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0.3 La différenciation terrestre

0.3.4 Le noyau terrestre

Un alliage de fer et de nickel

Le noyau terrestre représente 32 % de la masse de la Terre. Situé à 2890 km de profondeur, il est impossible de l’étudier par des méthodes directes. Sa découverte, grâce à la sismologie, a permis d’imaginer de nouvelles méthodes pour caractéri-ser physiquement et chimiquement le noyau terrestre. Des expériences analogiques ont permis d’estimer que le noyau de la Terre est principalement constitué de fer

liquide métallique. Des modèles géochimiques suggèrent également que 5 % de ni-ckel entrent dans la composition du noyau (McDonough 2003, McDonough and Sun 1995). De nombreuses études, basées sur des méthodes expérimentales ainsi que des calculs ab initio, ont montré que l’addition de Ni avait très peu d’effet sur les propriétés physiques de l’alliage. Ces propriétés comprennent la densité, la compressibilité et l’élasticité (Asker et al. 2009, Kantor et al. 2007, Lin et al. 2003, Martorell et al. 2013, Wakamatsu et al. 2018). Des études focalisées sur des para-mètres chimiques ont également montré l’absence d’effet de la concentration en Ni dans un alliage sur ces paramètres (Fraser and Rammensee 1982, Huang and Badro 2018, Oriani 1953, Zellars et al. 1959), même si deux études isotopiques récentes indiquent l’inverse (Elardo and Shahar 2017, Xia et al. 2019). Cela suggère qu’un alliage de fer et de nickel possède un caractère idéal, c’est-à-dire que ses propriétés physico-chimiques restent inchangées quel que soit le rapport Ni/Fe de l’alliage.

Des éléments sidérophiles

Les éléments sidérophiles ont pour propriété d’avoir une forte affinité pour le fer métallique, et sont donc préférentiellement enrichis dans le noyau et appauvris dans le manteau lors de la différenciation terrestre. Ces éléments étant peu abon-dants dans le Système Solaire, ils représentent moins de 1 % de la masse du noyau.

Néanmoins, leurs propriétés en font des traceurs privilégiés de la différenciation terrestre car leurs abondances dans le manteau sont directement héritées de la sé-grégation du noyau. En particulier, les éléments modérément volatils et sidérophiles enregistrent à la fois les processus de formation du noyau et les processus liés à la volatilité. L’étude de leur comportement lors de la différenciation terrestre permet de mieux comprendre l’accrétion des éléments volatils en lien avec la formation du noyau, et constitue l’objet de cette thèse.

Des éléments légers

Dès les années 1950, il est observé, grâce à des études sismologiques, que la densité du noyau terrestre est inférieure à celle du fer pur (Birch 1952, 1964), suggérant la présence d’éléments légers dans le noyau. En effet, comme expliqué précédemment, l’alliage Fe-Ni se comportant de façon idéale, la différence de den-sité avec le fer pur mesurée est indépendante de la quantité de Ni dans le noyau

et peut entièrement être attribuée à l’incorporation d’éléments légers. La quantité d’éléments légers est estimée à 5-10 % dans le noyau liquide, et 4-5 % dans la graine (Alfè et al. 2002, Anderson and Isaak 2002, Hemley and Mao 2001, Jeph-coat and Olson 1987). Les éléments légers pouvant potentiellement entrer dans la composition du noyau doivent remplir plusieurs conditions : (1) avoir une masse atomique inférieure à celle du fer, (2) se trouver en abondance suffisante dans la Terre primitive indifférenciée et (3) être soluble dans le fer liquide aux conditions de la différenciation (Allègre et al. 1995). L’oxygène, le silicium, le soufre, le carbone et l’hydrogène remplissent ces conditions. Le budget en éléments légers du noyau est probablement une combinaison d’un ou plusieurs de ces éléments. L’identifi-cation de ces éléments passe par la mise en évidence d’un mécanisme permettant d’intégrer un élément léger dans le noyau ainsi que la réconciliation des contraintes apportées par la minéralogie expérimentale avec celles de la sismologie (densité et vitesses sismiques). La capacité d’un élément à être intégré dans le noyau est dépendant des conditions de pression, de température, d’oxydo-réduction ainsi que des compositions chimiques des deux réservoirs qui s’équilibrent. Ces conditions peuvent être reproduites en laboratoire dans des expériences à haute pression et haute température afin de caractériser le comportement des éléments légers lors de la différenciation terrestre. Les conditions d’oxydation ont un rôle primordial car il a été montré qu’à haute température, le silicium est susceptible de former un alliage avec le fer sous des conditions réductrices alors que des conditions oxydantes favoriseraient la solubilisation de l’oxygène dans le métal (Badro et al. 2015). Cer-tains modèles favorisent l’oxygène comme élément léger dominant dans le noyau (Badro et al. 2015, Frost et al. 2010, Ringwood 1977, Rubie et al. 2004, Siebert et al. 2013), alors que d’autres sont en faveur du silicium (Allègre et al. 1995, Fi-scher et al. 2015, Gessmann et al. 2001, Rubie et al. 2011, Ziegler et al. 2010). Le carbone a été estimé à 0.2 à 1 poids pourcent (wt.%) dans le noyau (McDonough 2003, Wood et al. 2013). L’étude de l’hydrogène comme potentiel élément léger dans le noyau terrestre est très difficile à cause de sa volatilité extrême, mais pourrait contribuer jusqu’à environ 1wt.% du noyau (Clesi et al. 2018, Fukai and Akimoto 1983, Thompson et al. 2018, Umemoto and Hirose 2015). La quantité de soufre dans le noyau terrestre est estimée à environ 2 wt.% dans de nombreuses études (Badro et al. 2014, Boujibar et al. 2014, Dreibus and Palme 1996, Mahan et al.

2018a, McDonough 2003, Morard et al. 2013, Suer et al. 2017). Le soufre pourrait

propose la formation d’un «Hadean matte », liquide sulfuré riche en éléments vo-latils, formé à la limite noyau-manteau durant les dernières phases de l’accrétion puis incorporé au noyau. La ségrégation d’un tel liquide constitue un mécanisme supplémentaire permettant d’inclure des éléments légers et des éléments ayant une forte affinité pour le soufre (éléments dits chalcophiles) dans le noyau. Wood et al.

(2014) montrent expérimentalement, pour une sélection d’éléments sidérophiles, qu’il existe une corrélation entre l’appauvrissement dans le manteau de ces élé-ments et leurs coefficients de partage entre silicate et sulfure à l’état liquide. Ils montrent également une absence de corrélation de ces appauvrissements avec les coefficients de partage entre silicate et fer liquides, renforçant cette hypothèse de ségrégation dans un liquide sulfuré, en accord avec d’autres études expérimentales (Righter et al. 2019, Wood et al. 2008). Dans les travaux présentés ici, l’effet du soufre sur le comportement des éléments étudiés dans le contexte de la formation du noyau a été quantifié et permet d’apporter des contraintes supplémentaires sur la quantité de soufre dans le noyau.

Le partage entre métal et silicate des éléments sidérophiles est influencé par la présence d’éléments légers (Li and Agee 2001, Mann et al. 2009, Tuff et al. 2011, Wade et al. 2012). Il est donc important de connaître la composition du noyau terrestre car elle permet de préciser les conditions de partage entre métal et silicate des éléments sidérophiles, mais aussi de déterminer la composition de la Terre totale (bulk composition), ainsi que la structure et la dynamique du noyau terrestre.

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