plus importants sur la culture du colza.

5.2.3 Cycle de vie (Figure 1.6)

Survie et reproduction

Entre les saisons de culture, L. maculans survit en saprophyte sous forme de mycélium sur les résidus et les semences infectés de la saison précédente. Ce mycélium peut produire des pseudothèces contenant des ascospores et des pycnides contenant des pycnidiospores dans des conditions favorables de température, lumière et humidité relative (Gabrielson, 1983; Williams, 1992). L. maculans est un champignon hétérothallique (Venn, 1979 ; Petrie & Lewis, 1985) ; la production de pseudothèces (fructifications sexuées) contenant les

Figure 1.7 : Représentation schématique du mécanisme de dispersion par éclaboussures ("rain-splash" ou "splashing") après impact d'une goutte d'eau de diamètre (D) et de vitesse de chute (V) sur une surface de caractéristiques donées, d'après Rapilly (1991). Lors d'un épisode pluvieux, des gouttes de pluie entrent en collision avec les surfaces foliaires. Si la zone d'impact est porteuse de spores, ces dernières sont incorporées dans les gouttelettes d'éclaboussures et libérées hors de la zone d'impact. La dispersion des gouttelettes d'éclaboussures dépend de nombreux paramètres parmi lesquels la taille et la vitesse des gouttes incidentes et les caractéristiques de la cible. Le dépôt des spores contenues dans une gouttelette correspond à la rencontre d'un obstacle végétal par cette gouttelette.

ascospores sur les résidus de culture nécessite la rencontre de deux hyphes mycéliens de types sexuels compatibles au collet d'une même plante (Williams, 1992; Huang et al., 2003). La période de persistance des résidus de culture dans les parcelles varie selon les conditions environnementales et les pratiques culturales et peut s'étendre à cinq années (Alabouvette & Brunin, 1970). Les ascospores sont considérées comme la principale source d'inoculum primaire, et la quantité de cet inoculum primaire est étroitement liée à la sévérité de l'épidémie sur la culture de colza lors de la précédente saison de culture (Lô-Pelzer et al., 2008). D’autres espèces adventices de la famille des Brassicacées sont hôtes de L.

maculans. Ces espèces sont B. alba, B. arvensis, B. campestris, B. kaber, B. tournefortii, Raphanus raphanistrum, Sinapis arvensis, Thlaspi arvense et Sisymbrium sp. (Gabrielson,

1983).

Dissémination

Les ascospores sont libérées lors d'épisodes pluvieux à une période débutant généralement lorsque de jeunes plants de colza sont présents dans les parcelles (West et al., 2001) ou comme en Australie au moment de la période des semis de colza (Salisbury et al., 1995). Cette période de libération se prolonge durant tout l’automne en France. Les ascospores sont supposées être transportées sur de longues distances (jusqu'à 8-10 kilomètres) par le vent (McGee, 1977). Des piégeages au champ d’ascospores sur des distances limitées montrent une rapide décroissance du nombre d’ascospores piégées dès les premières centaines de mètres (Salam et al., 2001; Marcroft et al., 2004).

Des observations au champ ont révélé la dissémination de la maladie par les spores issues de multiplication asexuée suite à des épisodes pluvieux (Barbetti, 1976), ou bien, plus récemment, suite au piégeage de pycnidiospores lors des épisodes pluvieux (Guo & Fernando, 2005). Les pycnidiospores qui constituent une source d’inoculum secondaire seraient ainsi disséminées vers les feuilles et les plantes voisines lors des pluies dans les gouttes d'éclaboussures par le mécanisme de "splashing" (Williams, 1992; Guo & Fernando, 2005) (Figure 1.7). Ces pycnidiospores peuvent avoir un rôle prédominant sur le développement des épidémies de Phoma dans des conditions d'humidité favorables (Li. et

al., 2004) bien qu'il soit considéré que les cycles secondaires dus aux pycnidiospores

n'affectent pas le rendement (Hall, 1992).

Germination, colonisation et symptômes

Les ascospores et pycnidiospores germent sous des conditions d'humidité adéquates et produisent ainsi des hyphes mycéliens responsables de l'infection. L'infection des plantules résulte de l'invasion par le champignon des cotylédons et des jeunes feuilles via les stomates ou les blessures (Hammond et al., 1985). Après germination, l'hyphe mycélien

Source Variété, lignée ou accession Gène de résistance Localisation

Brassica napus Quinta', 'Scoop' Rlm1 D-Y 10a = N7b

B. napus Glacier', 'Bristol' Rlm2 D-Y 16

B. napus Columbus', Doublol' Rlm3 D-Y 10 = N7

B. napus Jet Neuf', 'Maluka' Rlm4 = LEM1c D-Y 10 = N7

B. napus accession française Rlm7 D-Y 10 = N7

B. napus Darmor-bzh' Rlm9 D-Y 10 = N7

B. juncea Aurea', 'Picra' Rlm5

-B. juncea Aurea', 'Picra' Rlm6 = Jlm1d D-Y 17

B. rapa accession française Rlm8

-B. rapa sylvestris lignée en sélection LepR1 N2

B. rapa sylvestris lignée en sélection LepR2 N10

B. rapa sylvestris Surpass 400' LepR3 N10

a Delourme et al., 2004 b Parkin et al., 1995 c Ferreira et al., 1995 d Chèvre et al., 1997

Figure 1.8 : Nécrose du collet.

Tableau 1.2 : Les douze gènes spécifiques de résistance à L. maculans chez le colza : espèce source, variétés dans lesquelles le gène de résistance est introduit, nom du gène de résistance et localisation sur la carte génétique du colza. D’après Rimmer, 2006.

colonise initialement les tissus en agent biotrophe via les espaces intercellulaires du mésophylle. Des lésions foliaires (ou macules) apparaissent quelques jours après cette colonisation. Ces macules sont des taches grises à vertes pâles qui peuvent mesurer jusqu'à 2 cm de diamètre. De manière nécrotrophe, au niveau des macules, le champignon forme les fructifications asexuées ou pycnides, contenant les pycnidiospores (West et al., 2001). Le champignon poursuit sa progression systémique dans la plante à l'intérieur des pétioles via les vaisseaux de xylème ou entre les cellules du parenchyme et du cortex (Hammond & Lewis, 1986). Cette phase systémique et biotrophe n’est pas associée à des symptômes visibles (Hammond et al., 1985) jusqu'à ce que le champignon envahisse et détruise les cellules du cortex de la tige et provoque ainsi une nécrose noire et liégeuse à la base de la tige, au niveau du collet de la plante. Cette nécrose du collet (Figure 1.8) peut aller jusqu'à provoquer la verse des plantes, la plus dommageable au champ.

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